Cœur Frileux

-6-

Quatre horribles et longues journées se sont écoulées depuis le jour où Logan est tombé malade, par ma faute. Heureusement, il a été vite remis sur patte après trois jours de soins intensifs de ma part, et je me suis vite, comme à mon habitude, enfuie. Parce que c'est plus simple que de devoir faire face à tout cela.

Je dois l'avouer, il me manque, et par peur qu'il retombe gravement malade, je ne peux m'empêcher, au fond de moi, d'accepter ce fichu lien.

Je pousse un long soupir avant de prendre mon sac et de partir hors du lycée avec, encore, Logan en tête. Cette abominable sensation reste encrée en moi, mes pensées sont toujours dirigées encore et encore vers lui, même quand je dors. C'est de lui dont je rêve ou de son loup, me sauvant encore de ce camion. C'est horrible d'avoir envie, mais de ne pas pouvoir, horrible de pouvoir, mais de ne pas en avoir envie. C'est fatiguant d'avoir autant de sentiments contradictoires.

Je pousse un énième soupir et passe le portail. Toutefois, je m'arrête en entendant un cri ressemblant vaguement à mon prénom. Les sourcils froncés, je me retourne, intriguée. Ce n'est peut-être que mon imagination, cependant, la curiosité remporte toujours.

Mais que fait-il là ?

Mon instinct me dicte de courir le plus loin possible. Mon cœur me dit de rester, au moins juste pour le contempler quelques secondes. Mon cerveau, lui, me dit d'attendre, pour savoir ce qu'il me veut. Je décide d'obéir à mon instinct, sans pour autant courir. Je me remets en marche, faisant mine de n'avoir rien entendu, rien vu. Priant pour qu'il laisse tomber, mais espérant qu'il me rattrape, avec le sourire aux lèvres.

Perdue dans mes pensées, je n'entends pas le ronronnement d'un moteur et recule de surprise lorsqu'une moto me barre soudainement la route. Logan, comme je l'espérais au fond de moi, me souris et me jette un casque.

Il ne veut quand même pas que je monte ?

Je suis incroyablement curieuse, à tellement point que cela en devient un désir. Je pèse alors le pour et le contre, puis fini par enfiler le casque et chevaucher sa moto. Faussement à contrecœur, j'enlace sa taille de mes bras. Aussitôt installé, qu'il lance la moto à une vitesse incroyable.

J'ai atrocement envie de lui demander où on va, mais je me ravise à la dernière minute. Le vent étant trop fort, mon pull claque contre ma peau, me faisant grimacer. J'essaye donc de me cacher derrière son dos. Le paysage qui défile devant moi est tant incroyable que je viens à me perdre devant cette beauté. C'est étonnant que tout soit aussi beau. Je n'avais pas encore fini de voir la beauté de cette ville, je n'avais encore jamais vu les montagnes cachées derrière les plaines. Pas encore vu les rivières et les lacs, encore moins les forêts, sans compter celle de chez Logan. Tout est si... Beau que ça en devient irréel, magique.

OoO

J'étais curieuse de savoir pourquoi il voulait que je monte, curieuse de savoir où il allait m'emmener, mais sérieusement ? Cette montagne rocheuse ?

J'enlève mon casque, surprise et peu sûre de ma vision. Je l'entends rire de mon expression :

-Ne t'inquiète pas, tu n'auras pas à monter cette montagne.

Alors quoi ? Je vais me téléporter ? Je ne savais pas que j'avais de superpouvoirs. À moins que je puisse voler ? Ce que je ne crois pas. J'aurais bien aimé quand même.

Des froissements de vêtement me font baisser les yeux vers Logan qui se déshabille. Je me retourne brusquement. Je suis certainement aussi rouge qu'une pivoine. Je l'ai déjà vue torse nu, mais jamais en caleçon ! Et aujourd'hui, c'est différent, car là, c'est lui qui se déshabille ! Oh bordel. Je dois penser à autre chose.

Le son que produit Logan ressemble vaguement à des branches qui se mettent à craquer. Toujours trop curieuse, je me retourne, hésitante.

Je suis sous le choc, mes paupières se sont ouvertes si grandes que j'ai peur d'en rester bloquée. Un énorme loup noir a pris la place de Logan, avec des oreilles et une queue blanches. Il se secoue avant de s'allonger au sol.

Je ne sais pas comment réagir. Il est si différent de la dernière fois, son pelage, sa couleur. J'ai l'impression d'être dans un rêve. Pourquoi est-ce que je me sens soudainement si triste ? Mon cœur, il se serre en le voyant sous forme lupine. Maintenant, je sais, c'est bel et bien un loup-garou et notre histoire n'aura sûrement aucune chance.

Je prends une grande bouffée d'air en posant son casque sur sa moto.

-Alors quoi ? Je vais monter sur ton dos et tu vas grimper cette colline ?

Je roule des yeux en prononçant ma phrase. Le loup ne bouge pas et me regarde d'un air innocent.

-Hors de question. Tu n'es pas un cheval.

Je hurle pratiquement la fin de ma phrase et m'agrippe à ses poils lorsqu'il passe en dessous de mes jambes. Secoué comme un sac de patates, je m'accroche du mieux que je peux. Il court à une telle vitesse. Les larmes aux yeux, les bras et les jambes enroulés autour de son ventre poilu. Je panique légèrement à l'idée de tomber et de me fracasser le crâne contre une pierre.

Petit à petit, il ralentit et je glisse avant de m'écrouler littéralement au sol. Les yeux grands ouverts, je regarde le ciel bleu et les nuages blancs, à formes diverses. Je prends une deuxième et grande inspiration, heureuse d'être encore en vie et m'étire comme une étoile de mer. Le museau humide du loup se colle à ma joue, je remarque alors, qu'au sol sont réunis ses habits. Qu'est-ce qu'il n'avait pas compris dans : "Hors de question" La peur et l'angoisse que cette montée m'a procuré risque de me faire vieillir plus vite ou juste de me faire vomir mon déjeuner.

Le voyant reprendre ses affaires dans sa gueule, je devine qu'il compte se transformer et se rhabiller. Je me tourne alors sur le côté, incapable de me relever maintenant et fixe l'horizon d'un regard distant.

-Ça va ? Tu es toute pâle. Désolé de t'avoir secouée autant, mais je n'avais pas d'autre solution.

Il me tend sa main avec un sourire qui me réchauffe un peu. Je glisse ma main dans la sienne pour qu'il m'aide à me relever.

Je me tourne et manque de tomber devant cette vue encore plus incroyable que ce petit tour à dos de cheval, du moins de loup ou de moto. Les arbres se répandent à perte de vue, les roches qui, d'ici, ressemblent à de petits cailloux brillants, le soleil qui commence à se coucher, la terre, les animaux qu'on peut difficilement distinguer au sol. C'est incroyable.

Bouche bée devant ce paysage, je n'ai même pas vu Logan s'asseoir au rebord. Il me fait signe de le rejoindre, ce que je fais sans prier. Mes jambes pendent au-dessus du vide et je me sens étrangement revivre.

-Pourquoi m'as-tu emmené ici ? Demandais-je sans quitter le tableau des yeux.

Un silence s'installe avant qu'il se décide de parler. Au ton de sa voix, je remarque facilement de la tristesse.

-Étant petit, j'ai fait une liste, quelque chose de ridicule et enfantin, certes, mais ça compte beaucoup pour moi, alors je voulais au moins faire une des choses écrites dessus avec toi.

-Une liste ? Répétais-je bêtement

-Oui. Une liste de ce que je voulais faire avec mon âme sœur.

Il rigole légèrement, avant de douloureusement inspirer et de détourner le regard.

-On m'a toujours rabâché que trouver l'âme sœur, c'était comme se trouver soi-même, différemment. Non, en fait, quand je t'ai trouvé, toi. J'ai retrouvé une partie de moi, que j'avais perdue. C'était comme trouver la dernière pièce d'un puzzle interminable. Comme trouver quelque chose que tu recherches désespérément depuis si longtemps. Quand je t'ai sauvé de ce camion, je ne comprenais pas. Je ne savais pas pourquoi j'avais envie de te consoler, de te prendre dans mes bras et de te bercer jusqu'à ma mort. Je n'avais juste pas envie de te voir pleurer. Ça m'était insupportable ! Mon cœur se serre douloureusement, les larmes me montent, je me fais force pour ne pas craquer. Et après quelques minutes de pause, il reprend la parole avec une voix tremblante : Pourquoi ? Pourquoi ne me laisses-tu pas ma chance ? Je ne suis pas cette louve ! Je ne suis pas un monstre, un tueur ou ton pire cauchemar. Je ne te ferai jamais de mal, à toi, à ta famille ou à tes amis.