T♡abitha

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Parler avec des inconnus n'est pas un problème à proprement dit pour moi. Je suis plutôt extravertie et assez sociale pour une adolescente de dix-huit ans. Après, il est vrai que mon style sombre attire peu de monde mais ça n'enlève rien à mon authenticité.
Par contre, il m'est très difficile de parler de ma vie personnelle dans l'établissement Blaise Cendrars. Alors, le jeu de ce professeur de géographie me prenait sincèrement la tête.
Je n'avais aucune envie de raconter quoi que ce soit d'intime à mon propos, surtout ce lourd secret qui m'est directement venu à l'esprit lors des explications des règles de l'activité.
Je n'avais pas envie que Carl soit mis au courant quant à cette partie effroyable de ma vie, bien que j'apprécierais qu'il se sente coupable pour la rumeur qu'il avait lancée à mon sujet quelques années plus tôt.

Quand mon tour est venu, mon coeur a commencé à battre la chamade sous mon chandail noir et mes mains sont devenues affreusement moites.
Je me sentais mal, terriblement mal mais tentais tant bien que mal de garder la tête haute, par fierté.

Durant un long moment, aucun mot n'a traversé la barrière formée par mes lèvres pâles mais en remarquant tous ces regards avides de curiosité, je me suis sentie obligée de parler.

   -Je vais vous révéler mon secret. Je n'en ai aucune envie mais vous avez eu le courage de le faire. Par contre, je vous préviens, surtout toi Carl, qu'à la première remarque méchante ou moqueuse, je prends mes affaires et je me barre, ai-je presqu'agressivement prévenu. Et sachez que je ne fais rien le vendredi après-midi donc la menace de retenue ne m'atteind absolument pas.

Ils ont certainement dû me prendre pour une fille méchante, déplaisante et toutes sortes d'autres adjectifs à connotation péjorative.
Sulivan s'est amusé à reproduire un salut militaire de la main et m'a appelée chef. J'ai rigolé et ça a détendu l'atmosphère. Il a presque réussi à faire disparaître la tension glaciale que j'avais créée et qui s'était placée au-dessus de nos têtes adolescentes.
Les autres ont affirmé à l'unisson qu'ils ne feraient pas une chose pareille. Que j'avais été polie lors de leur présentation et qu'ils comptaient donc me rendre la pareille. Ils n'avaient surtout aucune envie de me rendre folle au point de me faire quitter la salle, pour éviter se voir obligés de rester au lycée deux heures de plus un vendredi.
Carl, lui m'a simplement envoyé un sourire. Un petit sourire sincère.

   -Je ne sais pas si vous connaissez la peintre Charlotte Salomon?, ai-je commencé mon exposé, très stressée.

Je n'ai évidemment reçu aucune réponse positive et ai été alors obligée d'expliquer les éléments importants de la biographie de cette jeune femme.
J'ai insisté sur le fait qu'elle était juive et qu'elle avait malheureusement vécu durant les deux guerres mondiales, comme l'aurait fait un bon professeur de français ou même d'histoire. Malheureusement, le programme scolaire ne s'intéressait pas à cette jeune femme.

Roxane avait l'air attachée à mes lèvres, curieuse de connaître la raison pour laquelle j'avais commencé mon explication en parlant d'une jeune peintre du début du siècle à la vie touchante et excessivement malheureuse, à la fois.

   -Cette femme-là est certainement celle qui a vécu l'existence la plus proche de la mienne. Et ça me déchire le coeur de dire une chose pareille, ai-je pris sur moi pour éviter de déverser une quantité pathétique de larmes.

Je ne suis pas du genre à me plaindre de ma vie, ou du moins pas ouvertement. J'ai énormément de fierté et bien que l'avis des gens ne m'atteigne presque pas, je préfère garder un minimum de mystère et éviter leurs commentaires mesquins à mon sujet. Sur mon physique, je m'en fous royalement mais sur ma famille, j'en pleurerais.

   -J'aime beaucoup les oeuvres de Salomon, a discrètement dit Émile, gêné d'être le seul à la connaître. Elle a un univers particulier et très sombre mais j'apprécie vraiment son travail.

Tour de tableWhere stories live. Discover now