Chapitre 2

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Le temps avançait lentement, le manque était présent. Chaque seconde était éternelle. La faim me rongeait, corps et âme. Je me doutais que mon visage devait être méprisant, des cernes creusés, une peau pâle, les lèvres gercées par le froid, je me dégoûtais moi-même en pensant à l'état dans lequel j'étais. De beau matin, les gens traversaient les rues à pas pressés. Certains grognaient, d'autres souriaient. Chaque personne était si différente, mais si lié à la fois. Ils étaient tous là, côte à côte, dans ce même lieu, à se regarder ou à s'ignorer, mais ils étaient tous là, à passer devant moi. Venait encore une journée où je devais tenir. Je me demandais encore parfois comment je faisais pour être encore là alors que plus rien ne me tenait, plus rien ne m'ancrait encore à ces lieux, à part ce cœur qui continuait à battre.

Je voyais la vie en noir même si le soleil flamboyait. Ces rayons m'hypnotisaient d'une sombre intensité. Il n'y avait plus espoir, je le savais comme tout le monde qui passaient et repassaient devant mes yeux. Mes larmes étaient d'une amertume incroyable et la douleur immortelle que le sourire essayait de cacher jour après jour. C'était un combat quotidien contre la souffrance et l'abandon. Je rêverais de m'endormir, pour oublier la douleur, les problèmes et ma situation pendant un court moment. Cependant, une fois après avoir ouvert les yeux, le réel reprenait force et pouvoir et je retombais dans le désespoir. C'était un cycle infini. Seulement, la musique m'aidait à tenir. J'avais ce besoin de pleurer en silence, mais ce besoin d'écrire en chanson mes blessures. Je ne pouvais les laisser se taire.

Guitare en main, je commençai à jouer et à chanter. Je m'envolai encore très haut et fermai les yeux. Le son vibrait en moi à m'en donner des frissons. Lorsque j'ouvris mes paupières, certaines personnes se trouvaient en face de moi, j'apercevais seulement, mais ne les regardait en aucun cas avec insistance, je ne voulais aucune pitié, seulement qu'on m'écoute. Il y avait cet homme, très bien vêtu, qui, en le voyant comme ça, jamais je n'aurais cru qu'il allait se poser devant ma voix. Il était accompagné d'une femme, très bien apprêtée, elle aussi, mais qui semblait être pressée contrairement à lui. Son visage reflétait tant l'indifférence et l'impatience.

Quand la musique prit fin, je soufflai doucement et souris à ces personnes qui avaient pris le temps pour moi, leurs mains commençaient à s'entrechoquer, leurs visages s'épanouissaient, avant que certains d'entre eux ne repartent. Quant à l'homme, il s'avança vers moi, se baissa légèrement et me tendit quelques pièces au creux de sa main. Je n'osais les prendre.

- Allez-y, c'est pour vous, dit-il un sourire aux lèvres.

La femme derrière lui commençait à taper du pied, à lever les yeux au ciel. Je glissai alors ma main dans la sienne prenant les pièces qu'il me tendit avec gentillesse.

- Je vous remercie... bredouillai-je.

Il se redressa alors, toujours un air calme sur son visage, avant de partir. Cet homme avait ensoleillé ma journée. Je glissai les pièces dans ma poche déchirée de mon vieux jean et souris face à cet acte de gentillesse. Je poursuivis alors ma musique jusqu'à ce que le temps passe et repasse et que la nuit se mette à tomber.

Le seul plaisir était de regarder tous ces astres étonnement bien marqués malgré cette pollution. Ces étoiles qui illuminaient la nuit, que je pouvais regarder pendant des heures. La nuit prouvait que le jour ne suffisait pas. J'avais besoin de voir le ciel bleuté et les étoiles l'illuminer. Je me disais que les étoiles ne pouvaient pas briller sans la noirceur, j'essayais tant bien que mal de me dire qu'un jour une lumière pourrait aussi naître en moi au fond de ce gouffre. Ce n'était que quand il faisait sombre que les étoiles brillaient, alors pourquoi pas ? Ce n'était que pendant la nuit que je pouvais m'imaginer de telles choses car quand venait le jour l'imagination pâlissait et tout s'effaçait.

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