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               Angélique fredonnait l'air funèbre. Derrière la porte, elle entendait les voix des infirmières :

« Que se passe-t-il ?

— Elle s'est enfermée dans sa chambre !

— Toute seule ?

— Oui... Et elle chante...

— Je m'en doutais, le pire était à prévoir... »

La poignée de la porte remua nerveusement, un juron résonna derrière le bois :

« Vous croyez qu'il a découvert le corps ?

— Bien sûr... Il doit même être au commissariat à l'heure qu'il est... »

La voix de l'infirmière Clarisse sembla soudainement plus proche et plus forte :

« Angélique, tu m'entends ? »

La malade ne réagit pas.

« Angélique, il faut que tu ouvres... »

Pas de réponse, seulement le son clair de la comptine planant dans la chambre. La voix d'Angélique semblait diminuer peu à peu, passant d'un timbre imposant à un murmure. L'infirmière Clarisse cria :

« Défoncez moi cette porte...

— Vous êtes sûre que ?

— Faites ce que je vous dis ! »

Aussitôt, une lourde masse s'élança sur la porte qui résista un instant avant de s'ouvrir à la volée. L'infirmière Jeanne surgit dans la chambre, rouge, suivie de sa collègue complétement affolée. Celle-ci, après avoir recherché Angélique du regard, hurla en voyant son corps sans vie, affalé sur la coiffeuse. Le sang avait inondé le meuble et coulait sur le parquet, créant une flaque écarlate. Les cheveux de la belle morte étaient défaits, tombant en cascade sur sa nuque, et d'entre deux mèches dépassait une rose rouge. La broche était profondément plantée dans son cou, le geste avait été précis et net. Clarisse s'assit sur le lit, les yeux écarquillés, les mains tremblantes, et articula difficilement :

« C'est de ma faute... »

L'infirmière Jeanne observa la scène macabre d'un air désolé et secoua la tête de droite à gauche. Après avoir soupiré, elle alla enlever le bijou du corps d'Angélique, confectionna de nouveau un chignon et planta le pic dans l'assemblage de cheveux. Elle posa une main douce sur la tête inerte de la morte et chuchota en affichant un sourire mélancolique :

« Joyeux Noël Angélique... »


Dans la maison de ma tanteWhere stories live. Discover now