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L'odeur de sa douleur mêlée de souffre embaumait l'air au point de le rendre quasi irrespirable. Roy enserra la clé dans la serrure de la porte en chêne massif renforcé d'une couche de métal qu'aucun waste ne pourrait détruire du premier coup. Le guépard voulait un endroit assez sûr pour assurer aux locataires qu'ils pourraient fuir rapidement en cas d'attaque.

Ben et sa sorcière lui jetèrent un regard circonspect depuis l'ascenseur.

- Rentre chez toi, je viens te voir demain matin.

Le loup inclina la tête puis appuya sur le bouton qui ferma les portes. Il ne comprenait pas pourquoi ils insistaient autant pour l' accompagner alors qu'ils habitaient au cinquième. Craignaient-ils qu'il rentre chez lui au lieu de s'assurer que la sorcière rentrait bien ? Peut-être. Après tout, elle venait de les quitter avec une drôle d'expression sur son visage et le corps courbé dans une souffrance à première vue incommensurable.
Il poussa la porte. Étendue dans l'entrée, ses cheveux roux formaient un rideau sur son visage crispé par la douleur. Ses mains restaient serrées sur son pull à hauteur de son coeur. Le souffre agressa son nez sensible. Il éternua plusieurs fois, malgré lui. Il referma la porte derrière lui et se pencha à sa hauteur. Sa peau brûla ses doigts. Pourtant il passa un bras sous ses épaules puis ses genoux pour la porter et la déposer sur le divan miteux.
Il se souvenait du jour de signature du bail, son hésitation à ce moment-là. Les sorcières n'apportaient qu'ennui. Et quel problème apporterait la fille de la reine de ces salopes avides de pouvoir et de sang ? Des tas dont il refusait d'imaginer l'étendue. Pourtant il signa ce foutu papier. Il accepta de la savoir sous ses pieds tous les jours.
Il lui ôta son blouson et son pull. Sa peau parcourut de veines sombres inquiétantes ainsi que les nombreuses cicatrices apparurent sous ses yeux impassibles. Il commençait à comprendre ce qu'il se passait. Dans un soupire, il se hâta de lui enlever chaussures, chaussettes et jeans, puis de l'emmener dans la salle de bain. Il la posa contre le mur de la douche italienne, tira sur le robinet au muret attendit que l'eau soit à température ni trop chaude ni trop froide. Elle frissonna avant d'entrouvrir ses yeux bleu vert et de tousser en se recroquevillant dans le coin de la douche.
La Morrigan, l'Oracle du Panthéon, souffrait parfois de ce genre de crise intense. La magie noire détruisait l'esprit et le corps à jamais. Il marquait leur utilisateur d'une soif insatiable. Grâce à Dageus, leur Oracle parvenait enfin à vivre sans devoir subir milles morts tous les deux jours. Il pensa, durant une demi seconde, appeler son roi. Sauf que ce dernier ne pourrait pas aider cette sorcière, elle n'entrerait jamais au Panthéon. D'aucune manière. Roy savait qu'il la tuerait pour abréger ses souffrances. Ce qu'il ferait normalement... ses griffes se posèrent sur la gorge de la jeune femme. Elle leva difficilement son visage vers lui. Aucune peur ne traversa ses yeux fixes. Il ne s'avançait jamais en conjectures mais, face à l'absence d'odeur de peur, il sut qu'elle ne craignait pas la mort. Quand sa température fut redescendue, il la sécha sommairement avec une serviette posée sur le panneau de plexiglas. Elle tenta de se lever par elle-même, il la rattrapa juste avant qu'elle ne tombe violemment contre le bord de la baignoire.

- Tête de mule, soupira-t-il.

Elle grogna une insulte entre ses dents. Roy l'aida à s'allonger sur son lit.

- Je reviens.

Il ne prenait jamais soin des autres, il tuait simplement lorsque l'un de ses chefs le lui ordonnait. Le bourreau du Panthéon s'étonnait lui-même de la facilité avec laquelle il trouvait les bons gestes pour lui éviter plus de souffrance. Un verre d'eau fraîche entre les mains, il retourna dans la chambre plongée dans une pénombre étrange. Il releva sa nuque et pencha le verre pour qu'elle puisse boire.
Roy reposa le verre et fixa la sorcière, le front plissé par la souffrance. Une pensée s'imposa à lui : pour obtenir plus de puissance, ce peuple de folles recourrait aux pires. La princesse des sorcières ne devait pas échapper à cette faim qui semblait consumer sa race.

Helldown 1.5 "L'appel de la sorcière - Les origines "Where stories live. Discover now