Épilogue

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Une douleur aiguë tira Alex du sommeil. Désorienté et l'esprit encore embrumé par la morphine il se redressa péniblement sur le lit où on l'avait installé et balaya la pièce du regard.

Il se trouvait dans une petite chambre d'hôpital, éclairée par la lumière chaude de la fin d'après-midi. Les rayons du soleil orangés qui tombaient en cascade de la fenêtre ne mentaient pas; il se trouvait encore en Afghanistan, à Kaboul sans doute.

Ce fut juste après s'être fait cette réflexion qu'il remarqua l'homme assis dans un coin de la pièce. Sanglé dans un uniforme beige d'officier, il lisait un livre et ne semblait pas avoir remarqué son réveil.


-Mes respects camarade colonel... lança le blessé en exécutant un semblant de salut militaire de sa main bandée.


Le geste éveilla une douleur cuisante et manquait de fermeté, mais il se sentait obligé de le faire. Plus on s'éloignait du front, plus la discipline pratiquée dans l'armée rouge devenait féroce et aveugle.

L'autre ne prit pas la peine de le saluer en retour et referma soigneusement son livre avant de lever la tête. C'était un homme entre deux âges, aux yeux d'un bleu magnétique.


-Caporal Kazakov... Ravi que vous soyez enfin réveillé, lâcha-t-il d'une voix douce mais sans chaleur.


Alex ne répondit rien, l'esprit confus. Il se souvenait confusément d'un dortoir collectif, où il était entouré d'autres blessés et abruti de morphine. Cette douleur... On avait cessé de lui en donner? Pourtant il souffrait toujours autant de ses brûlures.


Le colonel l'observa de longues secondes, assez longtemps pour devenir gênant.


-Vous revenez de loin, caporal, reprit-il enfin. Vous venez de passer une semaine à délirer à cause de la fièvre causée par l'infection. Peu d'hommes survivent à ce genre de complications...


Le blessé voulut répondre quelque chose, mais rien ne lui vint. Cette maudite douleur l'empêchait de se concentrer.


-Vous avez beaucoup parlé ces derniers jours, poursuivit le colonel en se levant, son livre et sa casquette à la main. Du crash où sont morts les soldats de votre unité... Et de la nuit qui a précédé. Vous parliez sans cesse de cet enfant que vous aviez vu dans la maison de votre cible, caché derrière un meuble. Vous n'en n'avez rien dit à vos camarades, pas même à votre propre frère. Quelques heures plus tard, votre hélico s'écrasait. Par votre faute, peut-être. On ne saura jamais si c'est lui qui a prévenu les rebelles.


Alex se laissa aller en arrière. L'homme parlait calmement, comme indifférent à ce que ses mots représentaient. Une condamnation à mort, pure et simple...


-Vous êtes du KGB? demanda-t-il finalement.

-En effet, répondit son interlocuteur.

-Qu'est-ce qui va m'arriver?


L'officier marcha jusqu'à la fenêtre, tournant le dos à Alex.


-Nous avons tous les deux vu le visage de cette guerre, caporal, lâcha-t-il. Et il est à vomir. Je me suis assuré qu'on vous transfère dans une chambre individuelle et j'ai convaincu les soignants d'être discrets. Ce qui s'est passé là-bas restera entre vous et moi. Si vous avez commis une faute, j'estime que vous l'avez déjà payé assez cher.

CHERUB Agent Double - KazakovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant