6 : La soirée d'Halloween du petit garçon d'Agathe.

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─ Un baiser, ça signifie bien quelque chose, non ?

Ça faisait bien des semaines que je ressassais la question. D'abord dans mon esprit, en boucle, trouvant des arguments des deux côtés, me torturant l'esprit jusqu'à ne pas pouvoir trouver le sommeil, le cerveau en ébullition. Puis, j'avais fini par craquer. Ce soir-là où ma sœur squattait la cuisine familiale, parce que la sienne était vide. Ma mère était à l'étage, la voie semblait libre d'oreilles indiscrètes. Je m'étais donc jeté à l'eau, avec une certaine appréhension quant à sa réaction, mais surtout, le besoin dévorant de lever ce poids de mes épaules. Ce n'était pas non plus anodin : Gabin venait chez moi le soir-même, et je ne me sentais de l'affronter sans avoir partagé mes doutes auparavant.

Concernant la nouvelle en elle-même, elle n'a pas trop bronché, ma sœur a surtout été révoltée de ne l'apprendre que maintenant.

─ J'arrive pas à croire que ça fait un mois que vous vous êtes embrassés et que tu ne m'as rien dit ! Moi, Agathe, ta sœur.

J'ai levé les yeux au ciel devant son spectacle dramatique. Charlène avait toujours été celle qui demandait le plus d'attention. La Gabin de sa famille en quelque sorte. Je me suis mordue la lèvre : pourquoi tout revenait à lui ? Elle a repris :

─ J'ai parié un resto, Agathe, tu dois me tenir au courant de ce genre de chose !

Sa phrase m'a fait froncer les sourcils.

─ Tu as parié un resto ? me suis-je étonnée.

─ Oui, avec Olivier. Si Gabin et toi sortez ensemble avant Noël, il m'invite. Si c'est après, je devrais payer.

J'ai ouvert la bouche, faisant mine d'être profondément choquée. Je ne l'étais pas tant que ça, en réalité ; à sa place j'aurais fait peut-être la même chose.

Au risque de décevoir ma sœur, elle allait devoir inviter son mari au restaurant, car même si cette histoire de baiser tournait et retournait dans ma tête, il restait une certitude dans tout cela : Gabin et moi n'allions pas sortir ensemble. C'était mathématiquement impossible : on ne se voyait que rarement, on ne se parlait pas entre ces moments, et quand on passait de nouveau du temps ensemble, on faisait semblant d'avoir oublié tous les événements précédents. La conversation est repartie de plus belle, Charlène ne semblait pas prête à me lâcher.

─ Est-ce qu'il s'est passé quelque chose pendant le baiser ? m'a-t-elle interrogée, avide de détails. Est-ce qu'il t'a pris le visage ? La taille ? Est-ce qu'il y a eu un autre truc que le baiser en lui-même ?

J'ai réfléchi, avant de baisser les yeux, le souvenir de cet instant dans le placard me faisant monter le rouge aux joues.

─ Non, ai-je menti.

─ Bon, alors c'était peut-être vraiment pour avoir la paix avec les enfants, tenta-t-elle d'expliquer. Enfin, je ne sais pas, parce qu'en même temps, il avait le choix. Il aurait bien pu ne pas t'embrasser.

J'ai haussé les épaules, je n'en savais pas plus. Il était facile pour moi de dire clairement si, oui ou non, le baiser avait un sens. Oui. Je n'avais jamais eu de « vrai » petit copain, je ne donnais pas mes lèvres au premier venu. Laisser Gabin être aussi proche de moi m'avait demandé une dose considérable de courage, que je n'aurais sûrement pas eu avec un autre garçon. Parce qu'il était sorti du fond de ma poitrine et de mes tripes, ce baiser était pour moi la preuve ultime qu'il me plaisait. Mais lui ? Gabin était une porte de prison. Tout chez lui n'était que blagues et apparences. Ce baiser, dans sa tête, il n'était peut-être que volé, une fille de plus – tiens, je ne savais même pas s'il avait déjà été dans une relation sérieuse ou s'il enchaînait les conquêtes ! Tout n'avait peut-être été qu'un jeu pour lui, même si son corps avait réagi en conséquence... Ah ! Je n'arrivais pas à trouver une hypothèse logique et cohérente, qui rendrait plus simple toute cette affaire. Le mieux aurait été de lui demander directement, mais ni Gabin, ni moi ne semblions doué pour communiquer nos sentiments.

Les 24 états d'âme de Gabin et Agathe.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant