Chapitre 2: Le bateau

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Je m'élançais vers la passerelle et la ratais de quelques secondes à peine. Une panique sans nom s'empara de moi. Tous mes plans et rêves allaient quitter le port. Et je ne serais pas de leur voyage. 

Mon esprit réfléchissait tellement vite que j'en avais presque le tournis. Il me fallait une solution. C'était la seule chose que je désirais.

Comme entendue par une force supérieure, je vis une échelle de corps qui se balançait à bâbord. Trop éloignée pour que je l'atteigne en sautant. Assez longue pour que je l'atteigne à la nage.

Sans prendre le temps d'y réfléchir, je plongeais dans l'eau glacée de la baie. Non sans peine, je parvins à atteindre la corde et me hissait sur le pont, bien trop bruyamment à mon goût. Cependant, je n'étais pas seule comme je l'avais pensé. Je perçus deux bottes en face de moi. Ce n'était pas des bottes de gardes. Je les connaissais trop bien. Il s'agissait de bottes d'ouvriers. Dures et solides. Presque semblables aux miennes qui avaient failli causer ma noyade. Fébrile et grelottante de froid, je relevais péniblement le menton, me retrouvant nez-à-nez avec une arme braquée sur mon front.

-Tu bouges t'es morte.

Malgré sa voix étouffée, je sus de suite que c'était une femme. J'allais mettre les mains derrière ma tête pour lui montrer que je ne portais pas d'armes quand je l'entendis enlever la sécurité. 

-J't'ai dit de pas bouger ! Encore un seul geste et j'te fais sauter la cervelle, net et sans un bruit. 

Je m'immobilisais et elle se pencha vers moi. Son odeur fétide agressa mes narines. Une odeur de poisson, d'algues, de sale et de pourriture. Comme si elle sortait tout droit d'un dépotoir. Un léger rayon de lune éclaira son visage. Malgré la saleté, je la trouvais plutôt jolie. De longues dreds bruns, de jolis yeux noirs brillants d'assurance, son petit nez retroussé et ses lèvres pincées.

-T'es qui !? Tu fous quoi là !?

Je déglutis avec difficulté, pas entièrement convaincue que ma voix accepte de coopérer.

-Je... Je veux juste traverser... bégayais-je, ma voix tremblant tant de froid que d'anxiété

Sans vraiment savoir pourquoi, je savais qu'elle comprendrait. Peut-être parce qu'elle même était clandestine ici. Pourtant quelque chose me dérangeait chez elle. Outre le fait qu'elle menace de me tuer. Je décidais de taire cette intuition. Après tout je n'avais pas vraiment le choix. 

Elle me dévisagea un moment, comme pour sonder mon âme avant de soupirer et secouer la tête.

-C'est quoi ton nom jolie rousse ?

-Kya.

-Ca a le mérite d'être court. Moi c'est Acha.

Elle me tendit la main pour m'aider à me relever, que je saisis sans hésiter, trempant par la même occasion sa veste en treillis. Je remarquais alors la présence d'autres personnes derrière elle. Acha était accompagnée de quatre hommes, calmes, immobiles, attendant visiblement ses ordres. Elle devait en être le chef.

-J'te préviens gamine. Ce qu'on fait ici ne te regarde pas. Si tu nous fait repérer on te flingue. Alors tu bouges pas et tu la boucles.

Je hochais la tête d'un air entendu et me fis encore plus petite que je ne l'étais déjà. Tous ces hommes me fixaient intensément, accroissant mon sentiment de malaise. C'est sans peine que je comprenais que je n'étais pas la bienvenue. Au contraire, ma nature maladroite risquait plutôt d'être un boulet pour eux qu'ils balanceraient par dessus bord sans hésiter la moindre seconde. 

Restait encore une possibilité que je n'avais pas encore envisagé: Celle de servir de pâture aux loups.

Acha y pensa manifestement avant moi car elle me saisit le bras, un sourire carnassier fiché sur ses lèvres minces, dévoilant ainsi ses canines bien trop pointues pour l'être de manière naturelle. 

-Non, j'ai une bien meilleure idée. Tu vas nous être plus utile que je ne le pensais en fin de compte.

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