Dans tes yeux

5

— Vous et le commandant, ça fait combien de temps ?

Il la questionne en fourrant sa main dans un sachet de dragibus tous aussi bons les uns que les autres. C'est la fin de l'enquête et le commandant s'est éclipsé pour aller voir le légiste, pour aller chercher une pièce manquante et clore le dossier.

— Ça, c'est mon affaire.

Elle lui répond avec le sourire aux lèvres. Ça la fait rire, que chacun des lieutenants du commandant s'intéresse à leur histoire d'amour.

— Et vous Noah, une histoire ?

— Non, je préfère me consacrer à la famille. C'est sacré, une famille !

— Vous savez quoi ?

— Quoi ? Je vous intéresse ?

Il a réussi à la faire rire et s'en réjouit, parce que dans ce travail, c'est dur de maintenir son sourire plus de dix minutes.

— Je crois que vous avez raison.

—  À propos de quoi ?

— La famille.

— Aucun doute sur ça. La famille compte plus que tout madame le juge.

* * *

— Madame Nevers, s'il vous plait. Vous étiez bien partie, je vous écoute.

— Noah était important. Il s'est tout de suite intégré à l'équipe et dès le premier jour, je crois qu'on a pu dire qu'il faisait partie des nôtres.

— Très bien. Est-ce qu'il y a des choses que vous auriez aimé lui dire ? Des choses que le temps a emporté avec lui sans vous laisser le choix...

La juge est en sanglots, sa force disparaît pour laisser place à un fond de brume et de sombre déprime.

— Vous pouvez lui écrire. Tenez.

Une feuille blanche, un stylo bille noir. Mais pas d'inspiration ni de courage. Juste du matériel. Où cela peut-il la mener ?

— Je n'arriverai pas, je vais... Je vais rentrer. Merci.

— Vous pouvez revenir. Ma porte est ouverte et je vous encourage, cela pourra vous libérer, croyez-moi.

— Au revoir.

— À bientôt.

* Flash-back *

— Maman, il manque un œuf.

— Papa a pourtant fait les courses tout à l'heure. Tu en es sûre ?

— Oui, regarde.

La petite brune ouvre la boîte de six et montre de ses doigts fins qu'elle n'est remplie que de deux œufs.

— Comment on fait ?

— On va aller acheter une autre boîte, ça ne fait rien.

— D'accord.

— Tu vas mettre ton manteau ?

— Oui, j'arrive !

Pleine de gaieté et de joie excessive, Alice se réjouit de pouvoir enfin sortir avec sa mère. Aujourd'hui est un beau jour. Il y a du soleil et sa maman ne semble pas affaiblie. Elles vont même aller faire les courses ! D'habitude, elle y va toujours avec son père et ce n'est pas drôle, parce qu'il ne sait jamais où sont les yaourts et les citrons. Cette fois, ce sera différent.