Chapitre 34

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Chapitre 34 :

Je me précipite dehors et le vois tourner. Il marche vite. Ses pas sont précipités, irréguliers. J'ai l'impression qu'il ne sait pas lui-même où il va. Il veut me fuir, juste me fuir. Et cette constatation me donne envie de hurler.
Où va-t-il putain ? Il quitte rapidement le territoire divin. Pourquoi vouloir rejoindre celui des anges ? Il va vraiment n'importe où. Cela fait mal...

Je lui cours après. Il marche rapidement, un peu trop vite. Je dois allonger mes pas pour le suivre. Mon souffle se bloque dans ma poitrine. A vrai dire je halète. Mon cœur palpite. Et je commence à suer. Mes joues doivent être toutes rouges.
Mordred tourne, et tourne à nouveau. A-t-il conscience que je le suis ? Veut-il me semer ? En tout cas, il maintient un tel rythme qu'il m'est impossible de le rattraper.

A mon plus étonnement, il pénètre dans le quartier rebelle, le seul livré humains. Pourquoi ? Pourquoi vient-il dans mon ancien quartier ? Celui dont Ryan m'a chassé. Les restes de mon ancienne vie. Il ne devrait pas être ici.
Les émotions me submergent et je n'arrive pas à les refouler. J'ai désespérément envie de pleurer. Mais mes larmes refusent de couler. Je dois encore tenir. Après, je pourrais me laisser aller et dormir un peu.
Soudain, j'entends la voix de Mordred. A qui parle-t-il ? Je me rapproche et le surprend avec Ryan. Je me cache et tends l'oreille.

-- Que veux-tu ? lança sèchement Mordred à mon ex petit-ami.

Je jette un coup d'œil furtif. Ryan est presque nez à nez avec Mordred. Il a une expression hargneuse. Mais cela ne change pas de son habitude.

-- Tu es au courant que les humains n'en peuvent plus ?
-- Qu'est-ce que je suis censé en avoir à foutre ? Tant pis pour vous. Viens pas pleurer sur mon épaule parce que franchement j'ai envie de te briser la nuque.

Je vois les yeux du chef des rebelles briller de rage. Mais il se reprend très vite. Contre, cela n'est pas normal. J'ai l'impression qu'il n'a pas juste peur de Mordred.

-- Bah qu'est-ce qu'il y a ? le nargua Ryan On s'est fait jeter ?

Ryan se met sur la pointe des pieds et s'étire lentement. J'arrive presque à goûter son hilarité, et sa rancœur, comme un bonbon sucré mais en même temps amer.

Mordred ne réagit pas.

-- Safia est un vrai aimant à emmerdes. T'aurais dû t'en douter, insista-t-il.

Il voulait vraiment mourir...

-- Elle est naïve, insouciante, irresponsable, continua toujours Ryan en listant chacun de mes défauts sur ses doigts.

Mordred lève les yeux au ciel.

-- Viens-en au fait, Ryan. J'en ai déjà marre de t'entendre.
-- Tu ne m'écoutes même pas. J'te disais juste que les humains sont à bout et la suite logique est...
-- Je me fous des humains, répliqua tranquillement Mordred.

Il reprend son calme.

-- C'est notre territoire notre ville. Nous ne sommes pas si faibles, renchérit Ryan.

Mordred rit avant de tourner autour de Ryan. Bon, peut-être que son nouveau calme apparent n'est pas une si bonne chose. Impossible de savoir maintenant.

-- Toi oui, tu n'es pas aussi faible qu'eux. Et tu sais pourquoi. Ne te mets pas au même niveau qu'eux. Tu ne devrais pas être leur chef. Et tu as viré Safia pour moins que toi. E si je révélais ton petit secret ? Tu crois qu'il adviendrait quoi de toi ? Tu ne resterais pas longtemps le chef des rebelles. Oui, tu serais obligé de rester avec moi. Quelle malédiction ! Ou bien tu t'obstinerais et vivrait comme un paria ? Oui... Tu es du genre buté, aveuglé. Un peu comme Safia, tu ne remets pas tes certitudes en question, jamais. Vous deviez faire un beau couple, commenta-t-il amer. Tu es pathétique Ryan. Pitoyable, insista-t-il

Je vois la poitrine de mon ex se soulever anarchiquement. Sa pomme d'Adam ne fait pas mieux dans sa gorge. Il écume de rage. Pourtant il a l'air frêle face à Mordred, face à son pouvoir mortel, serpentant entre eux deux. Il pourrait le tuer si facilement, sans aucun effort. Et Ryan lui tête. Il restera quoi qu'il advienne téméraire, régit par ses émotions.

-- Je n'ai rien à voir avec vous, hurla-t-il. Je n'ai rien à voir avec les dieux. Vous êtes monstres. Egoïste, impitoyable, sadique, sans aucun sens moral et complètement taré. Moi, j'ai des valeurs, des sentiments. Je tiens aux autres rebelles humains. J'ai de la compassion.

Mordred le laisse parler, un sourire en coin. Que va-t-il répondre ? En tout cas, il a l'air de s'en délecter d'avance.

-- Nous allons bientôt ouvrir les portails. Qu'en dis-tu ? Tu ne feras plus le fier quand la cour Seelie traversera, quand le roi des lumineux va débarquer. C'est moi qui vais rire !

Ryan recule précipitamment, le regard hanté. Oui, j'en suis sûre. Mordred sait quelque chose sur mon ex. Ryan a un gros secret. Il est peut-être même en danger. Il a toujours eu peur de perdre ce pourquoi il s'est battu. Très possessif, il ne supporterait pas qu'on lui enlève sa situation.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine. J'ai les mains moites. Je les essuie sur les pierres rouges du mur, sans aucun effet.
Soudain, Ryan semble se calmer. Je comprends aussitôt. Il a une idée derrière la tête. Et elle ne va ni plaire à Mordred, ni à moi.

-- J'ai décidé de prendre les choses en main, articula-t-il lentement.

Je vois sa posture changer. Son équilibre s'inverse. Il bascule son bassin de côté et frappe Mordred à la tempe. Je salue son courage. Parce qu'il n'a aucune chance contre lui. A mon avis, Mordred a dû à peine le sentir. Il est resté campé bien au sol, même sa tête n'a pas bougé. Il s'y attendait. Et il n'a rien fait. Je le comprends. Il est certain de le battre même sans user de son pouvoir.

-- Que crois-tu faire ? rigola Mordred.

Ryan sourit et secoue sa main. Oui, je sais. Ça défoule.

-- On m'a dit que l'argent n'est pas ton ami.
-- Qui donc t'as dit une connerie pareille ?
-- Une connerie ? Tu es bien sûr ? La lignée Morrigan est connu chez les dieux, leur point faible aussi. Et n'oublie pas qui je suis.

Mordred secoue la tête.

-- Et quel est ton objectif ? demanda-t-il patiemment.
-- J'ai pensé qu'une rançon nous aiderait bien. Ou bien, un moyen de pression. Pas mal, non ?
-- Pitoyable. Tu crois que Doll te laissera gentiment faire ? Tu n'as aucune chance.

Mordred semble mort de rire. Et Ryan le tue du regard.

-- Voudrais-tu que je tue tous tes rebelles ? Avec qui vas-tu trainer ? se moqua-t-il.

Il s'ensuit une longue série de coups et d'esquives. Ryan est enragé. Plus il s'énerve, plus Mordred est hilare. Ils sont tous deux à bout émotionnellement, et j'ai peur qu'ils ne fassent une bêtise.

Ryan se trouve dans le dos de Mordred. Il sort une lame de sa manche si vite, en un battement de cil. La lame ressort à l'avant la poitrine de Mordred. Il écarquille les yeux. Et il titube. Bon sang, c'est vrai. Il a talon d'Achille, l'argent. Il ne peut pas mourir. Mais on peut le neutraliser.

Je sors de ma cachette. Est trop fier pour s'occuper de ce qui est dans son dos. Je sculpte mon pouvoir pour ne laisser filtrer qu'une infime partie. Puis, je piège Ryan dans une cage de glace.

-- Que..., protesta-t-il.

Mordred lutte pour rester debout. Quand il lève la tête et me voit, il ouvre la bouche légèrement. Bien, j'ai réussi à le suivre sans qu'il ne s'en rende compte.

Je le soutiens et enlève précautionneusement la lame de sa poitrine. Ni trop vite, ni trop lentement pour qu'il ne perde pas plus de sang.

Il s'allonge au sol alors que sa blessure suinte, et il ferme les yeux. Je sens une douleur dans l'épaule et me rend compte qu'un pic de glace y ait enfoncé. Je me retourne. Ryan est hors de lui. Avec deux autres pics de glace venant de sa cage, il me transperce l'abdomen. La douleur m'embrase, me fait perdre le contrôle de mon pouvoir. Des rebelles humains sortent des habitations. C'est une embuscade. Ils se rapprochent de nous. Et je sens mon énergie leur arracher leurs forces vitales pour venir me guérir. La glace disparait. Mon pouvoir cesse de rugir et s'enroule autour mes blessures. Elles se referment plus rapidement que celles de Mordred, à cause de l'argent.

Il est toujours allongé mais comme la fois où je l'ai assommé avec mon pouvoir, il ne va pas tarder à se réveiller. Je recouvre la raison en même temps que la douleur cesse, tout à fait.

Je prends conscience de ce que j'ai fait en voyant les cadavres autour de moi. Lucas, le père de Lara, me fixe de ses yeux pâles. Je tremble et recule précipitamment. J'ai tué les rebelles humains. Je leur ai enlevé l'espoir. Oh merde... Ryan.

-- Non, non, non, criais-je. Bordel, Ryan ! T'es pas mort... Dis-moi que t'es pas mort... Tu peux pas me faire ça !

C'est le dernier à m'avoir connu, avant. Il avait raison. Les dieux sont des monstres. Je suis un monstre, sans aucune pitié.
Les larmes coulent cette fois.

-- Tu ne peux pas me laisser, Ryan... Réveille-toi !
-- Tu ne peux plus rien y faire, me dit Mordred.

Il s'est relevé et il me secoue, m'enlève à mon état de choc. Je cligne des yeux, tout mon corps tremble.

-- C'est mon... Il me connait depuis tout bébé... On a joué ensemble... On est sorti ensemble... On a sombré ensemble... Il ne peut pas me laisser !
-- Cesse de te plaindre. Ce qui est fait est fait. Encore une fois, tu aurais mieux fait de ne pas me suivre.
-- Je voulais te faire changer d'avis. Je t'ai sauvé ! criais-je. Tu es plus important que mon ancienne vie mais...
-- Aide-moi, me dit-il brusquement.
-- Pourquoi ? De quoi ? Hein ? fis-je abasourdi.

Il se passe la main sur le visage et secoue la tête.

-- Ryan n'est pas mort.
-- Si. Enfin. Bien sûr que si. Il est mort. Tu le vois bien.

Mordred se baisse et soulève Ryan. Son corps est complètement flasque. Je ne sens rien en lui. J'aimerais tellement croire Mordred.

-- Safia, réfléchis un peu. Cesse de te faire submerger par tes émotions et de réagir à l'instinct même si cela m'a bien aidé pour cette fois. Tu veux que je change d'avis et regarde comment tu te comportes.
-- C'est juste que je ne fais pas les choses à moitié, bougonnais-je après m'être essuyé les yeux. Comment voulais-tu que je réagisse ? Il t'a poignardé avec une lame en argent. Et tu ne guérissais pas.

Il veut parler mais je l'arrête.

-- Je sais que tu ne peux pas mourir. Je sais que j'aurais dû réfléchir. Mais il m'a fait perdre le contrôle de mon pouvoir. Et je suis une déesse de la mort. Je ne supportais pas de te voir là, en train de te vider de ton sang, prêt à être capturer. J'ai fait un travail sur moi-même, Mordred. Et je m'habitude de mieux en mieux avec ma vraie nature. Mais je n'ai pas eu 18 ans pour comprendre. Je me pensais humaine. Alors dis-moi pourquoi Ryan ne serait pas mort ?

Il le transporte sur ses épaules et il se met en route. Il me jette un regard trouble, moins froid qu'avant. Je le suis.

-- Il est comme toi. Il va se réveiller. Le sort de verrouillage s'est annulé quand ton pouvoir l'a pris.
-- Je... D'accord... Donc, c'est un dieu ?

Nous pénétrons dans le territoire angélique, curieusement silencieux. Que s'est-il passé ici pour que personne n'ose sortir de chez lui ? Je l'ignore. Et j'ai mieux à penser.

-- Oui, me répondit Mordred.
-- Il n'est pas tout à fait comme moi ?

Il se contente de hocher la tête.

J'ai envie de lui crier dessus, de l'obliger me regarder, à me parler, à se confier. Mais rien à faire. Il ne m'écoutera pas. Il est replié sur lui-même.

-- C'est un dieu de la lumière, devinai-je.

Toujours pas de réponse. Quel ingrat.

Guerre sainte tome 1 Apocalypse ( deuxième jet )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant