Monsieur Aigri

2.1K 256 126
                                    

Sept ans plus tard

— Mais enfin, Monsieur Dickens ! C'est Noël, ce soir ! Vous...vous ne pouvez pas demander aux employés de rester si tard pour une réunion.

—Je ne peux pas ? demandé-je avec autoritarisme et supériorité à cette empotée qui me sert d'assistante.

— Pardon, Monsieur. Bien sûr que vous pouvez. Vous êtes le boss.

— On est d'accord. Et ne me chauffez pas trop avec votre connerie de Noël. Je perds déjà une journée demain. Une perte qui va me couter cher. Bon sang ! Noël, c'est pour les gosses. Et que je sache, vous n'en êtes plus une. Ni vous ni tous ceux qui travaillent pour moi.

— Oui, bien sûr, Monsieur. Mais sauf votre respect, ils ont besoin de leurs parents ces fameux « gosses ».

— Avez-vous des enfants, Miss Cratchit ?

Mon assistante me regarde encore plus paniquée qu'à son habitude, et serre plus que nécessaire ses dossiers contre sa poitrine.

— Non, Monsieur.

— J'en déduis donc que votre argumentation ne vaut rien et n'est que mensonge pour bénéficier d'un jour de congé à mes frais.

— Je...

Elle remonte mécaniquement ses lunettes de vue pourtant déjà en place, et ne parviens pas à balbutier autre chose que ce stupide et si petit pronom personnel.

— Hors de ma vue, Miss Cratchit. Et je vous préviens, vous avez intérêt à arriver à l'heure et même en avance, après-demain. Et éteignez-moi cette putain de musique. Je déteste les chants de Noël !

Miss Cratchit tourne les talons au comble de la « désillusion » et claque la porte un peu trop violemment à mon goût et au sien à priori, puisqu'elle la réouvre aussitôt, se confondant en excuses. Elle la referme cette fois plus délicatement, marmonnant des « Pardon, Monsieur » quasi inaudibles.

Cette fille m'insupporte. Je vous jure que si je n'avais pas promis à Jack de la garder après sa mort, il y a longtemps que je l'aurais virée. Je ne sais pas ce qui m'agace le plus en elle. Son aspect misérable de maigrichonne, blafarde, affublée des pires vêtements qui soient, ou son air apeuré à chaque fois qu'elle me voit ? Bon sang, cela fait plus de sept ans qu'elle travaille chez « Dickens & Marley », et si j'avais dû la bouffer ou la fouetter, il y a un moment que je l'aurais fait.

Enfin bref, j'ai fait une promesse, et Dieu seul sait pourquoi mon ami et associé tenait à ce que Miss Cratchit reste au cabinet. Ah Jack... Si encore elle avait été un canon de la beauté, venant de toi, j'aurais compris ou mieux encore si elle avait été compétente. Mais il faut se rendre à l'évidence, Belle Cratchit ne rentre dans aucune de ces deux catégories. Alors c'est vrai que je suis invivable avec elle, espérant profondément qu'elle commette un jour une erreur, un mot de trop, quelque chose qui justifierait que je la licencie. Mais bien qu'elle soit parfois border-line comme elle l'a été ce soir, je n'ai jusqu'à présent rien trouvé de suffisamment fondé pour m'en débarrasser. Au final, je me dis que si je la pousse à bout, elle finira par miracle, par partir d'elle-même.

 Au final, je me dis que si je la pousse à bout, elle finira par miracle, par partir d'elle-même

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.
L'étrange Noël De Monsieur Dickens ( Sous contrat d'édition )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant