Chapitre 3

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J-30

Je joue machinalement avec le spray au poivre que m'a donné Sylvie.
Elle est partie depuis une vingtaine de minutes, et le car pour Paris va bientôt arriver. Parce que du coup, l'ouest pour moi, ça implique Paris. J'ai un instant songé à éviter la grande ville, mais j'y ai finalement renoncé, par flemme de faire des détours improbables.

Enfin, le véhicule passe le parking et vient se stopper devant nous. Un par un, les futurs passagers du car déposent leurs bagages dans la soute. Je préfère garder la mien à ma portée. Je rentre donc la première, salue le chauffeur et me cherche une place. Quelques personnes sont déjà installées, et à la vue de leur visages peu frais, j'imagine qu'ils viennent de loin.

Je décide de m'installer tout au fond, histoire d'avoir une vue d'ensemble sur le véhicule.

Chacun leur tour, les voyageurs entrent, le regard fixe, sans émotions apparentes.
C'est fou à quel point les gens ne sourient pas.
Je remarque une mère et ses deux filles. Les deux sœurs sont scotchées à leur portable, tandis que la mère tente vainement de caler les sacs au dessus de leur têtes.
Je me relève et vais l'aider. Ma grande taille aidant, le travail est vite réglé. Si vite que les deux ingrates ne s'en sont pas rendus compte.
La mère me remercie d'un mouvement de tête, et je m'en retourne à ma place, avec la sensation du devoir accompli.

Peu de temps après, le car a démarré et le ronronnement du moteur me berce. Calée contre la vitre, j'ai pris deux sièges pour pouvoir étendre mes jambes.

Mon casque sur les oreilles, "Put the gun down" de ZZ Ward commence.
Alors que je peux me lâcher à la somnolence, une question m'empêche de m'endormir un instant.

Qu'est ce que j'attend réellement de cette aventure ?

La réponse vient automatiquement se poser dans mon esprit :
Je veux vivre, faire des expériences, me faire des souvenirs, profiter de mes vacances.

Être heureuse, en somme.

• • •

Après plusieurs heures, le car s'arrête enfin à notre première escale, dans une charmante bourgade du nom de Melun.
Bon, après un rapide tour à l'office de tourisme, et un relatif comblement de mes lacunes en géographie, j'apprends que cette "bourgade" loge environ 35 660 personnes.
Donc pour le côté "éloigné de toute civilisation", on repassera.

De loin, j'aperçois dès enfants faire de la trottinette. Le plus petit d'entre eux trébuche et tombe, mais se relève aussitôt.

En vérité, j'aimerai actuellement philosopher sur ma vie, et sur la capacité de ce jeune garçon à se relever face aux échecs, mais pour ça, il faudrait que je sois en sérieuse dépression, et que je sois malheureuse dans mon existence.
Et clairement, je ne le suis pas, du moins je ne pense pas l'être.
Mon enfance a été heureuse, mes parents ont été aimants, ils se sont certes séparés vers mon entrée au collège, mais j'ai bien vécu cette période. J'ai bien vécu le fait que ma mère enchaîne les mecs suite à son divorce, j'ai bien pris le fait que mon père adopte trois chiens et parte vivre à 300 km de nous, et je l'ai bien pris quand ma mère est partie en "voyage de noce bien avant l'heure" avec son nouveau copain, son argent et ses 10 ans de moins il y a une semaine.

Je me suis toujours dis que, quoi qu'il puisse m'arriver, il pouvait toujours avoir pire, et qu'il y aurait toujours quelqu'un de plus malheureux que moi. Alors je passe mon chemin et continue ma route en haussant les épaules.

Je déambule dans la rue, sans trop savoir où aller. Il est 18h, et les monuments et les musées commencent à fermer.
Ma conscience me rit au nez, en me faisant remarquer aimablement que même si les musées avaient été ouverts, on n'y serait probablement pas allé.

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