Chapitre 1

982 60 59
                                    

Toutes mes nuits étaient semblables, le froid régnait en force, mes membres claquaient entre eux, mes doigts se crispaient, mes lèvres se déchiraient et le peuple n'était qu'éphémère. Souvent seule au milieu de ces rues tristement sombres où seul, quelques fous se distinguaient par leur simple gueulade nocturne, la nuit était dure. Il n'y avait presque plus signe de vie, seulement quelques bruissements et quelques aboiements résonnaient par ci et par là. La fatigue m'entraînait dans un état second tellement elle était forte, s'endormir comme ceci au milieu de tout et de rien à la fois, était très difficile, je grattais souvent les cordes de ma guitare afin de m'apaiser par ma simple musique. La faim, elle aussi, me torturait tellement, comme si un poignard m'ouvrait lentement, mais sûrement le ventre.

Toutes mes nuits étaient tristement réelles, tellement obscures, obscures par la simple réalité, par la simple pensée de la chose, me répétant que je n'avais plus aucun but à franchir à part survivre. Mes pensées inondées par la souffrance, mon cœur troué, tellement déchiqueté, seule au milieu de la nuit ayant comme simple toit le monde et le ciel. Le monde si dur et souffrant, ce ciel si noir et si blanc. Une vie pauvre et solitaire, telle une aventure à l'état de nature agrémentée par quelques soupçons de la vie sociétale.

Ces regards, souvent froids, méprisables ou même discrets, certains regards mélancoliques, joyeux, emplis de vie et d'envie. Ces visages joviaux, souriants, éclatants, superficiels, ou même naturels et d'autres plus misérables. Je voyais cela tous les jours. Tous les jours, j'arpentais du regard ces rues, armée de ma guitare et de ma voix faisant venir à moi ces gens. Certains que je connaissais bien, avec qui des liens s'étaient noués, quelques amateurs de musique, d'autres sans cœur, il y en avait encore beaucoup qui me dévisageait lorsque la musique prenait fin, lorsque cette aventure et cette vie que je créais s'évanouissaient, je redevenais moi, sans rien, sans un sou, et c'était bien comme cela que je devais dégoûter certains êtres. Ces êtres qui devaient certainement croire que ma présence ici n'était qu'une pauvre comédie, être si jeune et si abandonnée, si jeune, vivant en pleine rue, animant le jour grâce à ma musique et pourrissant la nuit comme un simple déchet mis de côté.

Quelques larmes s'écoulaient le long de mes joues comme toutes les nuits lorsque j'étais seule, seule avec moi-même sans personne pour avoir pitié de moi, sans personne pour rire de moi, sans personne pour apercevoir mon vrai moi. Ces larmes silencieuses, mais si bruyantes et profondes réellement, que j'étais la seule à pouvoir ressentir si puissantes. À cet instant, comme à tous ces moments semblables, je ne ressentais plus rien, ni même un simple soupçon d'envie. Plus aucune lumière se renfermait en moi, tout avait disparu, tout s'était échappé de ce corps si faible et si triste, seul l'obscurité résistait et s'imaginait encore rester vainqueur. Elle allait y rester encore bien longtemps.

Mon cœur était noir, pourri, en pleine décomposition, il s'émiettait, et tous ses résidus s'envolaient dans le vent. Ils s'envolaient avec certitude même lorsqu'ils se mélangeaient au son de ma guitare, se frôlant à quelques notes, se bousculant à d'autres, ils finissaient toujours par voler jusqu'à disparaitre laissant mon cœur crever comme au commencement. Quant à mon âme, qui se devait être si pure et si blanche premièrement se défait petit à petit de mon corps méfiant, mais plane légèrement lorsque la musique prend possession d'elle et de mon corps en même temps.

La musique était mon seul moyen de m'échapper tout en laissant constamment les pieds sur terre, ce moyen de raconter mon histoire en une simple chanson souvent corsée par ma voix dure et triste, ce moyen de lâcher prise et de s'abandonner, me permettant finalement d'apaiser mon âme et mon corps des blessures du passé.

On Partage ? Where stories live. Discover now