À NOS ÂMES

CHAPITRE IV

Lorsque les deux garçons furent sortis du cottage, la brise hivernale les fit trembler. La pluie du matin s'était arrêtée, pourtant l'air était toujours aussi chargé.

Ethan, comme à son habitude trottinait joyeusement près de l'eau, pendant que Noah, quelque mètre plus loin l'observait, cigarette à la main.

Enfant, Noah n'avait jamais pu être aussi insouciant, ses parents ne lui laissaient guère le temps de vivre une enfance normale. Il devait être sage, poli, intelligent et toujours muet. Noah n'avait pas vécu dans la misère, loin de là. Il venait d'une famille aisée et n'avait, en surface, jamais manqué de rien. Fils unique, lui et ses parents ressemblés à la parfaite petite famille. Grande maison, comptes-en banque rempli, éducation parfaite et en bonus, un petit labrador, aussi sage que l'était Noah.

Mais cela n'était qu'une façade. Ce n'était en rien la famille parfaite, bien au contraire. Son père, grand entrepreneur, était le cliché même de l'homme riche. Arrogant, sûr de lui, toujours en costume trois pièce et bien évidemment, la relation avec sa secrétaire était purement professionnelle. Notez l'ironie.

Sa mère, elle, n'avait rien, pas de métier, peu d'amie et plus aucune famille. Bonne petite femme qui s'occupait de son mari et de ses enfants. Elle n'en était rien. Elle aussi faisait partie des stéréotypes bien ancrés dans cette société bancale. Jamais à la maison, elle passait ses journées à dépenser les sous de son mari. Les ongles, les cheveux, les vêtements, tout était dans l'apparence, il fallait être propre, et ne surtout pas faire honte à son mari. La relation que ce dernier entretenait avec sa secrétaire n'était pas inconnu au yeux de la mère de Noah. Mais n'ayant aucun métier et aucune propriété, elle faisait comme si elle ne savait pas.

Noah, quant à lui était né afin de parfaire cette image de petite famille parfaite. Ni la mère de Noah ni le père n'avait réellement désiré cet enfant. Ils n'étaient pas disposés à aimer une autre personne que la leur. Voilà ce qui avait manqué à Noah, de l'amour. Petit, il ne se plaignait pas, et faisait tout pour rendre fier ses parents et gagner peut-être par la même occasion en semblant d'amour.

Mais rien n'y faisait. Toujours invincible aux yeux de ces derniers, il avait petit à petit sombrer dans une profonde solitude. A son entrée au collège, Noah avait fait la connaissance de Zachary. Un petit garçon rondelet, venant d'une famille de classe moyenne, et ne respectant pas forcément le règlement. Leur rencontre avait mené le naïf Noah, à s'interroger sur la vie qu'il menait. Et pendant des années Noah avait passé ses journées, ses soirées et ses vacances en compagnie de Zach et de sa famille. Il restait toujours le petit garçon bien élevé de la famille St-Claire, mais lorsqu'il était loin de chez lui, Noah était libre et ne se gênait pas pour en profiter. Zachary n'avait pas été une mauvaise influence, bien au contraire. Il avait sauvé le jeune homme plus d'une fois. Au collège en le sortant de sa solitude, au lycée, lorsque ses parents invitaient des amis ou encore lorsque des filles s'intéressait au jeune homme, et que ce dernier ne savait pas comment réagir.

Zachary avait fait découvrir la musique, la vraie musique à Noah. Et petit à petit, ce dernier en était tombé amoureux. Alors, grâce aux sous de sa famille, il avait acheté en cachette une guitare, qui pour plus de sécurité restait chez son ami. Pendant toute sa scolarité, il avait appris à l'aide de Zach, la guitare.

La famille de son ami, étant des musiciens de longue date, participait énormément à l'apprentissage de Noah, et l'aimaient, comme s'il était leur fils. Il avait trouvé un certain équilibre qu'il avait tant espérer pouvoir garder.

Cependant, ce qu'il ne savait pas encore, c'est les décisions qu'avait prit son père à son insu. Car même s'il avait accepté de laisser son fils côtoyer secrètement la classe moyenne, il ne permettrait pas à son fils de foutre sa vie en l'air.