la lumière- 7

185 30 6
                                    


Néria se sentit brusquement seule et désemparée. Pourquoi avait-elle ressenti le besoin de maintenir cachée cette porte de sortie vers l'extérieur ? Si elle ne l'avait pas fait, les bâtisseurs l'auraient rebouchée plus profondément qu'elle ; et elle n'aurait peut-être pas pu envisager de fuir un jour par cette issue.

Elle s'était mise en grand danger aujourd'hui. Cela en valait-il le coup ? Avait-elle vraiment envie de s'échapper de ce monde où elle avait toujours vécu, où elle avait sa place, une fonction, un entourage stable, de quoi vivre correctement et sereinement ?

Néria sentait son ventre se nouer sérieusement. Elle n'avait pas obéi aux règles, elle avait caché des éléments aux conseillers. Les fautes étaient graves. Son impulsivité lui jouait des tours parfois.

Pourtant, elle faisait tout pour contrôler sa curiosité et ne rien laisser paraître de sa fougue intérieure, surtout aux yeux de ceux qui la connaissaient bien ! Ce défaut n'était plus acceptable. Elle avait grandi ; elle devait accepter les ordres sans rechigner ! La jeune néréide savait à quel point il était grave de ne pas respecter les lois.

Elle devait tout simplement abandonner l'idée de vivre une autre aventure, même tant désirée !

Néria savait qu'elle pouvait faire confiance à sa communauté. C'était pour son bien que tout était si bien organisé, si cadenassé. Les sages savaient ce qu'ils faisaient et connaissaient davantage de choses qu'une petite éducatrice ignorante.

Néria se mit à pleurer doucement. Des larmes fines et espacées coulaient sur ses joues. Elle en ressentit leur goût salé au moment où elles se déposèrent sur ses lèvres. Un voile recouvra ses yeux et une image lui apparut, très fugace. Elle se vit ramper dans le tunnel qu'elle venait de reboucher. Vague souvenir de ses quinze ans ?

La jeune sirène ne connaissait pas la raison de ses pleurs mais supposait que le stress et l'effort fourni en était la cause, à moins que cela soit dû au fait qu'elle se sentait si seule et désappointée aujourd'hui.

Bien sûr, il y avait toujours Cléia près d'elle; et Flore qui avait été aussi affectée à la section des éducatrices, lors de la cérémonie des dix ans. Mais elle aurait aimé se serrer contre quelqu'un, comme elle le faisait avec Thétis autrefois et retrouver sa bande d'amis où elle s'était toujours trouvée à sa place, comme au sein d'une famille soudée.

Une famille... une amie...une mère... Tous ces mots n'appartenaient pas au langage courant de sa communauté, ils faisaient juste partie du vocabulaire employé dans les récits mythologiques. Pourtant, Néria s'imaginait la bande des huit comme sa famille, Thétis comme sa mère et Cléia comme son amie. Il lui était pourtant formellement interdit d'employer ce lexique et d'avoir ces pensées.

Néria serrait fort sa couverture contre elle, quand elle entendit un clapotis signifiant que quelqu'un approchait de sa cellule. Elle se précipita pour ranger ses affaires dans sa cachette secrète et feint d'être accablée par la douleur.

Une personne se tenait à présent juste derrière le rideau formé par des lanières d'algues servant à refermer sa cellule et hésitait apparemment à les écarter ; on pouvait entendre sa respiration lente à travers la protection.

— Néria ? tu dors ?

C'était la voix chaude de son amie.

— Cléia ! Entre ! s'anima Néria, heureuse et soulagée de voir apparaître son joli visage.

Cette dernière s'installa rapidement au bout de la paillasse de son amie.

— On ne va pas te chercher, Cléia ? Enis est au courant ?

— Ne t'inquiète pas, je lui ai dit que j'allais prendre de tes nouvelles et t'apporter un repas, si tu le désirais. Tu risques d'avoir la visite de Climène cet après-midi pour t'apporter de la poudre de corail si tu restes alitée.

— Pas question que j'avale sa mixture dégoutante ! De toute façon, je ne te laisserai pas tomber pour les jeux de bassins... surtout que je ne suis pas du tout malade, chuchota Néria.

— Bon, tu m'as promis des explications, tout à l'heure. Alors vas-y, je t'écoute...

Néria observa son amie. Elle était toute excitée et ses petites joues roses en témoignaient. La petite néréide se trémoussait d'impatience et ses yeux noisette brillaient d'envie de connaître ce que son amie lui cachait. Ses beaux cheveux roux retombaient en boucles épaisses sur ses frêles épaules et ses taches de rousseur lui donnaient un petit air coquin et malicieux. Néria la trouvait tellement plus mignonne qu'elle-même et enviait ses cheveux lumineux qui éclairaient n'importe quelle pièce dès qu'elle s'y trouvait.

La jeune néréide de dix-sept ans se sentait vraiment commune, comparée à sa jeune amie, avec ses cheveux châtains si plats et son visage si ordinaire. Ses plus beaux atouts étaient ses yeux bleus, très rares chez une sirène et sa taille fine. Mais cela ne lui suffisait pas pour se sentir jolie.

Perdue dans ses pensées sur la comparaison de son physique avec celui de son amie, Néria se fit rappeler à l'ordre.

— Néria, dépêche-toi, la pressa sa jeune amie. Il faut qu'on aille manger avant d'organiser les jeux, je veux savoir pourquoi tu voulais absolument boucher ce trou toute seule.

— Bon,... par où commencer ? réfléchit la jeune éducatrice... Il faut d'abord que je te dise quelque chose que tu dois me jurer de ne répéter à personne.

Néria avait peur de révéler ce qu'elle tenait secret depuis deux ans mais il était temps qu'elle fasse confiance et se livre enfin à quelqu'un. Cléia semblait être la confidente la plus fiable car elle partageait la même envie d'aventure, le même besoin de liberté.

— Bien-sûr que je sais me taire, je te promets que je ne dirai rien, allez...raconte, petite cachottière..., supplia Cléia à bout d'impatience.

— Il y a deux ans, j'étais une très jeune éducatrice de quinze ans, comme toi actuellement... Cléia fit les gros yeux... je me trouvais seule dans le spa quand j'entendis le chant des baleines...

NériaWhere stories live. Discover now