Monsieur en deuil

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Jack... Tu aurais adoré ton enterrement. Je l'ai trouvé au-delà de tout ce que tu avais imaginé et prévu. Même la pluie était présente, rendant encore plus triste et « théâtral » ce jour maudit. Il y avait, je pense, bien plus de monde que pour celui d'une célébrité. Mais au fond, tu en étais sans conteste une. Tu seras surpris, mais certainement heureux d'apprendre, qu'il y avait même les soeurs Chocolini. Et les larmes qu'elles versaient ont manqué de me faire étouffer. Après tout ce qu'on, ce que tu, leur as faire subir... Mais elles étaient là, parmi toutes les autres. Il y avait plus de talons aiguilles et de mascara dégoulinant qu'à un enterrement de vie de jeune fille. Mon salaud, jusqu'au dernier moment sur cette Terre, tu les auras toutes mises à tes pieds. Pieds... Six exactement, sous terre. Voilà donc où à jamais je t'ai laissé.

Et tu m'excuseras, mais le pasteur n'avait rien de sexy comme tu me l'avais demandé. Faut croire que les femmes pasteurs ont déserté New York. Et malgré toutes mes recherches, je n'en ai pas trouvé une seule. J'espère quand même que tu as remarqué que je t'avais déniché le pasteur le plus laid de la ville. A défaut de ne pas être une femme, il n'allait tout de même pas te voler la vedette !

Quant à la vidéo que tu avais préparé, elle a été l'apothéose. Ils ont ri, pleuré, encore. Il n'y a vraiment que toi pour chanter à tes propres obsèques ! Et mal, qui plus est. Mais ça leur a plu. Certainement d'avantage que le discours que tu m'as chargé de lire. Enfoiré ! Je savais que je n'aurais pas dû respecter tes dernières volontés, et que j'aurais mieux fait d'ouvrir cette lettre avant aujourd'hui.

« Jack Marley, éminent homme d'affaire et de coeurs, s'est retiré à jamais. De son passage sur cette Terre nous retiendrons de nombreuses choses : son indéniable beauté et sa virilité si prisée . N'est-ce pas, Mesdames ? Mais également, son charisme et sa pugnacité légendaires qui ont fait de lui le numéro 1 de Manhattan. Moi, James Dickens, j'ai tout appris de cet homme, et je jure devant son corps sans vie, que je reprendrai son flambeau et deviendrai à mon tour le King. Un jour, Jack m'a dit : « Le temps que passe un roi à gouverner ressemble à la course du soleil. Un jour viendra où le soleil éteindra sur moi sa lumière et se lèvera pour faire de toi le nouveau roi. Hakuna matata. »

Espèce d'enfoiré. Me faire lire une citation du Roi Lion, le jour de ton enterrement...

Mais finalement, ton cynisme exacerbé en ce jour funeste ne pouvait pas mieux tomber. Car la gêne et la honte que j'ai ressenti en lisant ton oraison funèbre m'ont gardé de pleurer mon meilleur ami, devant tout ce monde hilare. Mais si tu n'étais pas déjà mort, je te jure que je t'aurais tué. Ils riaient de moi et pire encore, leur visage reflétait une gerbante peine qui m'était destiné. Je ne sais pas s'il existe pire situation que d'avoir à relever les regards emplis de compassion que m'adressait mon auditoire. J'espère en tous cas que tu me pardonneras de ne pas avoir lu à voix haute la fin de cette lettre.

Je ne serai jamais toi, Jack, humainement parlant. J'aurais peut être pu m'en approcher. Mais maintenant que tu n'es plus là, je ne vois plus l'intérêt de donner du lien à ceux qui m'entourent. Tu étais mon associé, mon ami, mon frère. La seule chose qu'il me reste maintenant, c'est la société que nous avons érigée ensemble. Et pour elle, je te jure de rester le numéro 1. Pour ce qui est du reste...

Tu sais à ton grand désarroi que je ne suis pas un sentimental, et toutes les conneries que tu as pu me sortir sur ton lit d'hôpital ont, à défaut de me convaincre, renforcé la vision que j'ai du monde qui m'entoure. Sinon, quel sens donner à ta mort ? Peut être suis-je corrompu par le dogme capitaliste de la Grande Pomme, mais tout ce que je vois autour de moi, n'est que malversation pour gagner toujours plus. Tout acte, toute relation sont scrupuleusement détournés, dissimulés pour ne viser qu'une seule et véritable chose : le gain. Et dans cet art, je suis le maitre. Regarde, toi mort, je suis maintenant le principal actionnaire... Une perte égal un gain.

Oui, à mon tour d'être sarcastique. Et plus j'y pense, plus je me dis que tout comme toi, j'aurais peut être besoin d'approcher la mort de près, voir même la laisser me souffler son haleine létale au visage, pour mieux comprendre ce que le « vrai » sens de la vie signifie. Mais je n'ai pas plus peur d'elle que je ne crois en un sens ou en un but sur cette Terre.

Je sais que je vais te peiner, Jack, mais tu emportes avec toi les derniers espoirs que je devienne un jour un être humain comme tu l'entendais.

Je n'oublierai jamais ce que nous avons été l'un pour l'autre, et je garderai pour toujours en mémoire l'homme plein de vie et de principes que tu étais. Mais vois-tu, ton esprit magnanime et tous tes idéaux à la con ne t'ont pas gardé d'être vaincu par la grande faucheuse. Alors si je m'en tiens à l'inéluctabilité de ce qui nous attend à tous, autant combler ma vie avec ce qui me tient vraiment à coeur.

Ah Jack... Si je me réfère à tes croyances, on est pas près de se revoir. Car le monde qui m'attend après ma mort est probablement à l'opposé de celui où tu t'es barré, espèce de branleur.

Que ton paradis soit à la hauteur de tes croyances. Tu vas me manquer, mon ami.

Adieu, mon frère.

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Re-bonsoir elfes et autres créatures de Noël !

Voici donc le premier chapitre de mon conte. Il est certes un peu court, mais il respecte - à quelques détails près - le début de l'histoire originelle, telle que vous la connaissez.

J'espère qu'il vous aura néanmoins plu et vous aura donné un aperçu de qui peuvent être notre connard de Noël « James Dickens » et son ami « Jack Marley ».

Je vous donne rendez-vous lundi prochain, avec un chapitre bien, bien plus long, et comment dire.... 

Excellente soirée à vous tous, et ne manquez pas les premiers chapitres du « Roi des Neiges » et de « L'Oiseau de Noël » ce week-end.

Bisous chir... Ah non, mince !

Bisous festifs,

Emma.

L'étrange Noël De Monsieur Dickens ( Sous contrat d'édition )Where stories live. Discover now