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— Racontez-moi où vous en êtes.

— Je ne sais pas vraiment. À vrai dire je n'ai jamais vraiment su où j'en étais.

— Et si on se focalise sur le décès du jeune lieutenant. Qu'est-ce que vous pouvez me dire à propos de lui ?

— Qu'il était... brillant. Je ne travaillais pas directement avec lui, mais quand on est greffier on est un peu confident, aussi... Je le voyais rarement alors quand l'équipe était réunie, j'adorais ça.

— Monsieur Lemonnier... Je sais que c'est difficile, mais parlez-moi de ce que vous ressentez maintenant. Le passé est derrière vous et vous devez faire avec. Quelles émotions vous traversent quand vous repensez au moment où vous avez appris la nouvelle ?

Victor chausse mieux ses lunettes et fait s'entrelacer ses mains. Un soupire.

— Les émotions sont évidentes à deviner, mademoiselle. Ce n'est pas la réponse que vous attendez mais j'imagine que vous en avez vu beaucoup défiler des collègues du lieutenant ici. Ils vous ont répété la même chose à son propos, et je suis d'accord avec eux. Tristesse, douleur, souffrance... Ces émotions sont évidentes. Moi je suis déçu. Déçu que ça se termine comme ça pour un jeune comme ça. J'espère que sa famille arrivera à encaisser...

La psychologue se lève doucement, s'assied à demi sur son bureau et scrute le greffier. Quel drôle de personnage. Il a un visage jovial, alors elle se demande à quoi il ressemble quand il est heureux.

— Vous avez l'air d'être quelqu'un qui est toujours de bonne humeur. J'espère pouvoir vous voir sourire avant de m'en aller !

Gêné, Victor se laisse aller et se surprend à sourire, réalisant alors le vœu de la jeune psy.

— C'est ça que je veux voir, Lemonnier. Un Victor heureux d'avoir été un collègue et un ami d'une personne brillante. Et non pas un visage traduisant le regret et la déception. Vous y arriverez ?

— Sûrement... J'ai encore besoin d'un peu de temps, mais je pense que j'y arriverai, oui.

— Du temps, c'est certain. Mais une présence aussi. Je ne vous recommande pas la solitude. Vous n'avez pas quelqu'un chez qui vous pouvez aller ?

— Je pourrais partir quelques jours chez mon oncle, il vit à Marseille.

— Faites ! Partez vous dégourdir l'esprit tout en gardant la belle image de Noah dans votre coeur.

* * *

— Maman, je te présente Alice. Alice, ma mère.

Il n'y croit pas. Les deux femmes de sa vie sont réunies dans la même pièce, et cela lui donne la sensation d'être à nouveau heureux. Épris d'un bonheur sans limites.

— Bonjour. Vous êtes ravissante !

— Merci madame. Alors c'est de vous que Fred a hérité de ces beaux yeux ?

— Son père les avait bleu-gris, alors je crois que j'y suis pour quelque chose.

C'est une sorte de renaissance qui se fait au creux de son coeur. Il les laisse parler sans les interrompre.

— J'ai vu que vous aviez un enfant ?

— Oui. Il s'appelle Paul.

— Il est aussi beau que sa maman. Et vous y êtes sûrement pour quelque chose !

Amusé qu'elle fasse référence aux gènes, Fred étouffe un léger rire. Il leur sert une boisson simple qui leur convient parfaitement avant de prononcer :

Dans tes yeuxWhere stories live. Discover now