Chapitre 48

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Je n'avais pas de nouvelles de Rémi et mes vacances approchaient à grand pas. Je m'empressais de finir de traiter les dossiers les plus rentables, m'évitant ainsi de penser à son silence et à ce que cela pouvait impliquer. Plus qu'un document à remplir et la seule chose que j'avais à l'esprit c'était lui. Devais-je lui envoyer un message ou attendre qu'il me contacte?

Mes yeux me piquaient, j'avais surement atteint mon seuil de fatigue. Depuis deux semaines, je ne faisais que travailler pour pouvoir me prendre du repos.

Je reposais mon téléphone en soupirant et replongeais dans mon dossier...Je me levais et me préparais un jus d'orange pressé, cadeau de Cécile qui se moquait de sa nouvelle belle-mère et de son côté « perfect housewife ». Il n'y avait rien à faire, j'étais incapable de me concentrer.

Pourquoi ne me contactait-il pas? Je n'arriverais pas à finir ce soir de toute façon. Je cédais donc et lui demandais de ses nouvelles par texto. J'hésitais et validais l'envoi. Au même moment, ma sonnerie se déclencha. C'était lui. Je retins mon souffle, c'était la première fois qu'il m'appelait sans me prévenir par texto.

-Allo?

-...

-Allo?

-Sara est morte, souffla-t-il.

Si sa douleur ne perçait pas dans sa voix, j'aurais pensé que je venais de rêver. Mon coeur se serra.

-Mais..Quoi...Com...ça va? Question stupide. De quoi as-tu besoin? ... Tu veux que je vienne?

-Non, non, dit-il après un moment. Je l'entendis soupirer et faire quelques pas avant de fermer une porte. — - Je ...Tu pars en vacances demain soir.

-Depuis quand n'as-tu pas mangé? l'ignorais-je, et dormi?

-Je ne sais pas. Je m'en fiche, sa voix se brisa.

-Je pars dans une heure. Tu seras chez toi?

-Ouais, je suis à... j'y serais. Merci, Théo.

-De rien. Et Rémi? Je suis vraiment, vraiment désolée.

Il raccrocha sans répondre et je me dépêchais de boucler mes affaires. Mes valises étaient déjà prêtes, il ne me restait qu'à emporter mes dossiers avec.

J'appelais mon travail sur la route, les prévenant de la situation. J'appelais ensuite Cécile. Sa réaction me parut bizarre mais j'étais trop concentrée sur la route et sur Rémi pour m'en inquiéter.

Je roulais vite et pilais pour éviter un radar. J'arrivais dans un temps record devant sa maison et je restais coincée dans la voiture.

-Qu'allais-je lui dire?

Comme si je pouvais dire quelque chose qui le fasse aller mieux. J'arrivais les mains vides en plus, mais je me voyais mal me mettre à cuisiner alors que clairement il avait besoin de moi.

On frappa au carreau et je hurlais. Mince, il faisait peur à voir. Il était toujours aussi beau, même plus, mais sa tristesse me faisait mal. Des cernes noires mordaient ses joues, sa barbe avait poussé, il avait maigri, mais ses yeux...tout le chagrin du monde s'y reflétait.

J'avalais ma salive et sortis du véhicule. Dans un autre contexte, ma crise l'aurait fait rire. Il se serait moqué gentiment jusqu'à ce que je fasse mine de bouder.

Il recula pour le laisser sortir. Je le regardais, ne trouvant pas une seule phrase qui ne soit pas complètement débile. En désespoir de cause, je fis la seule chose que j'avais envie. Je me jetais dans ses bras et le serrais de toutes mes forces.

-Tu es costaude pour une naine, essaya-t-il de plaisanter sans y parvenir.

-Comment vas-tu? levais-je les yeux sans m'éloigner.

Ses bras encerclèrent ma taille mais je ne pensais pas qu'il s'en était rendu compte. Il semblait dans un état second. Il ne me répondit pas. Il n'en avait pas besoin.

-Viens, on rentre, il fait froid ici.

Il sourit péniblement.

-C'est presque l'été, dit-il avant que sa voix ne se brise.

Il devait penser qu'il n'emmènerait plus jamais sa fille à la plage, qu'il n'entendrait plus son rire quand une vague l'éclaboussait.

-Tu as besoin de t'asseoir, de prendre un café et me manger, le tirais-je par la main.

Il sembla alors remarquer mes sacs dans la voiture et me regarda perplexe. J'avais déjà commencé à charger ma voiture pour les vacances, lui expliquais-je sans me retourner. Son visage se ferma.

-Tu ne devrais pas être ici, gronda-t-il.

-Je m'en fiches de ce que tu penses, maintenant bouges! lui ordonnais-je en tirant sur sa main.

Il se mit enfin en mouvement et me suivit docilement, même si je l'entendais maugréer à propos de mes vacances gâchées.

-Ecoutes, tu n'y es pour rien, ok? J'ai choisi d'être ici, et je ne compte pas partir alors fais-toi une raison!

Il encaissa, surpris puis hocha la tête.

-Tu ne m'as pas demandé.

Je me figeais à mi-chemin de la cuisine.

-Je vais faire du café. Tu n'es pas obligé de parler. Pas si tu ne le veux pas.

-Merci...d'être venue.

-De rien.

Je me concentrais sur des tâches simples, préparer du café, sortir de quoi faire des sandwichs, ignorer le regard de Rémi. Je mis la table en silence, n'osant pas le pousser à s'ouvrir. Je l'entendis s'installer et il accepta la tasse que je lui tendis. Cela me soulagea.

-Prends un sandwich aussi.

-Je n'ai pas faim.

-S'il te plait?

Je pris un moi même et attendit qu'il se décide à faire de même avant de commencer.

-L'enterrement est demain, finit-il par briser le silence.

-Que s'est-il passé? lui demandais-je doucement.

Il ferma les yeux et serra son poing libre.

-Un chauffard.

Je hochais la tête.

-Elle n'a pas souffert. Du moins, c'est ce que disent les médecins.

Il se leva brusquement et disparu sur la terrasse. J'aurais voulu le suivre, mais je comprenais son besoin de s'isoler. Je rangeais le repas et répertoriais le réfrigérateur. J'allais devoir aller faire des courses, il ne pouvait pas continuer à ne pas manger.

*****

Le reste de la journée passa dans une sorte de brouillard fébrile. Il m'aida à récupérer mes valises et me regarda ranger mes affaires en silence, allongé sur le lit. Je lui fis plusieurs fois la réflexion qu'il devait manger et il finit par consentir à grignoter un sandwich. Au moment où j'allais rejoindre ma chambre, lessivée par un trop plein d'émotions, il m'attira dans ses bras.

-Viens à l'enterrement avec moi. S'il te plait.

-Bien sur, lui frottais-je le dos. Je serais là tant que tu as besoin.

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