Chapitre 5: La cale

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Acha me lança un dernier regard effaré avant de sauter par dessus bord, s'enfuyant en m'abandonnant lâchement à mon sort. Je ne devais pas rester là. 

Ma pochette demeurant introuvable, je fus contrainte de cacher au mieux mon dé dans un bout de tissu que j'avais arraché de ma chemise et, comme le glisser dans une de mes poches trouées était le meilleur moyen de le perdre ou de perdre la vie, je le gardais bien serré dans mon poing. Je devais me cacher, le plus vite possible. Et mon premier réflexe, non pas le meilleur, fut de courir vers la porte menant à la cale.

Je dégringolais durement et bruyamment les escaliers que je n'avais pas vu dans le noir total qui envahissait le lieu dans son intégralité. Persuadée de me faire attraper, je me recroquevillais sur moi même en cachant mes oreilles avec mes poings. Comme si cela aurait pu empêcher qui que ce soit de me trouver. Mais personne ne vint. A croire que ce paquebot était désert. Ou que l'Etat était bien trop confiant pour surveiller son commerce et sa marchandise.

Des cliquetis m'indiquèrent que je me trouvais près des cages. Donc au milieu des prisonniers. Cette idée me serra douloureusement le coeur. Des LED sous forme de veilleuses s'allumèrent sur les parois métalliques, dévoilant tous ces visages captifs tournés vers moi. Certains craintifs, d'autres menaçants. Mais leur expression changea quand ils aperçurent mon dé, échappé pendant ma chute spectaculaire, qui clignotait presque tant les battements de mon coeur étaient affolés. Je me jetais sur lui pour le dérober à la vue de tous ces inconnus, le serrant contre moi, les yeux clos. Ils allaient me rejeter. Cela ne faisait aucun doute dans mon esprit. Cependant, à ma grande surprise, il n'y eut aucun sifflement d'aucune sorte. Pas même de murmures. J'osais ouvrir mes paupières pour les regarder tous. Ils semblaient inquiets. Une femme m'adressa même la parole d'une voix soucieuse.

-Ma petite... Que fais-tu ici ? Tu ne devrais pas être là... Cache-toi ! Ils ne doivent pas te trouver ! 

Une forte secousse m'indiqua que nous arrivions de l'autre côté de la baie. 

-Ne vous en faites pas. Nous sommes arrivés, je n'ai plus qu'à nager jusqu'au rivage et m'enfuir loin d'ici. Je n'ai pas croisé un seul garde. Alors... Tout ira bien !

Son visage s'assombrit brusquement et cette même ride inquiète marqua de nouveau son visage.

-Tu n'es donc pas au courant... Ce ne sont plus les gardes qui assurent la sécurité...

Je ne réalisais pas vraiment ce qu'elle essayait de me dire. Si ce n'était plus des gardes qui assuraient la sécurité... Alors qui était-ce ?

-Que voulez-vous dire, je ne comprends pas... soufflais-je

Un bruit mécanisé parvint à mes oreilles. Un bruit de serrure. Toutes les portes, sorties, issues potentielles... Tout avait été verrouillé en un seul et même mouvement. C'était donc cela. 

-Non... gémis-je

Tout le bateau était à présent équipé d'un système de sécurité informatique. Tout ce que nous avions fait sur les ponts avait du être enregistré. Ils avaient même déjà du les stopper. 

Ma respiration se fit plus rapide, saccadée. J'allais donc être enfermée comme tous ces gens...? J'allais moi aussi me faire torturer dans le but de servir de cobaye à leurs chercheurs...? Réduite à une simple expérience comme un rat de laboratoire...

Me tirant de ma rêverie, la femme avait sorti son bras de la cage afin de poser sa main sur mon épaule pour me raisonner.

-Cache toi mon enfant... Ils ne doivent te trouver à aucun prix...

J'obtempérais sans réfléchir outre mesure. Les chaines s'affolaient, s'entrechoquaient, pointant chacune une cachette différente. Totalement désorientée, tant par ma précédente cascade que par toute cette agitation, je me trainais avec peine jusqu'à une caisse derrière laquelle je m'écroulais. C'était trop pour moi. Bien plus dur que tout ce que j'avais pu imaginer. Naïvement, j'avais cru que cette bataille était gagnée d'avance, que j'étais plus maline que tout le monde. Mais je me trompais lourdement. Malgré cela, je ne regrettais pas cette entreprise. Comment le pourrais-je ? Pour le première fois de ma vie, une multitude possibilités s'étaient offertes à moi. Pas seulement faire le ménage ou faire office de marche-pied. J'étais, ou du moins j'avais été durant un court laps de temps, libre. A présent, je devais rester forte. Ne pas me laisser aller. Je devais affronter tout ce qui allait advenir.

Et c'est dans cet état d'esprit que j'entendis une porte s'ouvrir et de lourdes bottes se rapprochant, signant ici la fin de tous mes espoirs d'avenir.


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