5. Aube Sanglante

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Étendu au milieu de la cuisine, Yosyp Kazakov souriait doucement. Les hommes du MIJ avaient fini par décamper, le laissant seul sur le carrelage couvert de sang. Le pansement de fortune bricolé par un terroriste avec les manches de son blouson n'avait pas suffi à arrêter l'hémorragie. Pourtant l'instructeur ne sentait aucune douleur; son cerveau n'était tout simplement plus assez oxygéné pour ça. S'éteignant peu à peu, il flottait à la lisière de l'inconscience, fixant les deux charges explosives posées en face de lui.

Il allait mourir, ce n'était plus qu'une question de minutes. Que ce soit dans l'explosion ou de sa blessure, ça n'avait plus vraiment d'importance. Il avait fait son devoir et grâce à son sacrifice Ryan avait réussi à s'enfuir. Désormais la mission reposait sur lui.

L'ukrainien ferma doucement les yeux. Son cerveau asphyxié le ramena alors à un lieu familier, un souvenir qu'il n'avait jamais vraiment quitté.

À cette nuit de l'enfer afghan...


Bâti à flanc de colline, le village en ruine dominait la plaine désertique aux alentours. Depuis sa position Yosyp pouvait donc voir venir les assaillants de très loin.

Pourtant il attendit qu'ils pénètrent dans la rue principale pour viser soigneusement sa première cible. Posté sur le toit d'une petite mosquée dans l'ombre du minaret, l'ukrainien était à peu près au centre de la vingtaine de maisons qui formaient le village et avait un angle de tir idéal. Sûr de faire mouche, il pressa doucement la détente de son AK.


Il avait pris soin d'équiper l'arme de son silencieux, mais la balle supersonique produisit un vacarme semblable à un coup de tonnerre qui résonna entre les montagnes. Touché en plein ventre le moudjahidin s'effondra avec un hurlement de douleur autant que de surprise.


-Que la fête commence, murmura le Spetsnaz.


Un homme moins expérimenté que Kazakov aurait visé pour tuer, mais il avait derrière lui de longues années de guérilla. Un mort n'avait besoin de personne, alors qu'un blessé était un poids terrible pour ses compagnons, sans parler de l'impact psychologique.

Jusque-là les rebelles avaient cherché à être discrets. Mais leur camarade hurlait de douleur, touché par un sniper invisible et la panique se propagea en une seconde dans leurs rangs. Le silencieux avait masqué la lumière produite lors du tir, et ils n'avaient aucun moyen de localiser le tireur; ils ripostèrent donc au hasard, mitraillant les façades des maisons en courant se mettre à l'abri. Kazakov visa posément les éclairs que vomissaient les fusils automatiques, fauchant plusieurs moudjahidines. Ces derniers criaient dans différentes langues, rendues incompréhensibles par le vent et le fracas des armes.

Au bout de quelques instants la fusillade s'arrêta, remplacée par les cris d'agonie des blessés. Les rebelles s'étaient mis à couvert.


Kazakov en profita pour recharger son arme. Il avait fait illusion, mais il manquait de munitions; si le reste des rebelles lançaient un assaut frontal il ne tiendrait pas dix minutes.

Adossé au vieux minaret décapité par un obus, le soldat ferma un instant les yeux. La nuit allait être cruelle, et l'aube sanglante...


Sa main tâtonna sur son gilet tactique, jusqu'à rencontrer la boite d'amphétamines. Il y puisa un peu de courage chimique et avala deux cachets avant de se lever, serrant son kalachnikov. S'il devait mourir cette nuit, il allait négocier sa vie à un prix exorbitant. Le prix du sang...

CHERUB Agent Double - KazakovWhere stories live. Discover now