Le Marchand De Sable

5 Nola

Je file à travers le couloir qui va me conduire jusqu'à l'amphi de mon prochain cours, et il est bien trop court à mon goût. Je lutte pour retenir mes larmes. C'était un papillon rouge exactement comme dans... Non, c'est impossible ! Ce que j'imagine dans mes rêves n'existe pas ! Ni les papillons rouges, et encore moins le type qui va avec. Alors pourquoi je panique comme ça ? Ce n'est pas comme s'il pouvait débarquer dans ce couloir pour faire ce qu'il fait toujours : me terrifier.

J'essaie de reprendre une attitude normale et de respirer calmement, mais c'est comme si mes poumons étaient remplis de sable ; le même qui a coulé entre les doigts d'Ella. J'essaie de ne pas paniquer, mais le manque de sommeil commence vraiment à empiéter sur mon quotidien. Ce cauchemar, qui hante chacune de mes nuits, commence à pourrir aussi mes journées. Il va falloir que ça s'arrête.

— Mademoiselle Nott ? entends-je soudain.

Je m'immobilise, interrompant le fil de mes pensées, puis tourne sur moi-même. Dans mon dos, notre professeur de mythologie nordique semble tout juste sortir de son bureau. Eh merde... Elle va me parler de mes résultats catastrophiques et, comme elle est aussi mon prof-référent, je ne vais pas pouvoir l'éviter longtemps.

— Mademoiselle Sol ?

— Vous n'êtes pas en retard, vous pouvez ralentir le pas, me dit-elle.

Elle ferme la porte de son bureau derrière elle et me rejoint dans le couloir. Comme chaque fois que je la croise, je me demande à quelle sauce elle va me cuisiner. J'ai du mal à la cerner. Elle est toujours souriante, mais il y a quelque chose en elle qui impose un certain respect. Et là tout de suite, impossible de savoir si son humeur penche plus vers la joie ou vers l'envie de meurtre. Si elle a vu mes résultats, je vote pour la seconde option, parce que la seule matière où je rame est la sienne.

— Vous allez bien ? me demande-t-elle.

J'avale ma salive. Si je vais bien ? Plus depuis quelques semaines ! Mais je garde mes cauchemars pour moi, par fierté certainement. Les confier à une psy hier était déjà suffisamment gênant, pas besoin d'en rajouter, je déteste qu'on ait pitié de moi.

— Oui, et vous ? la questionné-je simplement en retour.

Son sourire me fait plisser les yeux.

— J'ai la tête dans le...

Elle s'arrête là et me lance un regard en coin avant d'enchaîner :

— Si je finis ma phrase, vous allez trouver ça déplacé ?

Je fronce les sourcils.

— Hmm... Grave ! Mais c'est aussi ce qui ferait de vous la prof la plus cool de cette fac à mes yeux, avoué-je après une courte réflexion.

Elle explose aussitôt de rire.

— Ravie de le savoir ! Enfin, même avec la tête enfouie profondément dans une partie de mon anatomie que je ne citerai pas, j'ai constaté que vos résultats en mythologie nordique ne sont pas à la hauteur de vos capacités !

Prends ça dans ta tête, Nola !

Je me crispe et me tourne vers elle avec un sourire contrit.

— Ce n'est pas contre vous... marmonné-je.

— Vous pouvez être franche avec moi et me le dire si la mythologie nordique vous ennuie au plus haut point, me souffle-t-elle avec un clin d'œil.

— Non, non ! Pas au plus haut point... répliqué-je en sentant qu'elle comprendra mon ironie dénuée de malveillance.

Son rire résonne dans le couloir alors que nous arrivons devant la porte de l'amphithéâtre où son cours va débuter.