Tome 2- Chapitre 6

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Lune d'Aurore se réveilla en sursaut. Un horrible mal de tête lui tambourinait le crâne et une peur profonde lui prit les tripes sans qu'elle sache réellement pourquoi. Elle avait fait un rêve affreux, mais elle ne se rappelait plus de quoi il s'agissait.
Soudain, la lumière se fit dans sa tête: elle avait songé que Sang l'avait enlevée, aidé par Aile d'Ébène. Elle se souvenait même du faciès grimaçant de son ennemi et du regard coupable et désolé d'Aile d'Ébène.
Heureusement que cela n'avait été qu'un rêve, se dit-elle en se levant.
Mais quelque chose l'empêchait de se mettre sur pattes. Intriguée, elle regarda ce dont il s'agissait... et poussa un miaulement de surprise mêlée de peur.
Une corde de lierre la retenait prisonnière à une couche de mousse, certes confortable, mais trop humide. Elle regarda autour d'elle, paniquée. Elle se trouvait dans une caverne sombre aux plafonds hauts. Autour d'elle, elle put sentir l'odeur de la pierre millénaire et entendre les gouttes d'eau qui tombaient une à une des stalactites pointues sur les voûtes. En tombant dans les mares qui se formaient sur le sol irrégulier, elles formaient une jolie cacophonie presque apaisante.
Mais la lieutenante n'en fut point apaisée, au contraire. En continuant de scruter ses alentours, elle n'apercevait aucune sortie, aucune lumière, sauf celle qui émanait d'étranges pierres fluorescentes qui parsemaient les murs de roc.
Elle fut frappée par une évidence: non seulement son cauchemar n'en était pas un, mais Sang et Aile d'Ébène l'avait traînée jusqu'à une caverne inconnue et apparemment abandonnée là.
Ses proches devaient être morts d'inquiétude à cette heure, même si elle ne savait pas combien de temps elle avait pu rester dans les vapes.
Son ventre se mit à gronder, et la guerrière réalisa qu'elle était affamée; elle n'avait pas mangé depuis plus d'un soleil et demi. Au retour de la bataille, elle avait partagé un écureuil maigrelet avec sa soeur, mais elle s'était complètement oubliée depuis, laissant les proies aux reines, anciens et chatons.
Maintenant, elle le regrettait. Elle allait mourir de faim là si elle ne faisait rien. Même les flaques d'eau minérales étaient trop loin pour que si elle ne se libérait pas de ses liens, elle bût à leur source.
Alors qu'elle commençait à ronger maladroitement le lierre qui enserrait sa patte gauche, elle entendit un bruit, qui se répercuta à l'infini sur les murs épais de la grotte.
Le son provenait de derrière l'un des stalagmites qui poussait tel un croc géant sur le sol.
Plissant les yeux, la jeune chatte aurait juré avoir entrevu une silhouette à demi translucide passer devant son regard. Elle resta aux aguets plusieurs minutes, ses oreilles se mouvant de droite à gauche afin de percevoir le moindre bruit pouvant indiquer la présence d'un quelconque félin.
Ne détectant rien, elle pensa que la faim et l'affreux mal de tête qui lui martelait le crâne lui donnaient des hallucinations. Elle continua à ronger et se libéra finalement la patte antérieure gauche, puis la droite.
Le plus compliqué, cependant, restait à faire: elle devait se libérer des tiges qui liaient son dos et ses pattes arrières.
Elle se contorsionna pendant plusieurs minutes, ses grognements résonnant dans le silence quasi-absolu de la grotte, seulement percé par le bruit de l'eau qui s'égouttait des stalactites millénaires.
Enfin, après des acrobaties dont elle ne se croyait même pas capable, elle put faire céder les plantes coriaces qui entravaient ses mouvements.
Lune d'Aurore se leva et s'ébroua, les muscles endoloris et le bout de la queue engourdi. Elle se sentit étourdie un instant, sans doute à cause de la faim qui lui creusait le ventre, mais tout semblait bien fonctionner chez elle. Mis à part, peut-être, de l'énorme bosse sur sa tête, qui provenait du coup que Sang lui avait asséné.
La jeune lieutenante sentit la tristesse l'envahir en se souvenant du terrible instant où elle avait appris la trahison d'Aile d'Ébène. Cependant, elle se ressaisit bien vite: il fallait qu'elle sorte de là, et vite. Ses camarades devaient la rechercher et terriblement s'inquiéter, d'autant plus qu'ils avaient pu subir une attaque durant le temps où elle s'était évanouie. En effet, vraisemblablement, Sang savait très bien où se trouvait leur campement et devait avoir prévenu les autres. D'autant plus qu'Aile d'Ébène devait lui avoir détaillé le plan des quatre clans.
Convaincue qu'ils étaient tous en danger immédiat, la chatte se mit à courir à travers la forêt de pierre que constituaient les stalagmites et les mares d'eau minérale, parfois si profondes qu'on ne pouvait en voir le fond dans la semi-obscurité environnante.
Soudain, un rire froid, provenant d'elle ne savait où, se répercuta sur les parois rocheuses, lui donnant l'impression qu'il provenait de partout et de nulle part à la fois. Cela stoppa net sa course, et elle s'immobilisa, pétrifiée par la peur. 
La voix continua de ricaner, semblant s'amuser encore plus de son air à la fois confus et apeuré.
- Alors, c'est toi... L'Élue de ce prétendu Clan des Étoiles...
Cette voix glaçante, qui crissait dans le silence harmonieux du lieu paisible comme une griffe sur la pierre, semblait masculine et particulièrement moqueuse. Cette fois elle n'avait pas parlé très fort, semblait lui susurrer d'un ton mielleux ces paroles à l'oreille, mais lorsqu'elle se retourna vivement, il n'y avait personne. Une seconde, elle semblait à une respiration de la lieutenante, l'autre derrière un banc de stalagmites, puis au-dessus d'elle, ou encore à gauche.
À présent terrifiée, le rire résonnant toujours en boucle sur les parois, semblant se déplacer à une vitesse extraordinaire et l'encerclant, Lune d'Aurore ne cessait de regarder autour d'elle, sans résultat.
Une fois, elle aperçut l'éclat d'un pelage argenté, la pointe touffue d'une oreille et l'iris ambrée d'un oeil cruel. Mais elle cligna des yeux un instant, et la vision était partie. Cela s'était passé si vite qu'elle crut avoir rêvé, certaine d'être victime de sa propre paranoïa.
Soudain, il était là, devant elle, un lynx intimidant et à l'air sadique. Il mesurait au moins une longueur de queue de plus qu'elle, et une seule de ses pattes aussi épaisses qu'un tronc de bouleau aurait pu lui fracturer l'échine.
Elle frissonna et déglutit difficilement tout en essayant de regarder son visage sans avoir à trop lever la tête. Elle voulut s'enfuir, détaler, mais ses pattes semblaient scellées au sol et ses muscles tétanisés.
L'autre l'observa d'un air moqueur tandis qu'elle tentait de vaincre son immobilité, sachant qu'elle ne pouvait rien y faire. Ses yeux ambrés, au pupilles verticales si minces qu'on aurait dit qu'elles étaient absentes, brillaient d'une joie froide ; il se réjouissait de voir son ascendant sur elle. Ce manège dura plusieurs minutes durant lesquelles tous deux gardèrent le silence, excepté les respirations saccadées de Lune d'Aurore.
Enfin, elle abandonna et s'immobilisa définitivement. Le mâle sourit lentement, dévoilant des crocs luisants, étonnamment blancs, mais surtout très pointus. Il s'allongea élégamment, toujours souriant, les pattes antérieures croisées, devant elle.
- Tu es donc celle qui, supposément, sera notre destruction ou notre bénédiction, la chatte à la beauté comparable à l'aurore. Ma foi, je t'imaginais plus grande, ricana-t-il.
Sa voix, grave et rauque, semblait à la fois résonner et chuchoter dans son oreille.
- Qui es-tu? dit-elle faiblement, le monde commençant à tourner autour d'elle.
Le lynx devant elle sembla soudain déformé et les colonnes de pierre naturelles parurent se courber et onduler lentement.
- Mon petit-neveu ne m'avait pas menti à propos de toi. Tu es aussi belle et petite que tu es courageuse. C'est une qualité que nous honorons chez les lynx.
Lune d'Aurore pouffa. La voix du grand mâle avait sonné aigue et étrangement, elle trouva cela hilarant.
- Tu es défoncée, constata son ennemi, toujours de sa voix aigue. C'est l'un des inconvénients de venir ici, le gaz qui vous fait nous voir a des effets secondaires... dérangeants.
La jeune lieutenante leva la tête, intriguée.
- Qui nous fait "vous" voir? Tu es seul, et je te vois simplement comme je verrais n'importe quel chat.
- Non, infirma le lynx, l'air exaspéré. Vous, les chats, avez votre Pierre de Lune qui vous permet de visiter vos ancêtres, non? Eh bien, les lynx ont eux aussi leur propre lieu sacré. Je suis le grand-oncle de Sang, Cauchemar. Je suis mort dans une bataille sanglante contre les tiens, grogna-t-il en se levant et en s'approchant d'elle, menaçant.
Sa haute silhouette surplomba rapidement la jeune guerrière, qui leva les yeux vers ceux, glacials, de Cauchemar.
- Tu sais, j'avais prédit ton arrivée, commença-t-il, comme j'avais prévu que notre terre viendrait à mourir. Je les ai prévenus, ils ne m'ont pas écouté. J'avais vu que tu viendrais et qu'il faudrait t'utiliser pour soumettre les clans afin de prendre votre territoire. Dès que tu ne nous sera plus utile, il faudra te tuer, car tu pourrais reprendre le contrôle des chats et être notre destruction.
Son arrivée avait été prédite par un lynx sanguinaire mort depuis des lunes? Estomaquée, la pauvre Lune d'Aurore encaissa toute cette nouvelle information. Ainsi, les lynx avaient également un lieu où communiquer avec leurs ancêtres, certes différent du leur, mais tout de même semblable. Plus elle apprenait les coutumes des lynx, plus elle commençait à prendre pitié d'eux. Plus elle trouvait qu'ils ressemblaient aux chats, seulement plus malchanceux. Après tout, n'avait-elle pas pensé exterminer les lynx pour assurer la survie des clans? Elle n'aurait pas hésité à les chasser de leur propre territoire non plus si la situation avait été inversée.
Plus elle apprenait à les connaître, mieux elle les comprenait.
Soudain, autour d'elle, apparurent d'autres guerriers lynx des temps anciens. Leur pelage, au lieu d'être saupoudré d'étoiles comme l'était celui d'un membre du Clan des Étoiles, était trempé de sang rouge foncé, qui formait des motifs sur leur fourrure.
Tout à coup, la caverne sembla bien plus menaçante à Lune d'Aurore qui se recroquevilla sur elle-même. Les ombres parurent s'allonger et ramper vers elle, tandis que les stalactites et les stalagmites devenaient les crocs tranchants d'une gueule qui allait la dévorer et ne plus jamais la laisser partir. Même l'air eut l'air plus épais, comme de la sève de pin. Une odeur de putréfaction se dispersa dans la grotte, si puissante qu'elle lui mit les larmes aux yeux. Elle entendit les rires grinçants de Cauchemar et ses compatriotes, qui l'entouraient, toujours plus proches et plus menaçants.
Puis elle sentit la truffe de Cauchemar lui toucher le front, et elle sombra dans l'inconscience d'une vision.
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Hellooo!
Comment allez-vous? Je suis très contente de ce chapitre, j'y ai beaucoup réfléchi...
Alors, que pensez-vous de Cauchemar? 
Des avis sur les coutumes de nos amis les lynxounets?
Comment Lune d'Aurore va-t-elle se sortir de là?? Parce qu'il faut bien avouer que cette fois, elle est dans la merde solide.
Bref, comme d'habitude, j'adore lire et répondre à vos commentaires:) Dites-moi ce que vous pensez de cette histoire à date, les personnages, etc. Un petit vote est cool aussi:) Bref, je vous remercie infiniment de me lire, et à la prochaine!

La guerre des clans: L'Élue des ÉtoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant