Chapitre 3

510 38 14
                                    

Les rues étaient éclairées d'une lumière tamisant chaque recoin de la ville. Je trouvais cela apaisant dans un sens. Dans un autre, cela montrait qu'une nouvelle journée arrivait en force, qu'il fallait encore poursuivre, encore exister sans réellement vivre. C'était le plus douloureux. En effet, avoir les pieds sur terre, sentir son cœur battre, respirer, penser, mais être si détruite à l'intérieur. Les blessures mentales semblaient être bien plus douloureuses à affronter. Il y avait toujours une trace au fond de soi. C'était ça, exister sans vivre. C'était si long et épuisant, mais le temps avançait et j'avançais avec lui. J'essayais tant bien que mal de garder un sourire accroché à mes lèvres, mais bien noirs étaient les pensées des nuits blanches. Venait encore des heures à passer dans le froid, la solitude et la douleur. Même si la nuit était belle, elle était aussi effrayante. C'était un tout autre monde. Un monde que j'aimais bien plus, mais lorsque j'entendis d'étranges bruits au loin, cette pensée s'effaçait directement. Je m'accrochai à ma guitare telle une bouée en pleine mer, comme si elle allait m'aider et me sauver.

La bise si froide fouettait mon visage et chacun de mes membres engourdis. Mes yeux fanaient de fatigue, l'envie de dormir résistait, mais la peur dominait. Je résistais aussi bien que je le pouvais sachant qu'autour de moi, il y avait tout et rien. Un silence sombrait, mais d'un autre côté, des bruissements s'acharnaient davantage. J'en tremblais. De froid, de peur... De tout. Tellement de sentiments emplissaient mon être que je n'arrivais à les déchiffrer. Tout, dans mon esprit, se passait à la fois. C'était éreintant, un peuple d'émotions vivaient en moi, sans savoir réellement lesquelles finalement. Je repris constance, du moins, j'essayai. Je gardai les yeux ouverts avec une telle difficulté que ça en devenait surhumain. Je ne sentais plus mon corps désormais, le froid était trop intense. Je replaçai légèrement la seule couverture que j'avais sur le dos, mais rien ne changeait, malheureusement. Recroquevillée, je plaçai mon visage entre mes bras me reposant comme je le pouvais.

Un son perçant résonnait dans mon crâne. J'ouvris doucement les yeux. Je m'étais finalement endormie. Fallait s'y attendre. J'avais un mal de tête incroyable. La journée commençait bien. Le soleil se levait seulement, il était encore très tôt, mais quelques passants étaient déjà présents. Je parcourais du regard chaque recoin de cette rue, détaillant chacune des personnes ici. Prise d'un élan de courage, je me levais entendant à la fois mes genoux craquer dans mon mouvement. Si jeune et si cassée. Je décidais de parcourir les rues, guitare sur le dos, j'avais besoin de me dégourdir les jambes, de respirer, d'essayer de m'épanouir. Lorsque quelques heures plus tard, la faim me rongeait, je sortis quelques pièces au fond de ma poche, les comptais, espérant que j'avais assez pour m'acheter un petit quelque chose. Quelques centimes, assez pour du pain d'une vieille supérette. J'essayai de gérer mes comptes du mieux que je le pouvais, mon corps s'était généralement habitué à la faim, donc les repas étaient pour la plupart, pauvres ou bien même complètement absents.

Je me retrouvais au point départ, je m'assis à ma place initiale et grignotai mon pain, doucement, mais sûrement. Je vais garder l'autre moitié pour ce soir, c'est mieux comme ça. Je rangeai alors l'autre moitié dans la poche de ma veste, avant d'empoigner ma guitare et de jouer quelques accords. Je débutais une musique assez douce, mais toujours aussi triste. Ma voix s'échappait de ma bouche, se faufilait dans l'air, volait jusqu'aux oreilles des passants et les amenait près de moi. C'est alors que j'aperçus l'homme d'hier, qui m'avait tendu la main. Il s'arrêta une nouvelle fois, écoutant ma chanson. La femme était là aussi et semblait être toujours aussi méprisante.

- T'arrêteras-tu tous les jours devant cette jeune femme ? lui souffla-t-elle assez fort pour que je l'entende.

- Elle a une si belle voix, tu ne trouves pas ? répondit l'homme le sourire aux lèvres.

- Regarde-moi cet état dégoûtant, c'est tout ce que je vois !

- Voilà la triste vie de nos jours, tant de monde seul, dehors, sans rien ni personne pour les aider, voilà ce qui est dégoûtant Julia.

- Chacun vit par rapport à ses moyens, voilà tout. Nous, de notre côté, avons travaillé dur pour arriver là où nous en sommes, dit-elle en croisant les bras, un air fier sur le visage.

- Certaines personnes n'ont pas le choix... Regarde cette fille, elle est si jeune et si détruite, crois-tu qu'elle a décidé elle-même de vivre ici ? Non, je ne crois pas, non.

- Nous avons toujours le choix. La vie est une question de choix.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Apr 27, 2020 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

On Partage ? Où les histoires vivent. Découvrez maintenant