Chapitre 3 - L'introspection

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Erin profita du dimanche matin pour flemmarder sous sa couette, tout en repensant à sa rencontre avec Lorenzo De Conti le vendredi soir précédent. Il l'avait intimidée, mise mal à l'aise sans qu'elle sache trop pourquoi.

Dès qu'il était entré dans la pièce son charisme animal avait éclipsé Giovanni. Quoi que frères et se ressemblant un peu physiquement – tous deux avaient les cheveux noirs de jais, des yeux gris, et flirtaient avec le mètre quatre-vingt-dix – il était évident que le cadet n'égalait pas l'aîné.

On sentait tout de suite que Lorenzo était sûr de lui, qu'il savait ce qu'il voulait et qu'il faisait tout pour l'obtenir, quel qu'en soit le prix. De part les confidences de Giovanni, elle savait que celui-ci se sentait inférieur à son frère qui avait brillamment repris l'entreprise familiale et l'avait fait prospérer pour devenir ce qu'elle était maintenant : une société internationale réputée.

Un moment, elle avait rêvé de postuler chez eux mais les ennuis de son frère l'avaient empêché de valider son diplôme d'analyste juridique. Douglas était un joueur compulsif, qui accumulait les dettes comme d'autre les paires de chaussures.

Cela lui avait pris il y a cinq ans, après le départ de leur père qui les avait abandonnés sans un sou. Il avait vidé les comptes, leur laissant une montagne de dettes, et des menaces de saisie planaient au-dessus de leurs têtes.

Jusqu'à la mort de leur grand-mère, il avait réussi à ne perdre que de petites sommes facilement payables. Mais il y a six mois, à peine l'enterrement terminé, il avait commencé à jouer de plus en plus gros, perdant plus qu'il ne gagnait.

C'est ainsi qu'il s'était retrouvé à devoir de l'argent à Vito. Et pas qu'un peu. C'était pour l'éponger qu'Erin avait accepté de danser tous les samedis soirs dans l'établissement que tenait l'italien dans les quartiers chauds de la ville.

Le deal était qu'il ne lui payait pas son salaire de danseuse, et qu'en plus elle lui donnait une grande partie de ses pourboires. Cela faisait déjà un an qu'elle dansait, et elle comptait les semaines qui la séparaient de la fin de son engagement.

A sa demande, Vito avait fait en sorte que Douglas ne joue plus chez lui, mais Erin savait qu'il avait trouvé dernièrement d'autres tables de jeux clandestines, et cela l'inquiétait. Quand il passait la voir, il était toujours dans un état de fébrilité, comme un drogué en manque de sa dose, tentant de lui soutirer toujours plus d'argent.

Ces visites finissaient immanquablement en dispute, car il ne comprenait pas son refus d'alimenter son vice. Douglas lui répétait sans cesse qu'il pouvait s'arrêter quand il voulait, qu'en ce moment, la chance était de son côté. Alors qu'elle était surtout du côté de ses concurrents.

Et quand Erin mettait en avant le fait qu'elle avait dû arrêter ses études, trouver un boulot mal payé, et qu'en plus elle devait bosser chez Vito, il haussait les épaules avant de partir en claquant la porte. Leurs entrevues lui laissaient un goût amer en bouche, avec un sentiment d'impuissance et de culpabilité qu'elle n'aimait pas.

Difficilement, elle sortit de son lit, jetant un œil morne à son petit appartement. Elle l'avait meublé avec goût, mais de façon pratique, mettant des coussins et des plaids de couleur chaudes sur les chaises et le clic-clac.

Au mur, elle avait accroché des photos de pays qu'elle avait envisagé de visiter, plus tard. C'était un rêve supplémentaire qu'elle avait dû abandonné à cause de Douglas ne pouvant pas mettre d'argent de côté.

En soupirant, elle referma le canapé, fit rapidement le ménage, rangea les bricoles qui traînaient. Dans un studio, le moindre truc pas à sa place donnait immédiatement une impression de chantier.

Petites manipulations et gros mensonges [en auto édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant