Chapitre 27 - Zacharie & Lhortie (Partie 3)

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Zacharie garda les lèvres closes ; ses mots se bousculaient pour ne pas quitter sa bouche

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Zacharie garda les lèvres closes ; ses mots se bousculaient pour ne pas quitter sa bouche. Les aveux du lieutenant comblaient la vacuité des discours qu'on lui avait servis jusque-là : ceux du blondinet, ceux de son acolyte à la peau rigide ou même ceux des troupiers dont les comportements fuyants, parfois agressifs, ne facilitaient pas les choses. Seule cette Alice avait su balayer l'idée qu'on ne le vendrait pas au plus offrant, qu'il ne servirait pas d'esclave, qu'il était bien leur protégé et non leur prisonnier. Désormais, il en était convaincu, la soldate ferait tout pour les maintenir en vie - lui et tous les autres -, car il devinait ce qui l'animait vraiment. Il savait qu'elle garderait les yeux ancrés sur l'horizon jusqu'à son dernier souffle, que plier le genou lui était impossible. Il comprenait sa soif de défendre à tout prix ceux qui, sans son soutien, risquaient de souffrir mille maux.

Zacharie avait lui-même connu cet oppressant devoir qu'il avait d'abord considéré comme insurmontable. En élevant sa sœur loin des traditions et des dieux, en devenant un paria, un Vogueur maudit, un homme sans âge, il avait appris à s'y accommoder. Longtemps, il s'était demandé s'il oserait mentir, trahir, tuer pour elle ; quand l'occasion s'était présentée, pour elle - seulement pour elle -, il avait osé toutes ces choses improbables. Zacharie avait pris la place de leur père. Il avait accompagné Alinéor jusqu'à ses premiers mots, jusqu'à ses premiers pas. Il lui avait appris à manier l'épée, à se tenir bien droite, à fuir devant le danger. Et depuis qu'il avait passé tous ces moments à s'occuper d'un être vulnérable, à le nourrir de fruits et d'expériences, à le choyer, il reconnaissait la valeur et la force qu'insufflaient les enfants à ceux qui partageaient leur cœur. L'innocence poussait quiconque la préservait à déplacer des montagnes, à devenir adulte et à se surpasser.

« J'avais seize ans... » murmura soudain Alice, avant de se taire.

Elle s'était installée à proximité. Désormais, tous les deux se tenaient sur un pied d'égalité. Un vent chaud chatouillait leurs nuques dénudées et froissait leurs vêtements. La jeune femme sonda des yeux ses souvenirs, se frotta la mâchoire, puis s'étira le cou d'un roulement de tête pour que circulent les mots qu'elle s'apprêtait à prononcer ; son histoire, elle ne devait pas la raconter souvent.

« J'avais seize ans... quand je suis tombée enceinte.

— Pourquoi un ton si grave ? C'est l'âge idéal, non ? »

Un rictus amer se dessina sur le visage d'Alice.

« Là d'où je viens, on ne voit pas ça sous cet angle. Afficher ses désirs quand on est si jeune, et d'autant plus une femme, c'est risquer d'être considérée par la société, comme une... une fille facile - pour rester polie. »

L'autre n'était pas sûr de capter la nuance.

« Une fille facile ?

— C'est une fille qui... qui accepte les avances trop facilement.

— D'accord », écourta Zacharie qui ne voyait pas ce qu'il y avait de mal à ça.

Puis, il se gratta la tête en ajoutant :

DAEHRAWhere stories live. Discover now