Chapitre 2

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Le ciel d'azur s'étendait à perte de vue au-dessus des montagnes de l'ouest. Le soleil distribuait sa douce chaleur aux champs jaunes, éclairant majestueusement les forêts de pins et de chênes verdoyantes. Une brise calme balayait le petit village de Livia, constitué de petites maisons grises aux toits de chaume qui se dressaient fièrement au milieu des étendues sauvages. Au milieu de ce village, on trouvait un petit puits, autour duquel les habitants se retrouvaient pour discuter. Certains clamaient leur joie, rappelant à qui voulait bien les entendre que le printemps leur avait ouvert ses bras de chaleur et de lumière, les accueillant après le rude hiver qu'ils avaient enduré. D'autres, plus calmes, s'amusaient doucement.

Le modeste village n'était habité que par une petite cinquantaine de villageois, ce qui était bien suffisant pour créer une communauté soudée. Parmi ces personnes, il y avait une dizaine de vieillards, patriarches des lieux, et autant d'enfants, petites graines dont on attendait l'éclosion. Des enfants turbulents, passant leur journée à s'amuser sous le regard doux des adultes qui les observaient vivre leurs vertes années, regrettant parfois les leurs.

Une partie desdites jeunes pousses était ce jour-ci réunie près du grand chêne qui trônait non loin du village, un chêne au tronc vigoureux et aux branchages feuillus.

— Attention ! hurla l'un d'eux à un de ses camarades qui ne put éviter le coup de poing qui le fit tomber sur l'herbe grasse.

— Sale garce ! couina-t-il en se relevant, se tenant la joue pour atténuer la douleur.

— C'est vous qui avez commencé, renchérit une jeune fille aux longs cheveux bruns et aux yeux de saphir.

— S'il vous plaît, arrêtez de vous battre comme des animaux, demanda un garçon adossé à l'arbre, dont les cheveux cendrés contrastaient avec la marque rouge qu'il avait sur la joue.

— J'essaye de te défendre, souffla la gamine.

— Je vois ça, et tu t'en sors très bien, comme à chaque fois, sourit-il en désignant le petit groupe de cinq qui s'en était prit à lui.

Le plus grand, Karl, un garçon à la tignasse brune en bataille et à la carrure imposante, lui jeta un regard méchant, avant de se retourner :

— Ce n'est que partie remise ! lança-t-il aux deux amis, avant de s'enfuir, la queue entre les jambes, bien vite rejoint par ses camarades.

La jeune fille soupira, avant de s'approcher de son ami :

— Tu n'as rien, Kirian ?

Il se releva en s'étirant :

— Non, grâce à toi. Merci.

Lyra lui sourit. Kirian soupira, et lui sourit en retour.

— Que faisons-nous ? demanda-t-elle en penchant la tête sur le côté.

— Allons sur la colline, proposa son ami.

Ils se regardèrent, et, d'un commun accord, se mirent en route, elle, marchant d'un pas guilleret et plein d'entrain, lui, de façon calme et réservé.

***

Le soleil couchant illuminait de sa lumière orangée le petit village, l'éclairant une dernière fois avant que l'incertitude nocturne ne le prive de l'astre. Sa longue marche solitaire était enfin terminée, et il cédait sa place à sa sœur, bien plus mélancolique, dominant la nuit avec douceur. Bientôt, les montagnes l'avaleraient, et rien ne subsisterait de sa présence étincelante.

Lyra et Kirian observaient les toits de chaumes depuis la colline qui surplombait leur terre natale. Avec mélancolie, ils réfléchissaient à leur vie, se demandant s'ils verraient les rayons écarlate le lendemain, comme chaque jour depuis qu'ils se connaissaient. Douze ans d'une longue amitié, nouée alors qu'ils n'étaient que des enfants. À une époque où tous leurs camarades les pointaient du doigt, sans que jamais ils n'aient su pourquoi.

Le jeune homme étudiait de près un boldro, petit insecte à coque, paisiblement posé sur une branche. La jeune fille contemplait le paysage splendide qui s'étalait devant eux, parsemé de mille touches de couleurs, des plus sombres aux plus vives. Jamais elle ne se lasserait de cet endroit, qui avait accueilli tant leurs peines que leurs joies.

Elle leva la main vers le point qui descendait à l'horizon, avant de la refermer, tentant de l'attraper. Elle sourit. Kirian se tourna vers elle, et soupira. La clarté de la fin du jour inondait le visage de son amie, et il se surprit à la trouver magnifique.

— Pourquoi t'es-tu fait agresser, cette fois ? lui demanda-t-elle d'un air narquois, le tirant de ses pensées.

— Et bien... commença-t-il en se grattant la tête, visiblement gêné, probablement parce que je n'ai pas répondu à leurs provocations.

Il aurait préféré se taire, connaissant la tournure qu'allait prendre la conversation :

— Tu devrais leur donner une leçon, grogna-t-elle.

— Je n'aime pas me battre, soupira Kirian, résigné à endurer ce qui allait suivre.

— Mais tu ne vas pas te laisser faire à chaque fois, quand même ! Ils n'arrêteront jamais si tu restes passif, et tu le sais !

— Je ne m'abaisserai pas à leur niveau, conclut simplement le jeune homme. Et tu devrais faire de même, au lieu de foncer comme un buffle.

Elle grommela, visiblement vexée, avant d'enfouir sa tête dans ses bras. Il lui sourit, avant de poser sa main sur l'épaule de Lyra, qui resta impassible. Il la remua, sans succès :

— Tu ne vas quand même pas me faire la tête ?

Elle ne répondit pas, et Kirian lui donna une claque vigoureuse dans le dos. Elle sursauta en criant de surprise, avant de jeter un regard accusateur à son ami, qui riait aux éclats :

— Ce n'est pas drôle !

Il ne put répondre, tant il riait. Lyra le scruta quelques secondes, avant le suivre de bon cœur dans son fou rire, qu'elle savait dénué de méchanceté. Ils avaient grandi ensemble, et la confiance qu'ils se vouaient était sans faille. Ils se ressemblaient, tout en étant très différents : Lyra était impulsive, téméraire, tandis que Kirian était calme et réfléchi. Elle l'avait toujours défendu des brimades qu'il subissait sans broncher. Il la remercia une nouvelle fois en son fort intérieur, et se promit de lui rendre la pareille. Il essuya une larme qui perlait au coin de son œil, avant de regarder le soleil, qui commençait à disparaître. Il se leva et tendit la main à son amie :

— Il fera bientôt nuit. Rentrons avant que le soleil ne soit couché.

Elle lui sourit, et attrapa sa main. Une fois levée, elle s'étira douloureusement, avant de se mettre en route.

Ils zigzaguèrent entre les arbres denses qui entouraient Livia, esquivant les pins, se frayant un passage à travers les buissons. C'était un véritable dédale, mais les deux enfants le connaissaient comme leur poche, et savaient parfaitement où ils allaient, malgré la végétation qui renaissait en ce début de printemps. De temps à autre, ils croisaient des terriers de marfands, sorte de ratons laveurs devenus agressifs au contact de l'homme, et passaient devant sans un bruit. La faune et la flore étaient plutôt calmes de ce côté-ci de la forêt, mais c'était l'enfer qui les attendait s'ils s'aventuraient de l'autre côté, où les créatures dangereuses pullulaient. Aussi l'esquivaient-ils soigneusement.

La nuit était tombée quand ils arrivèrent au village, qui semblait assoupi. Ils marchèrent au milieu des petites habitations, seuls sur le chemin désert, bercés par la lune qui les observait en silence. Lyra finit par s'arrêter devant l'une des bâtisses, avant de se retourner vers Kirian :

— À demain, murmura-t-elle en lui faisant un clin d'œil, avant d'ouvrir la porte et de disparaître.

Le jeune homme sourit, avant de soupirer, et de se diriger à son tour vers son foyer, qui, comme tout les jours, l'attendait dans le calme nocturne.

***

Petite note de fin, ce chapitre a été totalement modifié, et tout les commentaires datant d'avant le 27 avril 2018 se rapportent à une autre version du texte, et ne sont plus "d'actualité".

L'Enfant aux yeux blancs - L'éveilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant