9 : Le premier janvier de Gabin.

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Vous allez voir, vous allez trouver ça drôle.

Les parents de Kévain, le gars chez qui on fêtait le réveillon ont toujours été du genre gros flemmards, si bien que le changement d'heure pour eux, c'est quelque chose de très relatif. Il suffit qu'ils se pointent une heure en retard ou en avance à leur boulot pour s'en rappeler et ne pas recommencer. Et comme ils n'ont pas envie de s'emmerder, leur four et les horloges de la maison sont toujours à l'heure d'été, toute l'année.

En début de soirée, on a désigné le préposé à l'heure parce qu'on savait tous très bien qu'on allait être trop soûls pour penser à regarder nos téléphones ou se rappeler qu'on était censé faire un décompte à minuit. On a désigné Loïc, proie un peu facile je le concède, parce que Loïc a toujours envie de faire plaisir à tout le monde, et qu'il ferait n'importe quoi pour être sûr qu'on ne le mette jamais de côté. Mais on l'aime bien, Loïc, c'est d'ailleurs pour ça qu'on l'invite à chaque fois. Sauf qu'il n'est pas vraiment sur la même planète que nous, Loïc, et du coup, il a passé sa soirée à fixer le four, et feuilleter tous les livres sur les arbres qu'il avait reçus à Noël – dont, je suis certain, le mien est le meilleur –, sans se douter un seul instant qu'il n'affichait pas la bonne heure.

À vingt-trois heures cinquante-neuf, heure du four, il a crié que c'était bientôt le moment et on s'est tous préparé au décompte. À minuit, toujours heure du four, on a fêté la nouvelle année et en sortant son téléphone pour prendre une photo, une fille a fait remarquer qu'il était une heure du matin. On est tellement des idiots que malgré toute la technologie à notre portée, on a réussi à louper le vrai décompte. D'ailleurs, je crois bien qu'une fille était venue me voir, complètement arrachée parce qu'elle n'avait pas compris pourquoi sa mère l'avait appelée alors qu'il n'était que vingt-trois heures.

J'ai cherché Agathe pour lui souhaiter la nouvelle année. Je l'avais un peu délaissée, OK, mais je l'avais vue discuter avec Hugo, je me suis dit qu'elle s'amusait. J'ai fait le tour du salon, puis de la maison, et enfin du jardin sans la trouver, je l'ai appelé une fois, deux, je lui ai laissé un message, j'ai demandé aux autres s'ils l'avaient vue, sans plus de résultat. Je l'ai rappelée.

─ Agathe, ai-je dit après avoir entendu le bip, s'il te plaît rappelle-moi parce que là, je suis complètement en train de flipper. J'ai peur qu'on t'ait enlevé. Ne m'ignore pas.

Je suis quand même allé faire un tour dans la rue, pour vérifier. Les lampadaires étaient éteints, il faisait nuit noire. L'alcool exacerbait mes émotions et mon pouls s'est fait irrégulier sous la panique. Laura est venue à mes côtés.

─ Eh, Gabin, tu rentres ? On a fait des pâtes.

─ Non, Agathe a disparu, il faut que je la retrouve.

─ Ah, ta fausse petite-amie, a-t-elle dit avec un sourire.

─ Oui, ma fausse petite-amie.

Maintenant que je le disais, je prenais conscience à quel point mon idée avait été minable.

─ Je sais que tu l'as emmenée pour me rendre jalouse, hein. T'en fais pas, elle est peut-être rentrée chez elle.

─ Hein ? Mais pas du tout, je l'ai emmenée parce que je l'aime bien. Je l'aime vraiment bien.

─ Alors pourquoi tu es restée avec moi toute la soirée ?

C'était une excellente question. J'ai secoué la tête, l'alcool altérait le filtre de mes pensées et mêlé à ce sentiment de panique qui oppressait mon cœur, je n'ai pu que lui dire la vérité, aussi blessante soit elle.

Les 24 états d'âme de Gabin et Agathe.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant