Interclasse n°16

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Il y avait des fleurs sur la table, et une odeur de viande et de sauce dans l'air. Béatrice avait abandonné son invité au salon en joignant ses petites mains sur son ventre et s'était éclipsée dans la cuisine en entraînant son fils avec elle (il avait tout juste eu le temps d'adresser un sourire désolé à Dorian avant de disparaître), sous le regard presque suppliant de son mari Christophe. Il se tenait debout devant le canapé en compagnie d'un autre homme sensiblement du même âge, dont une calvitie découvrait le sommet du crâne, perçant ses fines mèches rousses. De temps à autres, les deux hommes jetaient un regard perplexe au nouveau venu, puis bafouillaient quelques banalités pour relancer la conversation sans lui.

Monsieur Cohen ne semblait pas désirer prêter une quelconque attention à leur débat météorologique, balayant la pièce d'un regard curieux. Le meuble télé prenait la totalité d'un mur, portant sur ses nombreuses étagères des rangées de livres plus épais les uns que les autres. Des collections entières d'encyclopédie, de livres d'Histoire, ou des écrits philosophiques. Sur la dernière étagère, il trouva des piles de disques parfaitement organisées. Chopin, Bach, Mozart... Et du jazz. Il avait horreur du jazz.

Lorsqu'il redressa le dos et continua sa petite ronde dans le salon, il sentit les regards des deux autres hommes le suivre. Il s'arrêtait à présent devant les cadres en bois accrochés au mur. Des enfants. Un garçon et une fille. Ils souriaient sur toutes les photographies, exhibant leurs dents blanches, leurs yeux brillants et leurs petites joues roses. De temps à autres, ils étaient rejoints par un autre sourire, ou deux, et il reconnaissait les visages légèrement moins marqués par le temps de Christophe et Béatrice.

Quelle petite famille parfaite. Malgré lui, Dorian sentit un sourire sans joie étirer ses lèvres. Combien de photos avait-il de Sarah, lorsqu'elle était encore cette fillette à la natte brune qui courrait vers lui lorsqu'il rentrait du travail chaque soir ? C'était avant qu'elle perde, elle, la petite étincelle de bonheur qu'il voyait dans les yeux des enfants sur chacune des photographies qui l'entouraient. Avant qu'elle se mette à dire qu'elle n'avait pas de père. Qu'elle n'en avait jamais eu.

Un petit raclement de gorge, dans son dos, le tira brusquement de ses pensées. Lorsqu'il fit volte-face, il se retrouva nez à nez avec un petit nez couvert de taches de rousseur. Les lèvres qu'il surmontait s'étendirent en un sourire enthousiaste dès qu'il posa ses yeux sur elles :

« Bonjour monsieur Cohen ! C'est chouette que vous soyez là ! »

Au-dessus de l'épaule de la jeune fille rousse, Dorian perçut un mouvement dans l'encadrement de la porte, mais n'y trouva que le visage légèrement pâle de Simon et ses yeux verts rivés sur eux, les bras chargés d'assiettes et de couverts. D'un mouvement presque robotique, il passa à leur hauteur pour déposer le tout sur la table ; Dorian n'était pas sûr que quelqu'un d'autre que lui l'ait remarqué, mais les mains du garçon tremblaient. C'était particulièrement visible lorsqu'il touchait les verres et qu'ils se mettaient à s'entrechoquer comme des castagnettes. Peut-être commençait-il à regretter d'avoir forcé Dorian à mettre les pieds chez lui. C'était vrai que c'était une chose étrange de le voir, lui, planté au beau milieu de son salon. Son amant. Les joues de Simon chauffèrent légèrement à cette pensée, mais il secoua imperceptiblement la tête comme pour s'aider à chasser ce fait de son esprit.

« Mais... Simon ? Qu'est-ce que tu fais ? »

Simon réprima un sursaut lorsque la voix de Lola résonna à nouveau à ses oreilles. Il pouvait physiquement sentir le regard de Dorian planté sur sa nuque, mais il ne se risqua pas à le regarder une seule fois dans les yeux. Au lieu de ça, il leva le nez vers Lola, une fourchette à la main.

SEX'ED  [FRENCH]Where stories live. Discover now