La fille des eaux

Chapitre 6

La fille était là ce soir. Elle n'était pas allongée mais elle était assise sur le sable face à l'eau. Je ne la voyais que de dos.

Puis elle se tourna vers moi. Je n'ai même pas eu le temps de lui dire un mot qu'elle était déjà partie.

Elle avait plongé dans l'eau.

Elle ne peut pas rester indéfiniment sous l'eau sans respirer!

Je l'attendis alors sur le sable. Il faisait froid, et j'avais bien évidement oublié de prendre une veste. J'attendais encore et encore qu'elle sorte de l'eau. Puis ça faisait 20 minutes qu'elle n'avait pas refait surface.

Soit c'est la plus grande nageuse au monde, ce qui explique sa capacité à garder sa respiration aussi longtemps, soit elle est morte noyée ou étouffée...

Bien sûr, ces deux solutions me paraissaient impossible. Personne ne peut rester 20 minutes sous l'eau sans respirer et elle n'aurait pas plongé si elle savait qu'elle n'aurait aucunes chance.

Puis je me dis alors que l'attendre ne servirait rien. Déjà car je sais qu'elle ne refera pas surface - elle a nagé plus loin à tous les coups et est ressortie quelque part où il n'y a personne - et puis je ne voie pas pourquoi je cherche à l'attendre si elle ne veut pas me voir.

Son visage m'était familier. Je savais et je ne savais pas qui c'était... Comme une morte qui a refait surface parmi mes esprits.

En rentrant, Bernard était réveillé. Il lisait un journal.

"- La police a lancé un avis de rechercher à propos d'une enfant qui a fugué..."

Puis il se tourna vers moi. Mince! Je savais que mon Père ne tarderai pas à remarquer mon absence.

"- Et ils ont des images de cette petite? La pauvre, seule dans les rues et Dieu seul sait ce qu'il lui arrive..."

Françoise venait de nettoyer le bar. Bernard ne me quittait pas du regard.

"- Ne t'en fait pas, je suis sûre qu'elle va bien."

Son regard ainsi que sa voix me glacèrent le sang. Puis il se leva.

"- Si ce n'est pas indiscret, que fais-tu demain matin?
- Euh... rien enfin je ne pense...
- Bien, ça te dis de prendre ton petit-déjeuner demain matin avec moi? Il y a un café pas très loin. Je paierai."

Je le remerciai de son offre que j'acceptai. Que pouvais-t'il bien se passer?

Le matin, nous avions rendez-vous au café La Moule. Nous avions commandé sans dire un mot. C'est Bernard qui lança la conversation.

"- J'ai un petit fils de ton âge. Enfin il doit sûrement avoir deux ou trois ans de plus que toi... Son père est mort après sa naissance quand à sa mère, morte d'un accident de voiture..."

Je ne voyais pas l'intérêt de me raconter sa vie. Aussi bouleversante et triste soit elle, ça ne me regarde pas, et pourtant, ma curiosité prit le dessus.

"- Qu'est-il arrivé à votre petit-fils?
- Nathan? Nous l'avons recueilli. Il est mort noyé à six ans."

Il avait l'aire indifférent. Mais ça ne prouvait en aucuns cas que ça ne l'affectait pas.

"- Désolé...
- Ce n'est rien! Ça a été dur sur l'instant pour ma femme et moi, mais c'est passé. Le plus dur est derrière nous... Nous avons ouvert notre auberge il y a cinq ans, nous savons qu'il n'est pas très côtoyé par les visiteurs, mais sa position - en face de la mer - nous laisse penser qu'il est toujours là."

Je restais silencieuse et muette. Il avait la capacité de vous mettre mal à l'aise.

"- Tu me fais penser à lui. Même si nous l'avons connu très jeune, j'arrive à le voir en toi... Étrange non?"

J'hochai la tête, il me sourit.

"- Je sais que tu cette fille qui a fugué. J'ignore pourquoi et cela ne me regarde pas, je devrai appeler la police et signaler ta position tu le sais? Mais je n'en ferai rien. Ces médias m'insupportent à penser aux proches fous d'inquiétude mais pas la personne concernée et pourquoi elle s'est enfuie."

Je fus surprise de sa réaction. Pourquoi faire ça pour moi?

"- Je ferai en sorte que Françoise fasse de même ou qu'elle n'y sache rien."

Il me fixai toujours du regard. Mon avis sur ce type ne changeait pas, il m'intrigue toujours autant.

"- Merci.
- Ne fait pas cette tête, on a l'impression que je viens de te sauver d'un psychopathe qui te séquestrait dans sa cave!"

Et pour la première fois depuis des semaines, je ris.