Prologue

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Tissem,

Juillet 48.

Nous roulions depuis des heures, ballotées comme des poissons au fond d'un filet. Aucune de nous ne parlait. Nous étions huit, accompagnées par une douzaine de soldats armés jusqu'aux dents. Aucun moyen de s'en sortir.

Thémée était assise en face de moi, le visage fermé, déterminé. Le regard droit devant elle, fixé dans le mien bien qu'elle ne me regardait pas vraiment. Je redoutais qu'elle ne tente quelque chose.

Au fond du van, une jeune fille sanglotait. En me retournant un peu, j'aperçus ses longs cheveux blonds vénitien un peu sales qui tombaient en mèches fillasses devant son visage. Je n'avais pas particulièrement peur, par pour moi en tout cas. J'étais lasse, toute ma vie, j'avais réussi à échapper à la horde pour finalement me faire attraper dans ce vieux parc. Mais l'image d'Etéocle frappé par cette barre métallique au milieux des flammes se répétait inlassablement dans ma tête. Encore un mort. Comme Vaël, comme Aël. Quant à  Demjon, je ne l'avais pas vu et je ne croyais pas qu'il puisse être encore en vie, sa santé s'amenuisait un peu plus chaque jour, je l'imaginais mal s'enfuir avec la Horde qui lui tirait dessus.

Je fermais les yeux et ressentais chaque vibrations de ce van bringuebalant. J'avais la nausée et le bruit incessant du moteur me vrillait le crâne. Sans doute l'un des soldats le remarqua car il s'approcha de moi et me tendit une bouteille et un petit cachet blanc.

- Avales, me lançât-il

Méfiante, je concevrais l'objet dans ma main, il était hors de question pour moi d'avaler quoi que ce soit provenant de ces barbares. L'homme releva la visière de son casque pour me fixer droit dans les yeux tout en agrippant mon menton de sa main gantée. Il serrait fort et j'imaginais les marques qu'il laisserait sur mon visage quand il l'aurait lâché.

- Tu vas l'avaler ton médoc? Il est pas question que je nettoie tes crasses.

L'air féroce de cet homme et peut-être aussi le fait que je n'avais jamais été une véritable battante me firent obéir. "Pas d'esclandre" me répétais-je tout en avançant le comprimé vers ma bouche. Glissé entre mes lèvres, son gout était amer, sa texture pâteuse, il fondit rapidement, me donnant des hauts le cœur.

- Jamais vu une gourdasse pareille! Tu croies que je t'ai donné de l'eau pourquoi? T'as jamais vu un comprimé de ta vie? Ah ces sauvages! C'est vraiment les pires, des abrutis finis.

J'avalais ma rancœur et l'eau tout en même temps. " Je t'en ferais voir moi, des sauvages" pensais-je "Tu feras moins le malin quand je t'aurais crevé les yeux". Je le pensais, mais ne disais rien, je baissais le regard pendant que le soldat se gaussait avec ses camarades. Et peu à peu la douleur dans mon ventre se calma, je pouvais au moins leur accorder une chose, leurs remèdes étaient efficaces.

Le van se stoppa, ses portes claquèrent, j'émergeais lentement de mon sommeil, étions nous arrivées? J'espérais et redoutais en même temps que ce fut le cas, je regardais les autres filles toutes aussi perplexes que moi, certaines s'éveillant, d'autres fronçant les sourcils comme si on les avait dérangées dans une tâche importante. Seule Thémée n'avait pas bougé, stoïque en apparence. J'étais sûre qu'intérieurement elle hurlait. Le moteur redémarrât les portières se refermèrent, nous n'y étions pas. Sans doute le chauffeur avait-il besoin de se dégourdir les jambes.

Nous roulâmes encore des heures, encore, toujours en silence, toujours avec les sanglots de la jeune fille rousse, accompagnant les inlassable vibrations du véhicule. Mon mal de crâne revint, d'autres filles se sentirent nauséeuses et quand le soldat nous distribua ses pilules, je ne me fis pas prier cette fois-ci.

J'ignore combien de temps dura le voyage, un jour, deux sans doute. Mais quand nous arrivâmes enfin, nous fûmes pour ainsi dire soufflées. Jamais nous n'avions vu pareille chose. Des murs en verre de plus de vingt mètres de haut recouverts de plantes glissant du toit du bâtiment sur la façade . Nous nous trouvions face à une porte colossale d'un métal noir. L'un des gardes s'approchât de l'entrée, un étrange objet entre les mains, je notais qu'il le portait à ses lèvres pour parler, d'où nous étions nous pouvions entendre une réponse provenant de l'appareil. Un frisson me traversa l'échine du dos, leur technologie était cent fois plus évoluée que celle de n'importe quelle tribu se trouvant sur ce continent.

Les portes s'ouvrirent à grand coups de grincements, entourées de notre escouades, on nous fit signe d'entrer. Il faisait noir, ou tout du moins bien plus sombre que sous le soleil écrasant qui brillait au dehors si bien que lorsque les portes se refermèrent sur nous, nous nous retrouvâmes dans l'obscurité la plus totale.

La HordeWhere stories live. Discover now