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Le visage d'Ash refusait de quitter ses pensées. Comment pouvait-il autant lui manquer ? Elle ne l'avait revu qu'une seule fois. Pourtant, ça suffisait à son cœur pour s'emballer. Elle ferma les yeux et respira profondément.

— J'ai fait des recherches ! s'exclama Camilla en entrant dans sa chambre. Je sais pourquoi tu à son parfum !

— Propriété privée ! gronda Sayana.

— Regarde ! se contenta de répondre l'adolescente en se jetant sur son lit.

Elle lui tendit un gros livre ouvert sur une page représentant deux loups et une autre contenant un long texte. Say arracha le manuel des mains de sa sœur et lut, prise d'une soudaine curiosité. Sa louve brûlait de connaître les réponses.

— Pu... rée ! souffla-t-elle, la gorge nouée. C'est impossible.

Elle se tourna vers la brunette qui souriait de toutes ses dents immaculées. Ses yeux pétillaient de ravissement.

— Si ! Oh, c'est merveilleux !

— Non, Camilla, ce n'est pas merveilleux.

— Si ! N'importe quelle fille rêve que ça lui arrive. C'est l'espérance de toutes de trouver l'amour éternel, celui plus fort que tout.

— S'il te plaît, sors d'ici.

— Tu avais ces étoiles dans les yeux quand tu es revenue, tout à l'heure. Tu crois qu'il sait, lui aussi ? Peut-être même qu'il est amoureux ?

Camilla sautilla sur place, parcourue d'une joie intense. Say, elle, ne savait pas si elle devait croire ce texte. Elle referma le gros livre et poussa un large soupir. Elle s'apprêta à ordonner à sa petite sœur de ne rien répéter à sa mère, quand un hurlement de loup déchira le calme de la nuit.

Suivi bientôt par d'autres ne signifiant qu'une chose : une chasse était ouverte.

Un frisson d'angoisse la parcourut. Leur mère débarqua, un lourd fusil à la main.

— Les filles, prenez vos affaires. Vite, on s'en va.

Trop surprises pour réagir, elles se contentèrent de rester sur place. Say n'avait jamais vu autant de détermination dans les yeux de sa mère.

— Que se passe-t-il, maman ? gémit la petite brunette.

— Ce sont les Carter, répondit Say à sa place. Que veulent-ils ? Ils sont sur notre territoire ? Qu'est-ce qui leur prend ?

— On les a mis très en colère.

— Qui ça, on ?

Une silhouette masculine se matérialisa dans l'encadrement de la porte. La mâchoire de l'adolescente faillit se décrocher.

— Ash ?

Déjà sa mère entrait dans la pièce et tirait des sacs à dos de sous le lit de Say. Dans d'autres circonstances, l'intéressée aurait été morte de honte qu'un garçon voit sa chambre, notamment les posters qu'elle n'avait jamais décrochés des murs.

— Pourquoi tu prends les bagages de secours ? s'alarma Camilla.

Par instinct de protection, Say entoura l'épaule de sa sœur. En effet, il était convenu qu'ils ne prennent ces sacs qu'en cas d'extrême urgence, le jour où elles devraient l'île que leur père et Josh Carter avaient colonisée il y a plus de vingt ans.

— Tout va bien se passer, ma chérie. Suivez Ash, je vous rejoins.

C'était du pur délire ! Que faisait le jeune homme dans leur maison ? Et pourquoi leur mère semblait le connaître ? Say ne bougeait toujours pas, les sourcils froncés, le crâne bousculé de questions.

— Viens avec moi, Say, intervint le loup-garou, je te raconterai tout.

Dehors, le hurlement des loups reprit, plus proche. Elle entendit même des moteurs de voiture.

— Ton père a lancé un assaut contre nous ?

— Ce n'est sans doute pas lui à l'origine, mais ça n'enlève rien au fait que ça craint. Rapplique, Say, on n'a pas le temps !

Elle bondit du lit, enfila sa paire de tennis et attrapa la main de sa petite sœur. La pauvre continuait de pleurer à chaudes larmes, sans comprendre.

— Allez-y, leur ordonna Deborah Warren. Je dois aller chercher mes affaires dans ma chambre, je vous rejoins dans la cave. Partez devant.

Sans attendre, Say entraîna sa cadette dans le couloir. Ash ferma la marche. Ils descendirent l'escalier, traversèrent la maison et s'engagèrent dans la cave. Lors de la construction de la bâtisse, un long tunnel qui traversait une partie de l'île avait été creusé. Par mesure de sécurité. Noah Warren, leur père, savait déjà à ce moment-là que la paix pouvait à tout moment éclater en morceaux entre eux et les Carter.

— Say, j'ai peur ! gémit Camilla.

— Tout va bien se passer, lui assura-t-elle en ouvrant la porte menant dans le tunnel.

Un nuage de poussière lui sauta à la gorge. S'étouffant à moitié, elle récupéra les lampes torches accrochées sur le mur, en distribua une à sa sœur, un autre à Ash et alluma la sienne. Le faisceau puissant chassa l'obscurité, dévoilant d'énormes toiles d'araignées qui pendaient au plafond. Alors que malgré sa terreur, la plus jeune des Warren s'engageait dans le boyau, Say marcha à hauteur du fils Carter pour lui demander :

— C'est quoi cette histoire ?

— Il y a trois semaines, j'ai eu vent que mon frère préparait quelque chose et qu'il comptait te revendiquer.

— Quel rapport ?

— Le rapport ? Si je suis revenu sur cette maudite île, c'est pour toi, Sayana. Et visiblement, Adrien n'a pas apprécié. C'est peut-être aussi dû à la raclé que je lui ai mise aujourd'hui.

Elle n'en revenait pas. Pour elle ?

— Ça fait huit ans qu'on ne s'est pas vu, Ash. Tu ne peux pas débarquer et... et...

— Te sauver d'un avenir malheureux et dramatique ? Bien sûr que si.

Ils accélèrent le pas. Il faisait une chaleur étouffante dans ce tunnel, l'air pesait sur leurs épaules comme pour tenter de les ralentir. Dans leurs dos, des pas retentirent. Deborah apparut avec une lampe torche et prit la tête du groupe en attrapant la main de Camilla. Say profita qu'elles prenaient un peu d'avance pour tenter de comprendre davantage.

— Tu savais ce qui se passerait ce soir ?

— Je savais que ça allait arriver, mais quand exactement, je l'ignorais. On dirait que ma venue a accéléré les choses.

— Qu'est-ce que tu comptes faire ?

Elle n'en revenait pas du tournant que prenait la situation. Elle vivait sur cette île, prenait ses cours sur cette île, était amie avec des humaines de cette île... on ne pouvait pas lui demander d'effacer son existence d'un coup de baguette magique ?

— Vous conduire en sécurité.

— Qu'est-ce que tu fiches avec ma mère ?

— Depuis quelque temps, nous communiquons elle et moi. Elle a fini par accepter que je désirais que ton bien, nous avons alors échafaudé ce plan.

— Quel plan ?

Say se prit les pieds dans une racine et partit en avant, lâchant sa lampe au passage. La seconde d'après, elle reposait dans des bras musculeux et chaud, bien plus sécurisant qu'elle pouvait l'espérer. Si elle ne voyait pas le visage d'Ash, elle le savait très proche du sien.

— Celui-ci, lui chuchota-t-il à l'oreille.

Cette proximité le poussa à fermer les yeux, à apprécier... jusqu'à ce qu'elle réalise ce qu'elle était en train de faire. À cet instant, sa mère pointa le faisceau de sa lampe sur eux.

— À quoi vous jouez ?

— A rien, madame Warren, prétendit Ash en aidant Say à se relever. Votre fille a failli se casser la figure.

— Oui, tiqua la femme avec suspicion, eh bien remettons-nous en route.

Alchimie et loups-garousWhere stories live. Discover now