La Marquise Sanglante

Chapitre 10 : Manipulation sous Tension

Entrer dans un nid de vampires était, fondamentalement, une très mauvaise idée. Plus encore lorsque vous vous retrouviez pris dans une histoire de guerre où vos armes aidaient l'ennemi à les tuer.

Pour l'occasion, Isabelle avait refusé de changer de tenue. En robe elle était, en robe elle resterait. Nul besoin d'un pantalon, symbole même d'une envie de fuite face à ces rats des souterrains.

Droite dans le vestibule de ses prédateurs naturels, la Marquise Sanglante avisa le bois sombre composant cette entrée. Des têtes d'animaux morts ornaient les murs, des fusils et des couteaux de chasses complétaient cet ensemble somme toute morbide. À cette heure, toutes les tentures étaient tirées, occultant tout à fait la lumière.

Les vampires ne craignaient pas réellement l'astre du jour, surtout à Paris avec ses nuages constants, mais ils ne l'aimaient pas non plus. Leur rétine, plus fragile que celle des humains, s'irritait à toute vitesse. Il y avait un nombre incalculable de myopes chez les suceurs de sang.

Monsieur Justin, exposé depuis sa plus tendre enfance, allait plutôt bien de ce côté-là. D'ailleurs, il marmonnait qu'ils auraient pu allumer plus de lampes à pétrole, ces avares. Un majordome arriva, pour nous conduire au maitre de maison.

Avec ses lunettes rondes pincées sur son nez et ses cheveux gominés, il illustrait la beauté froide des scientifiques un peu fous. Par contre, s'il était fou d'hémoglobine, il n'était pas du tout scientifique.

-Mademoiselle d'Isria, fit-il avec la chaleur d'un iceberg. Monsieur Justin. Puis-je connaitre la raison de votre présence ici ?

-Une affaire très intéressante, monsieur de Pursang. Si je puis dire. D'après des sources de confiance, vous seriez en conflit avec les Combattants de la Pureté.

Le livre dans sa main claqua quand il le referma, tout en l'observant par-dessus ses lunettes.

-Droit au but, comme toujours, Marquise. Dans ce cas, je vais adopter le rythme de votre danse. Est-ce vous qui armez ces individus ?

Les mains sur les hanches, elle émit un bruit méprisant. Le Maitre de maison fronça le nez et, elle le savait, monsieur Justin avait dû se tendre, prêt à intervenir.

-Êtes- vous stupide ? Ils en veulent à tous les êtres paranormaux. Ma famille au complet entre dans cette catégorie. Plus encore depuis que mon frère a été transformé en suceur de sang...

Un tic agita la joue de monsieur le vampire. Le sourire mauvais d'Isabelle s'élargit.

-Vous connaissez Armand, n'est-ce pas ? Un chimiste brillant, doublé d'un ingénieur hors pair. Il imagine nos armes depuis près de six ans, maintenant.

-Oui, j'ai entendu parler de votre frère. Malheureusement, je ne le savais du côté de la nuit...

La jeune femme s'assit dans l'un des fauteuils, tout à fait à son aise. Son hôte, lui, était tendu comme une corde d'arc.

-Voyez-vous, cela est récent, et était fortement involontaire. Il a été attaqué par l'un des vôtres, qui a décidé de le transformer.

Le regard de monsieur de Pursang passa d'elle à monsieur Justin, comme s'il cherchait une confirmation à cette histoire.

-Où voulez-vous en venir, Marquise ? fit-il avec sècheresse.