Elle se réveilla dans la chambre qu'elle occupait dans la maison de Damiant. Elle avait froid, et ne savait pas ce qu'elle faisait là. Ses yeux s'habituaient à l'obscurité dans laquelle elle était plongée. Elle tourna légèrement la tête, et vit la petite commode en bois. Rien n'avait changé. Elle voulut se lever, et tenta de se redresser en s'aidant de ses coudes. Le mouvement lui arracha un cri de douleur. Elle réussit à rejeter la couette posée sur elle, et regarda ses membres. Ils étaient couverts d'équimoses, et une longue entaille parcourait sa jambe droite, recouverte d'un bandage. La paume de sa main gauche était calcinée, et des morceaux de peau s'en détachait. Chaque contacte entre la brûlure et une surface la faisait affreusement souffrir. Elle se rappela de tout : les orbins, la forêt... et cette mystérieuse force...
La fièvre du combat passé, elle prenait conscience qu'elle avait été grièvement blessée. Elle aurait pu mourir.
Au prix d'un effort surhumain, elle réussit à se redresser. C'est ce moment que Damiant choisi pour entrer dans la pièce. Alerté par le cris de son apprentie, il l'avait rejoint. Il était heureux de la voir réveillé. Il la salua d'un signe de tête :
— Tu as mal ?
La jeune fille hocha la tête.
— Je suis désolé... j'aurais pu... j'aurais dû intervenir plus vite. Mais j'étais fasciné.
Lyra comprit bien vite de quoi il voulait parler. Elle même ne savait pas comment elle avait réussi cet exploit. Elle avait eu l'impression que tout était possible, quand elle avait saisi l'épée.
— Tu comprends que tu possèdes un don ? lâcha Damiant, d'un air grave. Il attendit une réponse qui ne vint pas. Tu comprends que tu ne pourra plus partir d'ici à présent. Tu es un danger, et ta vie est menacée.
— Par qui ? réplica Lyra, intriguée par Damiant, qui semblait enfin vouloir parler.
— Par l'Empire. S'ils ne peuvent pas t'avoir dans leur rang, ils te tueront tout simplement.
Elle hocha la tête, abattu.
— Damiant... qu'est-ce qui s'est passé ?
Son visage s'assombrit :
— Je ne saurais le dire. Cependant, il est évident que tu possèdes des capacités innés en matière d'escrime. De plus, tu as eu recours à la magie. Et surtout, tu as tuer de sang froid, termina t' il. Des orbins, certes, et pour te défendre, mais tu n'as pas hésité, prends en conscience, dit il, non pas pour l'enfoncer, mais pour lui rappeler les faits
Ces mots résonnaient dans la tête de Lyra. Elle avait tué. Pas un lapin, pour se nourrir, mais pour se défendre. Elle avait abattu des dizaines de créatures, simplement pour survivre. Mais ce n'était pas cela qui l'effrayait :
— Damiant... cette force... elle peut prendre des vies, commença-t-elle, en sanglotant. Cette force... elle est meurtrière et incontrôlable... elle tuera, encore et encore... je ne veux pas être une meurtrière...
Damiant regardait cette jeune fille, pleurant à chaudes larmes. Il éprouva une immense tristesse à cette vue. Son passé entra en résonance avec le présent. Il devait l'aider. Pour qu'elle ne souffre pas comme lui. Il posa sa main sur l'épaule de Lyra, et plongea son regard blanc dans le siens :
— Oui, cette force peut tuer. Elle peut prendre des vies, briser le cœurs de gens innocents. Mais elle peut également en sauver, rendre ces vies meilleur. Tu dois apprendre à maîtriser cette force. Et je t'aiderai, je te le jure. Tu auras des choix à faire. Toujours. Mais tu devras rester forte, ou d'autres décideront de ta vie. Cette force, tu peux la dresser, la faire tienne, pour aider les autres. Mais pour cela, tu dois le vouloir. Écoutes ton cœur, il saura quoi faire.
Lyra écoutait cet ami, cet homme qui lui apportait du courage, et lui donnait envi de vivre. Elle devait être forte, pour changer ce monde, pour le rendre meilleur.
Elle continuait de pleurer. Elle avait peur. Peur de blesser les autres. Mais elle avait désormais, et pour la première fois de sa vie, le choix. Le choix d'aider les autres. De leur redonner espoir, et de les pousser à vivre, encore et encore. Sa décision était prise. Plus jamais personne n'aurait à souffrir de la différence, de cette même différence qui l'avait forcé à fuir.
Elle se jeta dans les bras de Damiant, qui lui rendit son étreinte. Ils se ressemblaient. Elle était seule, lui aussi. Désormais, ils seraient deux. Deux, pour affronter ce monde qui ne voulait pas d'eux, ce monde froid et cruel, mais magnifique pour qui le comprend et l'accepte. Mais il faudrait vivre avec ses fautes, ses erreurs, ses problèmes, et les surmonter, pour ne jamais regretter ses choix. Damiant ne le savait que trop bien, et avait vu trop de personnes succomber à leurs erreurs. Beaucoup trop. Il refusait qu'il arrive la même chose à cette jeune fille courageuse et emplie de bonté.
Il s'écarta d'elle, souriant sincèrement. Ce n'était pas son éternel sourire, mais un véritable sourire. Lyra, sans le savoir, avait réchauffer le vieux cœur de l'homme en noir, assombri depuis de trop nombreuses années de souffrance et de solitude.
— Tu dois avoir faim. Ne bouges pas ! Tu es encore faible. Je t'apporte ton repas.
Il sortit de la pièce, laissant la jeune fille seule dans l'obscurité. Les mots de Damiant lui avait redonné courage. Elle pouvait aider les autres. Elle devait aider les autres. Pour cela, elle devait être forte. Elle devait devenir forte. Et Damiant pouvait l'aider. Cette force cruelle et froide, pouvait devenir son glaive. Elle devait désormais apprendre à s'en servir.
Damiant revint avec une assiette en porcelaine, contenant un plat méticuleusement préparé. De la viande avec quelques légumes frais, marinés, et parfaitement cuits qui fondaient dans la bouche.
Lyra mangea, mais elle n'avait pas faim. Elle se délecta tout de même de ce plat encore une fois délicieux.
Elle reposa son assiette sur ses genoux, en prenant garde à ne pas raviver les douleurs qui lui déchiraient le corps. Damiant la regardait faire, debout sur le seuil de la porte. Il récupéra l'assiette, qu'il emporta dans la pièce principale.
Lyra avait une question qui lui brûlait les lèvres. Elle finit par la poser :
— J'ai échoué, n'est-ce pas ? dit elle d'une voix pleine d'amertume. Je n'ai pas réussi à tenir plus de trois jours.
Damiant éclata de rire en voyant le visage de sa jeune apprentie, empli de tristesse. Lyra fut surprise, puis elle s'énerva :
— Ce n'est pas drôle ! J'ai échoué dès le premier test...
Damiant continuait à rire, se tenant les côtes. Il finit par calmer son hilarité, sécha une larme qui perlait au coin de son oeil gauche, et sourit :
— C'est normal. Tu n'étais pas censée réussir. Cette épreuve a pour but d'évaluer la gestion de la peur et du stress chez les apprentis. Cette épreuve était beaucoup trop dur pour toi.
Lyra s'empourpra, comprenant qu'on s'était joué d'elle. Elle baissa les yeux et croisa les bras.
— Nous commencerons ton entraînement quand tu seras rétablie, d'ici quelques jours. Cependant, nous allons mettre à profit ce temps pour voir ce que tu connais concernant la géographie et l'histoire, expliqua t' il, un grand sourire aux lèvres.
Lyra soupira. Ces cours l'ennuyaient déjà...
— Vous avez décidé de me faire souffrir encore plus ? s'enquit ironiquement la jeune fille, ressentant comme en écho à ses paroles la douleur lancinante lui traversant la jambe.
— Si tu as une quelconque objection, je t'abandonne dans la forêt, répondit il d'une voix froide et cassante, avant de s'en aller.
Lyra ne savait pas s'il était sérieux, et dans le doute, ne voulut pas insister. Elle ne vit cependant pas le grand sourire qui fendait le visage de Damiant.
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L'Enfant aux yeux blancs - L'éveil
FantasyL'Empire règne en maître, plus puissant que jamais. La guerre se prépare entre Iélia et les autres royaumes, et entraînera inévitablement la mort d'innocents. Lyra peut changer cette tragédie, grâce à ses nouveaux pouvoirs, ceux des enchanteurs, cas...