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Une semaine plus tard

— Ils sont encore en état de choc. Le peu de collègues du lieutenant Diacouné que j'ai vus ont lâché moins de trois mots. Pourtant je m'y connais et j'arrive à faire parler n'importe qui, c'est mon travail. Là, il va falloir du temps. Je pense qu'ils ont besoin d'une semaine de congés supplémentaire. Accordez-leur ça.

L'entretient prend fin et après une brève poignée de main, la psychologue parcourt en sens inverse ces longs couloirs.
Un homme l'interpelle. Il n'est pas si grand que ça et semble éprouver une attirance pour les hommes, mais mademoiselle Dunon ne préfère pas s'enfermer dans des préjugés, alors elle lui laisse sa chance, en quelque sorte.

— Madame, s'il vous plaît !

Plus aucun doute sur le côté efféminé de celui qu'elle a en face d'elle.

— Vous êtes un des membres du personnel faisant partie du Palais de Justice ?

— Je suis greffier.

— Bien. C'est l'heure de ma pause, je peux vous convoquer un peu plus tard, si vous en avez besoin.

— Non, j'aimerais seulement avoir plus d'informations concernant la cellule psychologique. Vous êtes susceptible de pouvoir m'en transmettre ?

— Cinq minutes. Je vous laisse cinq minutes parce que j'ai un programme chargé en ce moment...

Ils se retranchent dans un petit coin où chacun trouve sa place sur un banc. Ce lieu reculé n'est que très peu fréquenté et tant mieux.

— Je m'appelle Victor Lemonnier, je travaille avec la juge d'instruction Alice Nevers.

— Je la connais, c'est une de mes patientes. Mais je vous préviens : je suis tenue au...

— ... secret professionnel, oui, je sais. Ce n'est pas pour ça que je suis venu.

Agacée qu'il anticipe ses dires, la psychologue dispose ses dossiers auprès d'elle pour libérer ses mains et écouter attentivement la détresse de Lemonnier.

— Je m'inquiète beaucoup pour elle... Je sais qu'elle était en congé cette semaine et que l'enquête ne lui est pas confiée, mais je n'ai aucune nouvelle depuis et ce n'est pas normal. Pareil pour le commandant Marquand, qui travaille avec elle depuis longtemps. Vous pourriez seulement me dire s'ils viennent vous voir ?

Elle visualise parfaitement le visage de ces deux clients, qu'elle n'a vus qu'une seule fois.

— Je ne les ai vus que le jour où ils étaient obligés de consulter pour que je puisse faire un bilan général de l'état de chacun. C'est bien que vous vous en inquiétiez parce qu'il me semble que l'un n'allait pas mieux que l'autre.

Victor se dépêche de se relever et empoigne la main de la jeune femme qui l'a écouté attentivement.

— Merci !

— Attendez... Si vous avez besoin, passez me voir. Je peux vous recevoir, je sais que vous aussi faisiez partie de l'équipe qui s'est constituée il y a deux ans seulement... Quand le nouveau lieutenant est arrivé.

Il prend sa carte sans conviction et la plonge dans sa poche avant d'enchaîner une série de pas qui l'envoie vers le bureau du juge Nevers, désert depuis une semaine.

Chez le commandant

— Je suis content que tu aies pu rester avec moi cette semaine.

Sa mère est peut-être âgée, mais elle est loin d'avoir oublié ne serait-ce qu'un fragment des années précédentes. Elle garde tout en elle et c'est aujourd'hui qu'elle se rend compte de l'importance d'avoir toujours maintenu ce contact d'amour avec son fils. Sa mère lui sourit alors qu'il appose sa main forte et rassurante sur la sienne.

Dans tes yeuxWhere stories live. Discover now