chapitre 5 : Je suis un Jin, Tu es une Song (partie 3)

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  La nuit était profonde, mais le ciel étoilé venait éclairer de sa douce lumière bleutée le visage de Khalia. Le regard au loin sur l'ombre des cimes, son esprit plongea peu à peu vers les profondeurs de sa détresse. En l'espace de quelques jours, elle avait tout perdu : sa famille, son amour, ses repères et son identité.

Elle se remémora cette nuit tragique, ou elle découvrit ce charnier. Pourquoi était-elle toujours en vie ? C'était injuste, tant d'hommes et de femmes morts à cause d'elle. Une vague de culpabilité en serra son cœur meurtri.

Et, elle le revit, allongé sur les pavés, sa respiration haletante et le torse ensanglanté. Un poids immense se logea dans sa poitrine. Le souffle court, elle remonta ses genoux sous son menton. Une brise s'engouffra dans sa chevelure ébène, un frisson lui parcourut l'échine, elle resserra sur son torse la peau de loup qu'elle avait traité dans la matinée.

La tête entre ses bras, les résistances qu'elle avait entretenues depuis sa fuite se brisèrent une à une. Le sang-froid dont elle avait dû faire preuve pour rester en vie s'évapora comme la dernière goutte de thé dans la coupelle.

Peu à peu, ses défenses s'effritèrent pour faire apparaître une femme dévastée. Le ventre noué, le souffle, une boule se forma dans sa gorge.

Toujours plus d'images lui vinrent en tête : Hu Wei, ses mains sur son visage, son premier et dernier " je t'aime". Puis, son père la regardant avec bienveillance et regret, elle repensa à son discours énigmatique et les consignes à retrouver son frère avant qu'il n'expire son dernier souffle.

Anéantie, aspirée par le gouffre du désespoir, elle poussa un hurlement déchirant le calme environnant.

Des larmes vinrent lui troubler la vue. La peine qu'elle éprouva lui déforma le visage. La colère qu'elle ressentit à ce moment lui provoqua une décharge électrique. Pourquoi eux ? Elle se redressa, les poings serrés, elle frappa le rocher sur lequel elle était assise quelques minutes plus tôt. Sa main se brisa sous la force de l'impact, mais face à son chagrin elle ne pouvait ressentir la douleur physique.

Khalia se laissa choir sur le sol. Les genoux sur l'herbe tendre, elle posa sa main valide et son front sur le roc laissant ses larmes se fondre avec la pierre.

Alerté par le cri strident de Khalia, Xiaokan se réveilla en sursaut. Armes en main, il sortit de la tente en toute hâte. Debout devant le feu de camp, il resta interdit devant la jeune femme. L'empathie l'envahi. Il fit un pas avant, mais il s'arrêta net, son arme tomba sur le sol. Se mordant la lèvre inférieure, il resta figé. Des perles d'eau salée s'écoulèrent sur ses joues. Il ne savait pas ce que cette jeune femme avait pu endurer, mais il ressentait toute la peine et son malheur. Il ferma les yeux et ramassa son sabre avant de repartir vers la tente.

Installé sur la couche, les mains derrière la tête, il observa les fibres du tissu de son abri. Il poussa un long et profond soupir et essaya de s'endormir. Mais son inconscient montrait une jeune femme brisée et dévastée. Loin de cette image forte et paisible qu'elle avait véhiculée toute la journée durant.

C'était seulement après de longues minutes que le sommeil l'enleva au monde réel.

Les heures s'écoulèrent à mesure que les pleurs de khalia s'amoindrirent. Elle alla quérir dans son sac de soins onguent et bandages pour soigner la main qu'elle avait stupidement brisé. Ses yeux gonflés et rougis par le chagrin se portèrent sur sa main.

— Je fais vraiment des choses idiotes.

Stella voyant sa maîtresse aussi bouleversée s'en alla vers elle.

— Et oui ma chère Khalia, tu fais des choses stupides. Tu pensais vraiment qu'un combat entre un rocher et ta main serait équitable, lui murmura le cheval.

Le fait d'entendre parler sa jument, Khalia en déduisit que cette manifestations aussi soudaine qu'étrange était due à son Seidr. Bien que, pas totalement habituée à ce phénomène, elle appréciait la compagnie physique de sa monture qui souffla dans ses cheveux. Et de converser avec la rassura. Elle était son seul lien vivant entre sa vie passée et son futur.

Désormais seule, son regard se porta au loin dans l'espoir de jour meilleur. Mais encore tant de questions sur son compte demeuraient. Qui et pourquoi veut-on la tuer? Qui était-elle réellement ? Elle était convaincue que l'Ermite Yang Wei apporterait certaines réponses à ses questions.

Son dernier tour de Jing arriva enfin, la lune brillait intensément dans le ciel.

D'un pas lent et lourd elle marcha jusqu'à l'abri. Elle souleva délicatement les panneaux de la tente.

Elle sourit de voir de ce guerrier ainsi assoupi. Elle songea : "il est bien plus agréable endormi qu'éveiller. Ce n'est pas le pseudo démon impétueux que j'ai pu avoir toute la journée".

Assise près de lui, elle lui frôla la joue d'une tendre caresse et lui dit doucement :

—Messire Xiaokan, c'est l'heure de votre veille !

En guise de réponse, elle eut droit à un monumental grognement. Un ours des cavernes n'aurait pas mieux fait, pensa-t-elle.

La main toujours sur son visage, elle l'effleura de nouveau. Lorsqu'il lui saisit le poignet et la bascula sur le dos. Les yeux grand ouvert, khalia le fixa avec insistance. De sa voix grave et chaude, il lui répondit le sourire aux lèvres :

—Bonne nuit ma jolie !

Il déposa un baiser sur sa main valide avant de quitter la tente.

Surprise Khalia se redressa et regarda son ombre projetée par les flammes du foyer.

Sceptique, la jeune se posa encore plus de questions qu'avant. Voilà que le Jin se montrait aimable, voir très charmant avec elle.

Fait très curieux, et se dit en son for intérieur que cela cachait certainement quelque chose.

Sur cette note de doute, ses paupières s'alourdirent. Le surplus d'émotion de la soirée l'avait plongé dans une fatigue extrême. Il lui fallut très peu de temps avant qu'elle ne quittât ce monde pour celui de la paix intérieure.  

Seiðkona ( En Réécriture et publication lente)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant