Chapitre 1, Partie 1

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Tissem,

Avril 48.

- Dem! Viens vite, dépêches-toi!

Je descendais prudemment une colline à la pente rocheuse, je venais d'entendre un bruit, comme un clapissement, comme de l'eau. Je commençais à haleter, deux jours que nous n'avions pas bu et n'avions pu nous nourrir que de quelques baies qui ne nous avaient guère hydratés.

Derrière moi, les pas de Dem commençaient à se rapprocher, il faisait dévaler avec lui une myriade de petits graviers. En me retournant, je le vis enfin, il commençait à se faire vieux. C'était comme s'il rapetissait un peu plus chaque jour, il avait tellement changé depuis notre rencontre. C'était lui qui m'avait recueilli quand j'étais enfant . Sans lui, je serais morte une bonne centaine de fois.

- Dem! Je crois qu'il y en a là-bas! Dépêches toi.

J'aurais voulut courir, j'avais si soif. Mais avec cette pente escarpée, la moindre chute était notre mort assurée à tous les deux. À présent, c'était moi qui le protégeais. Les rôles s'étaient inversés. Je débusquais la nourriture et montais le campement comme il me l'avait appris. Un petit ruisseau se fit enfin découvrir un peu plus bas dans la vallée, il n'y avait pas âme qui vive en revanche, juste un peu d'herbe sur les rives, voilà tout, le reste n'était que rocaille. Ce n'était sans doute pas plus mal ainsi, pas d'humains à l'horizon. Seulement moi et Demjon. Les tribus sédentaires que nous croisions de temps à autre voyaient d'un très mauvais œil les nomades comme nous.

Loin dans la vallée, on pouvait remarquer les vestiges des anciens, de grands bâtiments blancs-grisâtre tombés en ruine. Ce n'était pas prudent de s'en approcher, encore moins de s'en servir comme refuge. On ne savait jamais quand le toit allait s'effondrer. Il m'avait également raconté que tout s'était arrêté les jours où trois étoiles étaient tombées sur la terre, détruisant une grande partie de l'espèce humaine, les survivants s'étant regroupés en tribus parsemées çà et là tout autour du globe.

Je m'inquiétais beaucoup pour Dem, depuis quelque temps déjà, il boitait sérieusement et parfois je me disais que la meilleure chose à faire aurait été de nous établir quelque part d'où nous ne serions jamais partis, mais les vivres manquaient partout et il était dangereux pour deux personnes sans défenses de rester sédentaires. Jamais je n'en avais rencontré en tout cas. Les autres humains et les animaux sauvages pouvaient très vite avoir raison de nous.

J'atteignis enfin le point d'eau. Il était beaucoup trop tentant, deux jours que je n'avais rien bu. Je voyais des poissons frétiller dans l'eau transparente. Voyant la vie frétiller dans cette petite rivière, je ne pouvais plus résister. Attendre Demjon aurait été un sacrilège. Je plaçais des filets avant de retirer mon poncho mon sarrouel et mes chaussures pour plonger en chemise dans la source.

C'était comme si tous les pores de ma peau s'étaient ouverts instantanément, je me gorgeais d'eau comme une éponge. Que c'était bon! J'ouvris les yeux et la bouche tout en même temps. Ma vue était troublée bien sûr, mais je pouvais tout de même percevoir les mouvements, les formes et les couleurs. J'avalais de longues gorgées d'eau, jusqu'à ce que mon estomac fût plein, jusqu'à l'écœurement puis continuais à me baigner. Dem ne tarda pas à me rejoindre, plus prudent cependant, il resta au bord de la rivière, assit sur une étendue d'herbe, les jambes de son pantalon retroussé jusqu'à ses genoux pour éviter de glisser sur les petits cailloux qui constellaient le fond de l'eau. Je le vis remplir sa gourde et la vider instantanément encore et encore, toujours plus goulûment.

Au bout d'un moment, je commençais à avoir froid, l'eau qui m'avait fait tant de bien commençait à flétrir ma peau et glacer mes entrailles. Le soleil était à présent bas dans le ciel, la nuit n'allait pas tarder à tomber, il fallait sortir et commencer à monter le campement. Après avoir sommairement noué mes cheveux en un chignon primaire au-dessus de mon crâne, je me mis au travail, me laissant sécher à l'air libre, laissant Demjon s'occuper du feu.

Plus tard dans la soirée, je récupérais les quelques poissons que j'avais pêché dans mes filets pour les faire cuire sous les cendres. Nous devions partir le lendemain matin et la marche serait longue. Comme toujours. Demjon n'avait qu'un but depuis les vingt ans que je le connaissais, et nous ne l'avions toujours pas atteint. Nous tournions en rond, faisant les tours de l'Europe encore et toujours à la recherche de sa femme Tamsin disparue depuis lors, glanant où nous pouvions en trouver des indices sur sa localisation. Il était si rare qu'elle me semblait être une légende plus qu'un réel être humain.

Alors qu'il faisait son tour de garde, je m'enroulais dans ma couverture, sur le dos, face au ciel. Je regardais les étoiles. Je n'avais pas beaucoup de souvenirs de ma petite enfance, seulement quelques bribes. Le sourire d'une femme, un homme qui pointe le doigt vers la lune, mais surtout ce souvenir que j'aurais volontiers oublié. Si j'avais seulement pu. Quel carnage! Ma maison écroulée sur moi, des corps partout. Ces images resteraient gravées pour toujours dans ma mémoire. Je fermais les yeux alors que je me remémorais ma rencontre avec Demjon.

La HordeDonde viven las historias. Descúbrelo ahora