3

2.5K 246 24
                                    










Face au miroir, une fille aux cheveux châtains dont les  grosses boucles tombent sur ses épaules nues, vêtue d'une robe noire épousant délicatement la forme de son corps me regarde. Dans la psyché, son teint étrangement pâle.

À qui j'essaie de mentir ?

M'arrachant à mon reflet, je fourre mes pieds dans mes escarpins noirs au tissu satiné, vaporise un peu de Trésor Midnight Rose derrière mes oreilles et quitte la salle de bains.

— Tu sors ? me demande Julien.

— Oui.

— Tu vas encore....

— Laisse-moi tranquille, le coupé-je un peu trop sèchement, agacée par ses mises en garde et ses reproches.

Mon ami détourne son regard puis se dirige vers sa chambre en poussant un profond soupir. Il va attendre mon retour, je le sais, et il va patienter toute la nuit s'il le faut.

J'attrape mon sac à main, ma cape rouge ainsi que mes clefs et me sauve sans même lui dire au revoir. À cet instant, je me déteste d'agir ainsi, pourtant je n'arrive pas à faire autrement. Non seulement, je refuse de devoir rendre des comptes à qui que ce soit, mais en plus j'ai l'impression qu'il nourrit ma tristesse, même s'il efforce uniquement d'alléger ma peine. En réalité, il n'est rien d'autre que l'ami parfois et moi je me comporte comme une grosse égoïste.

Mes talons résonnent sur le trottoir, ils font un bruit d'enfer alors qu'en moi règne un silence mortel dans lequel je me réfugie. Cette carapace, une coquille vide. Le vent s'engouffre sous ma cape, m'emprisonnant dans le froid de cette nuit d'automne.

« Avec le temps va tout s'en va », paraît-il. Pourtant, je le sais, jamais il ne parviendra à me faire t'oublier.

Pour le moment, mon seul moyen de mettre mon cerveau sur pause est de me distraire en jouant et en buvant. Donc quand j'ignore comment négocier avec le présent, je me rends dans un de ces bars, m'appuie au comptoir et sirote une margarita en attendant que l'alcool m'anesthésie et qu'un type un peu trop saoul vienne me draguer. Un véritable cliché ambulant.

Malgré cela, j'ai encore la présence d'esprit de me défiler quand un mec m'invite chez lui. Seuls compte l'ivresse et le jeu. Ces soirs-là, je rentre à l'appartement en me sentant plus sale que jamais, souvent ivre, parfois sobre mais toujours avec mon amour propre foulé aux pieds. Parce que je me hais. Et dans ces moments-là, Julien accourt pour me réconforter. Inlassablement la même rengaine.

Avant toi, Alex, jamais je n'aurais pu imaginer que mon bien-être puisse dépendre de quelqu'un. Je pensais me suffire à moi-même et être libre jusqu'à la fin.

Mais il a fallu que tu entres dans ma vie.

Je n'avais rien demandé, mon quotidien était celui d'une adolescente classique, enfermée dans sa bulle, la tête pleine de rêves. Quand tu as posé tes mains sur les parois de mon petit monde, j'ai cru voir le verre se briser. Dès lors, je savais le changement inéluctable, je savais que notre histoire me marquerait d'une quelconque manière. J'aurais voulu ne pas t'aimer, me préserver de toute attente à ton égard, ne pas te désirer si fort. Mais je n'ai rien contrôlé, je me suis presque sentie violée face à la force de mon amour pour toi.

Puis tu m'as quittée.

Pourquoi ai-je la sensation que celui qui part demeurera toujours l'unique vainqueur ?

Les néons du Shadow, mon point de chute, brillent dans la rue sombre et tel un papillon de nuit attiré par la flamme, je m'en vais mettre le feu à la poudre de mes ailes.

Quand le ciel descend sur la Terre (romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant