Chapitre 16

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Il attendait patiemment à sa fenêtre, le regard perdu à l'horizon. Tout lui paraissait lointain, le sol semblait se dérober sous ses pieds, et l'engloutir doucement. La main à plat contre la fenêtre, il ne pensa pas au ménage qu'il devrait ensuite faire. Il était simplement miné. Son cœur se serrait dès qu'il voyait quelconque mouvement dehors. Ce pouvait bien être un animal, cela lui faisait le même effet. Il était déconfit. Mais le pire, c'était qu'il ne savait pas pourquoi. Nute et Jason était partis, et cela avait placé en son âme un sentiment sombre qu'il ne saurait expliquer. Il avait un très mauvais pressentiment. C'était la première fois qu'il avait ce genre de ressenti. Sa douleur était minime à côté de celle provoquée par le décès de sa femme, mais jamais il ne supporterait de perdre son frère et son meilleur ami dans la foulée ! Surtout qu'ils étaient partis explorer la forêt pour trouver des indices pour le protéger, lui. Pour retrouver ce qui avait bien pu tuer Milly. Il tiqua lorsqu'un oiseau se posa sur sa terrasse et sursauta lorsqu'un bruit de moteur fusa dans l'air et s'arrêta net. Bon sang, était-ce lui qui était en danger, finalement ? Non, non. Tout cela n'allait pas. Il lui fallait se reprendre ! Nerveux, il s'attrapa la tête entre les mains et la secoua furieusement, comme si cela allait changer ses états d'âme. Il se mordit les lèvres, laissant ses larmes rouler sur ses joues. Il devenait complètement fou. Il était bon à l'internement ! Ses jambes tremblaient tant qu'il dut s'accroupir pour s'asseoir, et dut s'adosser à son mur, sous sa fenêtre pour rester stable, en équilibre. Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Sa tête lui tournait, ses pensées devenaient incontrôlables, se bousculaient dans sa tête. Il ne savait plus où il en était.

-Nothingost ?

Il releva les yeux et eut juste le temps de voir Kim accroupi devant lui, les bras tendus vers lui comme s'il allait le prendre dans ses bras mais s'abstenait, et le regard rempli d'une sorte d'angoisse, avant de ne plus rien assimiler, et tomber. C'était cela, il venait de faire une crise d'angoisse. Il devenait aussi instable que pendant son enfance. Comment avait-il sombré dans cet enfer la première fois ? Rien n'était plus simple. Le sentiment d'abandon, de solitude, de crainte et de désespoir avaient fait tout le travail lorsqu'il avait été mis au pensionnat la première année. Ses camarades le disaient trop petit, trop faible. Déjà sensible avait d'avoir été envoyé dans cet établissement, isolé du monde, il avait passé son temps à pleurer. Et les moqueries de ses compagnons n'avaient rien d'encourageant. Heureusement, Nute, dans le même module, était resté plus ou moins présent pour le soutenir. Il avait dû consulter un psychiatre, plusieurs médecins avec les récidives trop fréquentes de ses nombreuses crises d'angoisse. Tout s'était calmé lorsqu'il avait rencontré Milly, plus tard. La religion l'avait remis dans un chemin droit. Il avait enfin une croyance solide à laquelle se tenir. La confiance n'était que mirage. L'amour n'était que mauvais présage. Pour lui, au départ, son envoi au pensionnat avait été vécu comme une trahison. Et voilà qu'il retombait. Depuis son déménagement, c'étaient des crises d'angoisse qu'il subissait. A une dose bien supérieure à d'ordinaire. Il ne savait plus remettre ses pensées en place ! Peut-être était-il bipolaire, avec des périodes zen et d'autres où il était carrément instable. Peut-être était-il juste trop fragile. Peut-être un mélange des deux. Ou peut-être était-il schizophrène. C'était une toute autre possibilité.

-Donovan... Dis-moi que tu m'entends...

Ce n'était pas la voix de Kim. Elle était bien trop familière. Il ouvrit un œil, et trouva, troublé, le regard de sa cadette. Angie était là, près de lui, à lui serrer cette main qui compressait sa couette. Elle lui caressait même le bras. Il balaya la pièce du regard. Il était dans son canapé. Il se redressa d'un bon, le cœur battant à tout rompre. Il ne voulait plus de cet état. C'était trop douloureux ! Il grimaça et posa une main à sa poitrine, comme pour se calmer. Son regard vacilla aussitôt vers Angie, qui avait une mine à faire peur. Elle était simplement blême, avec un sourire déformé. Elle était pétrifiée. Jamais elle n'avait dû le voir aussi mal, et elle ne savait vraisemblablement pas où se mettre. Se voulant rassurant, il posa aisément une main sur son épaule. Il devait lui montrer qu'il saurait tout surmonter. Elle l'esquiva habilement et secoua la tête avant de le plaquer brusquement aux coussins qui lui firent l'effet de piques. Il écarquilla les yeux et se redressa dans l'instant, crispé.

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