Chapitre 3 : Le Boulet du Bal

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Monsieur Damor était littéralement vert. Isabelle avait peur que son estomac ne se révulse avant de pouvoir répondre à ses questions, aussi Monsieur Justin décida-t-il d'accélérer les choses : pistolet rutilant au poing, il le pointa sur le pied de leur prisonnier, dont le cri indubitablement viril lui fit hausser un sourcil. Comme un homme de sa carrure pouvait-il produire des sons aussi aigus ?

-Si vous ne parlez pas maintenant, monsieur Damor, vous pouvez dire au revoir à votre orteil.

-Non ! beugla-t-il, les larmes aux yeux. Arrêtez !

-Si vous continuez à hurler telle une fillette, lança Isabelle, je coupe la corde.

-Par pitié ! Je n'ai pas la recette !

-Vous mentez.

Le ton calme de monsieur Justin fut suivi d'une déflagration, emportée aussitôt par le vent. Son cri de douleur, lui, mit un peu plus de temps à décroitre. D'un autre côté, son orteil venait de choir sur la place en contrebas, des dizaines de mètres plus bas.

-Silence ! rugit la Marquise.

-Haaaa !

Comme il ne se taisait pas, elle craqua. D'un coup de lame, elle trancha la corde tendue à l'extrême. Les yeux écarquillés, il cessa de hurler en se sentant partir en arrière, stupéfait qu'elle ait réellement fait cela... Puis il chuta.

-Allez vous faire fou...

Son chant du cygne fut stoppé net par la main du majordome sur sa cheville. Le retenant dans sa chute, il le laissa rebondir sur la toile de l'aéronef. Un silence, puis des halètements affolés indiquèrent qu'il n'avait pas perdu connaissance. Monsieur Justin le releva donc par son extrémité, suspendu au-dessus du vide. Les yeux exorbités, il semblait au bord de l'apoplexie.

-Monsieur Damor, fit calmement Isabelle en faisant tourner son poignard dans sa main. Vous commencez à m'énerver.

-Je ne sais rien ! Je n'y suis pour rien ! On savait tous que vous mettiez une nouvelle recette au point, mais nous ne savons pas ce que c'est !

-Est-ce la raison pour laquelle vos hommes ont forcé les portes de mon manoir ? Pour dérober nos trouvailles et attaquer mon frère ?

-Je ne ferais jamais ça ! Vous avez déjà coupé un doigt à mon fils, pourquoi je vous provoquerai une nouvelle fois !?

Elle prit le temps d'une courte réflexion.

-Pour l'argent et la vengeance ?

-Jamais ! Je tiens trop à la vie, mademoiselle d'Isria, alors pitié, reposez-moi !

Le bras tendu de son majordome ne fléchissant pas, elle n'éprouva pas le besoin d'écourter les choses.

-Dans ce cas, qui ?

-Colmant ! Colmant était très intéressé par vos trouvailles ! Il est fou d'armes ! Un collectionneur ! Vous devriez creuser dans sa direction !

Colmant... Quelle délicieuse surprise...

-Monsieur Justin, nous avons un bal à préparer, déclara-t-elle en remballant sa dague.

*

De retour à la maison, Isabelle se précipita dans sa chambre pour s'enrouler dans une couverture et se jeter, presque littéralement, devant le feu. Bon sang, qu'il faisait froid, à Paris ! L'usage du décolleté était d'une efficacité redoutable, mais à double tranchant ! Elle avait les seins glacés !

La Marquise SanglanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant