Chapitre 1

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« Alors Andrew, que fais-tu dans ce café, devant cet ordinateur depuis des jours ? Je t'ai repéré, tu sais et tu m'as l'air, comment dire... désespéré ?

_ C'est compliqué en effet... soupira le jeune auteur.  J'essaie d'écrire un roman, mais rien ne vient! C'est le vide total. C'est pour ça que la barmaid m'a conseillé de parler avec vous. Bien que, sauf votre respect, je ne pense pas que ce soit ce qui me redonnera mon inspiration. »

La jeune femme aborda un sourire, puis replaça une de ses magnifiques mèches rousses derrière son oreille.

« Tu es bien naïf, affirma-t-elle, chacune des personnes présente ici et dans ce village, ont bien plus d'histoires à raconter que tu ne pourrais l'imaginer. N'importe qui à une histoire à raconter. Et crois-moi ici, à la campagne, il y a souvent plus de choses à découvrir qu'en ville. Tous les habitants que tu croisera auront sûrement des choses à te dire sur ce village car, elle sont toutes là pour une bonne raison, toi-même, tu es là pour quelque chose.

_ C'est vrai. Personnellement je suis là pour écrire. Mais toi, que fais-tu ici ? s'enquit Andrew.

_ J'essaie de me retrouver, de reconstruire ma vie. J'ai fais des choix que j'ai crus bon, j'ai suivi mon cœur, et même si je ne regrette rien, je suis venue ici pour reprendre ma vie en main et me lancer dans de nouveaux projets que je pourrais réaliser sans me priver de vivre. »

Malgré la tristesse de ces propos, la rouquine gardait le sourire. Emilia lui apporta sa limonade et retourna derrière le bar en offrant un clin d'œil à l'écrivain qu'il le fit sourire.

« Que s'est-il passé pour que ta vie s'écroule, si ce n'est pas trop indiscret ?

_ J'ai choisis le mannequinat, un rêve de petite fille, sans doute. Le début a été très dur, il fallait que je me fasse un nom dans le métier, que j'arrive à atteindre le haut de la pyramide. J'avais conscience que ce n'était pas quelque chose de facile et qu'il n'y avait pas de fumée sans feu, mais jamais je me serais imaginé un milieu si hostile et plus je commençais à percer, plus les critères étaient durs et sans pitié. Les mannequins se crachaient presque à la figure, les agents passaient leur temps à nous répéter que seule notre silhouette comptait... Je me suis mise à la diète un nombre de fois incalculable, mais ça ne convenait jamais. Ils étaient tous impitoyables. Alors, j'ai décidé de partir, je ne cautionnais plus leurs méthodes.

- C'est horrible, chuchota le jeune homme.

- C'était bien pire que ça. Je ne vivais plus, dès que je passais devant ne serait-ce que devant une boulangerie, je devais me retenir. Je ne pouvais plus rien manger, au risque de grossir. Je passais mes journées aux salles de sport et entre deux défilés, je grignotais une feuille de salade, une carotte quand j'avais de la chance. Je ne faisais rien d'autre que penser à ma ligne, mon corps était épuisé, affamé... Mais je l'ignorais, je ne pensais qu'à ma taille parfaite... Si la vie se résume à se priver des plaisirs quotidiens, ce n'en n'est pas une... »

La femme à la chevelure de feu, marqua une pose, des souvenirs remontaient à la surface, elle ne se laissa tout de même pas submerger par les émotions, elle garda son superbe sourire et reprit son récit, pas couper une seule fois par le garçon en face d'elle qui l'écoutait avec attention, émerveillé cette histoire pleine de courage.

« Mais le plus horrible, c'est que je ne me retrouvais pas dans le rôle que je jouais. Je devais incarner une icône, mais je ne me sentais pas à ma place, dans le corps d'une autre. Devais-je continuer à symboliser, être une personne que je n'étais pas ? Le jeu n'en valait pas la chandelle. C'est également pour ça que j'ai arrêté.

- Waouh, je ne sais pas quoi dire, si ce n' est que je suis désolé. Ton histoire est époustouflante.

- Tu n'as pas à être désolé, je vais bien, toute cette histoire m'a fait grandir, réaliser que la vie n'est pas toujours facile et qu'il faut se méfier des apparences. »

Ils se turent un instant réfléchissant silencieusement à ce qu'avait dit la femme.

« J'aime bien les apparences, je trouve que ça nous protège, c'est-ce qui nous définis. On ne peut pas tromper les apparences malgré ce que l'on dit, finit par philosopher Andrew.

_ Ah oui ? Donc si j'en crois tes apparences, je peux dire que, voyons voir... Tu es maladroit, comme le conteste ta chemise remplis d'innombrables tâches de café, tu es dans la lune, tu ne penses même pas à mettre tes lunettes et je dirais que tu es désordonné aussi. Alors, est-ce que ce que je crois voir est vrai ?

- Presque, mais contrairement à ce que tu pourrais penser, je suis quelqu'un de maniaque et de très ordonné ! Sauf quand j'écris, ou du moins quand je tente... »

Andrew observa la jeune ex-mannequin de la tête aux pieds. Un bandeau rouge soigneusement noué maintenant sa chatoyante chevelure, une chemise ample rentrée dans un short, une tenue simple mais appliquée à son image. Mais sous ces immenses sourires se cachait un cœur brisé, détruit par des espoirs vains et des illusions fondées sur un milieu barbare, ne laissant aucune chance ni aucun répit. Sachant ça, l'auteur débutant révisa son jugement sur les façades que chacun érigeait de lui-même et comprit qu'il avait tort. Certes grâce à cela, on pouvait se protéger, mais on se servait surtout de ces masques pour montrer ce que l'on désirait au monde, pour paraître merveilleusement bien alors qu'au fond nous étions détruits. Les apparences ne sont pas parfois trompeuses, elles le sont toujours.

« Tu as raison... Mais dis-moi, d'où te vient cette expérience sur la vie, tu as l'air si jeune... questionna Andrew. »

Le sublime sourire que portait habituellement la femme s'agrandit un peu plus, et ses yeux se mirent à pétiller de malice.

« Je crois que je suis une personne si joyeuse que j'ai besoin d'avoir des pensées noires pour pouvoir contrebalancé avec ma bonne humeur. Chacun a ses petits secrets. »

Un silence confortable s'installa entre les deux. Andrew était dans sa contemplation du café qu'il occupait depuis près de trois mois et Sophia, quant à elle, était perdue dans ses pensées. L'auteur en herbe admirait l'intérieur de « Chez Jean », le meilleur et le seul café de St-Laurent-en-Campagne. Tous les habitants du petit village venaient boire un coup au petit commerce assez polyvalent. Les boiseries usées par le temps témoignaient de l'ancienneté du lieu qui n'avait pratiquement pas bougé depuis son ouverture en 1901. D'anciennes publicités, trainaient encore aux murs et le panneau lui aussi en bois, qui indiquait le bar commençait à s'effacer malgré le coup de peinture qui avait été rajouté quelques années auparavant. Le cuir craquelé des sièges et des tabourets renforçait le côté rustique du lieu.

« C'est beau, hein ? lança la rousse.

_ Très campagnard, j'aime bien, acquiesça le garçon à la chevelure noire.

- C'est le grand-père d'Emilia qui l'a ouvert, ses parents l'ont tenu plus de 30 ans, il me semble, et c'est son fils ou sa petite-fille qui reprendra le flambeau. »

Une lueur d'admiration brillait dans les yeux bleus de Sophia face à l'histoire du lieu. Mais sa joie fut coupée par Maurice

« Sophia ma p'tite, pourquoi parles-tu à cet étranger ? »

***
Voilà donc le premier chapitre de notre projet commun n'hésitez pas a laisser un commentaire ça nous aide beaucoup !
La suite bientôt !

@ mamie_grumpy
@ Taquapax

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