33 - Robin

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 Je fermai doucement les yeux, mais ne vis aucune différence entre cette nuit sombre et l'obscurité de mes paupières closes. Relâchant lentement mon souffle, je les rouvris à la même vitesse.

Personne. Il n'y avait personne dans les rues de Nottingham, pas même un chat ou un chien errant, pas une silhouette allant de maisons en maisons... Personne. Vide, dénué de vie, où seulement quelques bâtisses éclairaient faiblement les rues.

Je soupirai. Elle n'était pas là... Où pouvait-elle être ? Elle n'était nulle part... Toute la nuit je l'avais cherchée, remuant ciel et terre, mais elle n'était pas là. Il n'y avait eu aucune réapparition de sa personne au château, et elle ne se trouvait pas dans les rues de Nottingham à aider ses habitants.

Avais-je réellement cru naïvement qu'elle attendrait dans ces voies, cachée à attendre que je ne vienne ? Elle ne m'avait jamais attendue, elle s'était toujours débrouillée pour vivre par elle-même. J'attendais simplement, stupidement qu'elle m'apparaisse, sur le toit de l'église de Tuck.

D'ailleurs, s'il l'apprenait, il allait me tuer pour avoir ainsi profaner son église. Mais j'étais bien, à cette hauteur, seul, à l'attendre.

Je me demandais ce qu'elle devenait ; était-elle blessée ? Perdue ? En danger ? Et si en ce moment-même elle avait besoin qu'on la sauve ?

Je la voyais partout, même là où elle n'était pas... Là, c'était une maison où elle avait soigné une petite fille malade, ici, c'était la rue où je l'avais vue pour la première fois depuis longtemps, juste avant qu'elle n'aide cette femme enceinte que des gardes avaient frappée. Dans cette rue, je l'avais embrassée pour la première fois, afin de tromper un garde sur la nature de nos faits et gestes. Elle en coureuse de remparts, et moi en homme cherchant les plaisirs des femmes de son genre. Au loin, dans la forêt de Sherwood, elle avait été pris en embuscade par Will qui jouait les nobles égarés et dépouillés par des hors-la-loi, juste avant que nous les attaquions... cette fois encore, je l'avais embrassée. Ou alors, au château, c'était là où sa présence était des plus fortes, où son odeur avait laissé son empreinte gravée dans le marbre. Mais aussi le vert des arbres, de l'herbe, la douceur du vent semblable à la caresse de ses lèvres contre les miennes. Dans cette nuit noire, où perçaient une infinité d'étoiles lumineuses, les seuls moments où je la croisais.

Mais je la retrouvais également là où elle n'avait jamais mis les pieds. Ces fermes au loin qui approvisionnaient le château, ces paysans qui travaillaient durs alors qu'elle n'avait qu'à demander pour avoir le plus luxueux des plats. Sur les chemins où nombre de voyageurs marchait chaque jour, à pied, et elle, en carrosse.

- J'en étais sûr, marmonna une voix.

En moins d'une seconde, ma flèche était bandée et prête à être envoyée sur la personne qui venait d'arriver. Frère Tuck leva les mains en l'air et me fit signe de me calmer. Malgré la noirceur des lieux, je reconnus sa soutane et ses sandales pauvres. Sa capuche était relevée sur sa tête coiffée de la tonsure réservé aux gens au service du Seigneur.

Un jeune garçon était à ses côtés, peu sûr de lui, intimidé. Il baissait les yeux vers le toit et ne les releva pas.

- Robin, qu'est-ce que tu fais sur le toit de la maison du Seigneur ?

- Je regarde le paysage, répondis-je.

« Je la cherche... » pensai-je.

- Hé bien, mon fils, trouve-toi un autre toit pour le faire, veux-tu ? La maison du Seigneur n'est pas faite pour cela...

Je ne répliquai rien et mon silence fut éloquent. Frère Tuck soupira, et il marcha doucement et prudemment jusqu'à moi avant de s'asseoir en s'appuyant sur mon épaule pour éviter de déraper. Il soupira une nouvelle fois puis me sourit.

Robin des BoisWhere stories live. Discover now