Chapitre 27

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Le moment que je redoutais tant était arrivé. Ma nouvelle voiture était chargée. J'avais dis au revoir à mes parents et prenais la route. Anxieuse, je vérifiais l'adresse sur mon GSM et l'entrais dans l'ordinateur de bord. Lui dire adieu me terrorisais. J'avais peur de craquer, de lui avouer mes sentiments, je m'exhortais au calme en me concentrant sur les indications à suivre. Quand je lui avais envoyé un texto annonçant mon prochain départ, Rémi avait répondu dans les secondes qui suivirent. Il était impensable que je parte sans le revoir une dernière fois. Une partie de moi se réjouissait. Il voulait me revoir. L'autre partie était plus indécise, au bord du précipice, survoltée, en panique, euphorique. Dans ce maelström d'émotions, je faillis rater le chemin qui menait à un vieux corps de ferme. Wow! Dire qu'il était habile de ses mains était un euphémisme. J'avais devant moi ce que l'on appelait une maison avec une âme, un foyer. Chaque parcelle, chaque brique...tout avait été rénové avec passion. On était du "m'as tu vu" des villas sur la côte, mais leur côté long-bling impersonnel faisait pale figure ici. 

J'avisais le vieux berlingot et la célèbre moto noire. Mon pouls s'enflamma à l'idée de le revoir, une dernière fois. Mon esprit de midinette qui m'avait pourtant épargnée à l'adolescence était en pleine ébullition. Je ne pouvais pas m'empêcher de rêver à une déclaration passionnée. Je longeais la voiture et la vue des sièges auto me troubla. Malgré tout mes efforts, j'avais du mal à l'imaginer en père de famille. Il était loin du modèle BCBG auquel j'étais habituée. Un père plus obnubilé par son travail que par son enfant, regardant sa montre plutôt que les spectacles de danse. 

Je m'apprêtais à frapper quand la porte s'ouvrit en grand. Nom de... j'en perdis mes mots. 

-Tu es en avance, constata Rémi, une main maintenant sa serviette en place. Heureusement que j'ai entendu le moteur sinon tu aurais poireauter un moment. Entre!

Je hochais docilement la tête et le suivis. je contemplais les gouttes d'eau dégringolées le long de sa colonne et me reprit juste avant de le suivre jusque dans la salle de bain. J'avais une de ces soif, je me forçais à déglutir. 

-Alors prête à tout quitter? me lança-t-il depuis ce qui devait être sa chambre? 

-Oui, mentis-je en me tordant les mains de trac. 

-Ah vraiment? ironisa-t-il. 

Je sursautais, il se tenait juste à côté de moi. 

-Oui, répondis-je plus fermement. Je n'allais quand même pas lui avouer que l'idée de ne plus le revoir m'angoissait. 

Il hocha la tête et se dirigea vers la cafetière. Je le contemplais à loisir, ses larges épaules, ses omoplates saillants, ses hanches fines. Bientôt, il ne serait plus qu'un souvenir. Pourtant, je n'arrivais pas à y croire. Rémi Brémont n'était pas un homme qui se laissait oublier. 

Malgré tous mes efforts, je savais que je n'aurais de cesse de le chercher dans la silhouette de tous les passants, dans le reflet de toutes les vitrines. Comme Icare, je m'étais approchée trop près du soleil. Son image était imprimée dans ma rétine. 

-Quand est-ce que tu démarres ton nouveau job?

Je sortis de ma contemplation. 

-La semaine prochaine, répondis-je joyeusement avant de réaliser à nouveau ce que cela impliquait. 

-Tu auras des vacances pour la fin d'année, non? demanda-t-il en posant une tasse fumante sur le comptoir.  

Une idée germa dans mon esprit. Je remarquais le décor en face de lui. Classe, épuré, naturel, son intérieur lui ressemblait. Voudrait-il me revoir dans quelques mois? M'aura-t-il oubliée? 

L'idée de pouvoir revenir m'enchantait mais je me forçais à me calmer. D'ici là, nous ne serions certainement plus en contact. Je m'approchais machinalement d'une plante et effleurais ses feuilles. 

-Elles sont vraies, rit-il; 

-Je vois ça. Pourquoi as-tu des plantes dans ta cuisine? 

Son sourire taquin revint et il feint de se vexer. 

-Pourquoi, c'est illégal? fronça-t-il les sourcils.

-Non, c'est juste...je dansais d'un pied sur l'autre. 

-Un mec a forcément des goûts pourris et vit dans une caverne, c'est ça? 

-A peu près, avouais-je mal à l'aise. 

Son sourire discret se rapprocha. Ses mains enserrèrent ma taille et je cessais de penser. 

-Tu es pleine de préjugés pour une fille de riche, se marra-t-il. 

Je lui tirais la langue et me détachais de lui avant que mon cerveau ne fonde. 

-Ca va avec le fric! répliquais-je. Qui vas-tu bien pouvoir embêter après mon départ? le taquinais-je. 

-Toi, haussa-t-il les épaules simplement. Tu ne pars pas au bout du monde, ni pour l'éternité. 

-Tu crois vraiment que nous allons rester en contact? menaces-je en camouflant mon espoir. 

-Oui, pourquoi se devrait se passer autrement. 

Mon coeur faisait des loopings dans ma cage thoracique. 

Un bip strident me fit sursauter. D'un air absent, il récupéra son téléphone et son regard se réchauffa. Un sourire discret vint étirer ses lèvres. Des lames d'acier transperçaient ma poitrine mais je refusais de penser au pire sans plus d'informations. 

Je lui laissais le temps de répondre comme si cela ne m'affectait pas. Je tournais sur moi-même pour regarder la décoration autour de moi et me dirigeais à pas feutrés sur la terrasse en bois. Je caressais le bois de la rambarde. 

-Excuse-moi, c'est mon amie d'enfance. Je lui ai promis de l'aider à faire des travaux chez elle, expliqua-t-il avec une pointe de fierté. 

L'emphase sur le "mon" amie ne m'avait pas échappé. Je hochais la tête en souriant, avant de reporter mon attention sur la rambarde. 

-Elle a raison, tu es doué, ajoutais-je le poussant à me livrer plus d'informations.

-Ouais, son frère est du métier, mais bon, c'est toujours moi qu'elle appelle. Il est pas très méticuleux. 

La fierté qui émanait de lui, son ton lorsqu'il parlait d'elle, il n'y avait pas de doute. Ce n'était pas juste une amie? Je pinçais les lèvres muselant ma curiosité. S'il disait vrai et que nous restions vraiment en contact, j'aurais le temps d'en apprendre plus. Nul doute qu'il me reparlerait d'elle. 

-Je vais filer alors, le saluais-je en espérant qu'il me retienne. 

Il hocha la tête absent. 

-Fais attention sur la route. 

-Toujours, lui répondis-je sans me retourner. 

Des pas précipités firent écho au mien et sa main se referma sur mon bras me ramenant contre lui. Je me retrouvais emprisonnée dans son étreinte. Je fermais les yeux, m'imprégnant de son odeur virile. 

-Tu n'allais quand même pas partir comme une voleuse, sourit-il dans mes cheveux. 

-Non, répondis-je d'une toute petit voix. A bientôt Rémi!

-A très vite, Théo, murmura-t-il comme une promesse solennelle en ouvrant ma portière. 

Je le fixais dans mon rétroviseur, et sentis les larmes inondées mes joues. 


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