sept

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Dès son réveil, Yoongi but la moitié de la bouteille que Jungkook lui avait offert, et il se sentit immédiatement mieux – dans le sens où son nez cessa de perdre du sang et où il sentit que ça n'était plus tant liquide que ça à l'intérieur de sa cage thoracique.

Le manque de sommeil, de nourriture et de formol l'avait tant affaibli qu'il passa la première partie de la journée au lit, à comater. Linder était partie dès qu'elle lui avait remis la bouteille, et Simon n'était apparemment pas rentré la veille au soir.

Vers midi, profitant de cette solitude et de ce calme rare, il sortit ses cartes – pas n'importe quelles cartes, les siennes, celles qu'il ne quittait jamais – et les étala sur sa couverture par dessus ses genoux. Leur dos était orné d'un motif complexe, en vert et rouge sur fond noir, et elles étaient plus grandes que la moyenne. Elles avaient un effet exutoire sur le zombie : chaque fois qu'il se sentait mal, nerveux, ou confus (là, en l'occurrence, c'était tout à la fois), il aimait les sortir, les mélanger, les trier, puis recommencer jusqu'à ce que ses doigts soient totalement déverrouillés et connaissent par coeur chaque angle et chaque aspérités dans chacune d'elle. Quand il était vraiment en stress, il faisait un jeu tout seul, une bataille ou un solitaire – parfois même il se prenait pour un diseur de bonne aventure et se tirait des cartes en pensant des trucs comme « la prochaine carte définira comment sera la journée de demain » ; « est-ce que je devrais aller prendre une douche ? » ou encore « quand-est-ce que je rencontrerai mon âme sœur ? ».

Le zombie trouva que c'était une bonne idée, au vu du flou qui englobait toute la situation actuelle, de jouer à ce petit jeu qui, au final, ne lui faisait voir que ce qu'il avait envie. Il appréciait particulièrement le fait que n'importe quelle carte pouvait bien sortir, il pouvait bien en dire ce qu'il voulait.

Décidé et impatient, il mélangea les cartes deux ou trois fois, les doigts encore un peu lourd de fatigue, puis sépara le tas en deux.

La tête de Simon apparut par dessus le paravent à ce moment là, un air interrogatif sur le visage (je sais que c'est difficile à s'imaginer mais faites un effort). Yoongi décida que, puisqu'il était là, il n'aurait qu'à lui montrer ses talents de voyant. Le squelette le rejoignit sur son matelas.

« Qui est Jeon Jungkook ? » demanda le zombie d'un air dramatique à quelque entité qui voudrait bien l'entendre.

Il prononça deux ou trois incantations de son invention puis, sans plus de cérémonie, tira l'une des deux premières cartes.

Le deux de pic sortit.

« Mh. Prévisible... », marmonna-t-il en se frottant le menton, prenant des allures de vieux sage.

Puis, passant une main au dessus de la carte, il expliqua :

« Le deux de pic ne peut évidemment que représenter sa nature de vampire. Une couleur noire pour le symbolisme, un signe qui représente deux canines pointues pour ce qui est du figuralisme. »

Et Simon applaudit, impressionné. Yoongi la jouait sûr de lui, mais en vérité il n'en menait pas large. La pièce était très mal éclairée, le silence à peine troublé par le son étouffé des musiques du Casino au dessus d'eux et la première carte avait donné un résultat si probant qu'il douta un instant de sa nature de charlatant.

Lentement, il retourna la deuxième carte.

C'était l'as de coeur.

Seulement, pas n'importe lequel. Celui du tournoi de la veille. Le vrai, l'original, celui qui avait donné la victoire à Jungkook. Le zombie lâcha la carte comme si elle l'avait brûlé, le coeur battant à cent à l'heure. Il avait pourtant tiré une de ses cartes, il s'était vu poser la main sur un dos rouge, vert et noir.

CADAVRES ft. sukookWhere stories live. Discover now