Interclasse n°13

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Il y avait des bouchons sur la route. La direction de Paris était envahie par les voitures, comme tous les dimanches soirs. Les gens rentraient de week-end, disait-on.

Il y avait de la soupe pour le dîner. De la soupe de cressons, la recette de grand-mère que l'on se passait de fille en fille. Du moins, c'était ce qu'on prétendait depuis des décennies. Personne ne remettait ces dires en question. Au fond, personne ne s'y intéressait.

Il y avait un sale temps prévu pour mercredi. Des trombes d'eau. Le retour d'une grande vague de froid avant le printemps. La dernière. Ce soir-là, il faisait étonnamment doux pour la saison. Le ciel était bien dégagé.

Voilà, voilà.

Dorian réprima un soupir. Du bout de son pied, il jouait avec le gravier. Catherine entretenait la conversation toute seule, comme toujours. C'était comme si elle avait peur du silence. Comme si elle le redoutait. Mais lorsque Sarah ressortit finalement de la maison avec sa valise enfin complète à la main, elle sembla aussi soulagée que Dorian de pouvoir mettre fin à leur tête-à-tête.

« Bien... On se revoit le mois prochain, dans ce cas, dit-elle en ouvrant la portière de sa petite voiture rouge. »

Dorian esquissa un mouvement en direction de Sarah, mais abandonna l'idée de lui embrasser la joue en voyant l'adolescente enfoncer ses écouteurs dans ses oreilles. Tout en s'installant à sa place, les pieds sur le tableau de bord, elle adressa un salut vulcain à son père et, avec un visage parfaitement impassible, elle prononça les mots « longue vie et prospérité » avant de plonger son nez dans son téléphone portable. Catherine, à son tour, sembla peser le pour et le contre à l'instant où elle se retrouva nez à nez avec son ex-mari, mais renonça finalement à lui faire la bise. Ils n'étaient pas amis, après tout.

Elle lui tourna le dos, rejeta ses longs cheveux noirs d'un coup de menton sur son épaule mais, alors qu'elle s'apprêtait à monter dans sa voiture, elle s'immobilisa soudain. Ses dents se mirent à mordiller sa lèvre, sans prêter attention à l'état de son rouge-à-lèvres, puis elle redressa brusquement le dos.

« Dorian, je peux te parler cinq minutes ? J'arrive, Sarah. »

La jeune fille hocha vaguement la tête à l'instant où sa mère claqua la portière de la voiture et s'éloigna de quelques pas. Dorian la suivit en silence, docilement, les mains dans les poches de son pantalon, et ses yeux se rivèrent sur ses lèvres rouges dès qu'elle lui fit à nouveau face. Il avait toujours adoré ses lèvres. Elles étaient parfaitement dessinées, pulpeuses. Il se souvenait qu'elles avaient toujours un goût sucré, fruité, comme le parfum qui imprégnait ses vêtements, son corps et ses cheveux. Elle sentait la fraise. Simon, lui, sentait la pêche. La pêche et la menthe. Jamais la fraise.

« Ça a l'air d'être un chouette quartier, murmurèrent ses lèvres rouges. C'est joli... calme. Et tu as l'air bien mieux installé que dans ton ancien immeuble rongé par l'humidité. Sarah a l'air contente, elle aussi. Elle ne l'admettra jamais, bien entendu – tu sais qu'elle a hérité de ton sale caractère.

– Ouais, j'ai eu l'occasion de m'en apercevoir.

– Plus elle grandit et plus... »

Ses dents recommencèrent à torturer sa lèvre. Elle avait les incisives un peu écartées l'une de l'autre. Dorian se souvenait qu'à un certain moment de sa vie, il avait trouvé ce détail adorable. Maintenant, il voyait deux dents écartées, et il ressentit comme un creux dans la poitrine. Celles de Simon étaient carrées et droites, légèrement plus longues qu'elles ne le devraient, mais... C'était un détail adorable, quelque part.

SEX'ED  [FRENCH]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant