6 - Marianne

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- Tout ira bien pour rentrer chez vous, my Lady ?me demanda aimablement Jean.

Je lui souris faiblement, en hochant la tête, au bord des larmes. Robin refusait obstinément de me regarder et je ne m'en sentais qu'encore plus souillée. Que m'était-il passé par la tête pour proposer cette solution ? J'avais l'impression de n'être qu'une fille de joie. Jamais je n'aurais dû proposer cela, et maintenant Robin me considérait comme une catin avide de la compagnie des hommes. Et pourtant... dans un sens paradoxale, sic'était à refaire, je le referai parce que j'avais vu dans la posture de Robin des Bois qu'il s'apprêtait à tuer ce garde au moment où il poserait un pied dans la ruelle. Et j'avais refusé cela, j'avais refusé qu'une autre personne ne meure sous les flèches du hors-la-loi. Alors j'avais baissé ma robe sur l'épaule sans dire un mot et en forçant Robin à... à... à exécuter ce plan.

Resserrant les pans de ma cape, je m'entourai de mes bras et regardai les chevaux partir au petit trop. J'étouffai un sanglot et fis demi-tour en direction du château. J'avançai lentement, retenant au mieux mes pleurs. Je ne me lâcherai qu'une fois dans ma chambre, pas avant. Titubant sur la route, je me fichai de savoir si j'allais tomber ou non. La vérité est que je n'aspirais qu'à cela, tomber et pleurer. De toute façon, qui pourrait me voir ? Il n'y avait personne. J'étais seule et corrompue.

Un cheval hennit, suivi d'une petite exclamation que je ne compris pas. Je ne prenais pas la peine d'essayer. Je sentis mon pied se dérober sous mon poids au détour d'un trou dans la route et mon corps dut attiré au sol sans pour autant le trouver. Deux mains me retenaient, l'une par mon coude, l'autre par ma taille. Une légère odeur de bois, de feu de camp et de sueur me parvint. Je la reniflai doucement en osant croire ce qui était pourtant sous mes yeux que je relevai lentement.

Robin des Bois était là, la mine soucieuse. J'eus un frisson de peur, allait-il me dénigrer encore plus ? Me rabaisser plus que je ne l'étais déjà ? Il me remit sur mes pieds et s'éloigna d'un pas de moi. Automatiquement, je rabattais ma cape autour de moi pour me protéger physiquement de la nuit fraîche et des futures injures de ce voleur.

Je l'épiai discrètement ; il se passait une main dans ses cheveux . À première vue, ils semblaient foncés – bruns ou châtains, voire noirs – et étaient en bataille. Il soupira finalement et releva le regard. Je baissai aussitôt le mien, pour ne pas voir ses yeux jugeurs.

Robin des Bois soupira une nouvelle fois et je vis ses bottes entrer dans mon champ de vision. Ses doigts vinrent effleurer mon menton pour le relever, et bien qu'il réussit, je gardai mes pupilles braquées sur le sol.

- My Lady, souffla-t-il.

Je relevai brusquement les yeux. C'était la première fois qu'il s'adressait à moi avec respect. Toutes les fois où il m'adressait la parole n'était qu'avec du mépris, de la colère, du dégoût. J'étais surprise, pourquoi me parlait de cette manière si ce que j'avais fait était déshonorant ?

- Je ne sais pas à quoi vous pensez, my Lady, reprit-il, mais je voulais vous dire que ce que vous avez fait est...

Il marqua une pause durant laquelle je me dégageai et me reculai de plusieurs pas. Je sentais les larmes remonter et menacer d'affluer. Je les retins, de même qu'un sanglot bruyant et disgracieux. Il tenta de s'approcher mais je reculai à mesure qu'il avançait. Je n'observai pas sa réaction mais je doutai qu'elle soit joyeuse.

- Ce que vous avez fait, continua Robin des Bois plus durement, était remarquablement courageux. J'ignore ce que vous pensez, et je ne veux pas le savoir, mais je me dois de vous signaler, my Lady, que par ce moyen, certes déshonorant pour vous, vous avez sauvé la vie de cet homme. Sans quoi j'aurai été obligé de l'abattre.

Robin des BoisWhere stories live. Discover now