Chapitre 7

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Anna se lève de sa chaise. Le cours d'italien est fini, elle peut tranquillement ranger ses affaires, rentrer chez elle, et surtout, surtout, aller chez le disquaire. Pour préparer l'instant magique où elle choisira ses cadeaux de Noël, il faut qu'elle sélectionne la crème de la crème.

Elle met son sac sur ses épaules en fredonnant... Du moins, jusqu'à ce qu'elle passe devant sa professeure. Le regard qu'elle lui jette la ramène brutalement à la réalité. Ses notes ont drastiquement baissé depuis qu'elle a développé ces foutus sentiments pour elle. « Anna », l'appelle-t-elle, un sourire acide collé à ses lèvres rouges. « Tu vas causer avec moi cinq minutes, hein ? »

Oups. Elle s'approche de la petite femme blonde. Depuis l'incident de la voiture, elle lui reparle presque normalement, et c'est à son grand plaisir, mais elle lui fait aussi et surtout remarquer que sa moyenne est passée de seize à dix... En un mois et demi.

Une fois la salle vidée, Madame Lenoix va fermer la porte. « Bien. Tu te doutes du sujet que je veux aborder... » Elle déglutit, sous pression. Ses mains deviennent moites, son estomac se serre. Je vais me faire engueuler, je suis foutue, elle va me foutre en heure de colle, elle va me rajouter des cours...

Le fil de ses pensées se casse brutalement. Des cours supplémentaires ? Sa peur se transforme en espoir. Elle ne devrait pas se réjouir d'avoir à peine la moyenne, mais c'est plus fort qu'elle.

La toux forcée de la blonde la tire de sa rêverie.

« D'abord, pourquoi est-ce que ton niveau d'italien a sauté du haut de l'Himalaya ?

— De l'Himalaya ? demande-t-elle, sourcils froncés.

— C'est un trait d'humour, Anna. Un trait d'humour !

— Ah, oui...

— Alors ? »

Alors... Elle détourne le regard. Je lui dis quoi ? Son cœur s'emballe. Les secondes passent. « Oh, je vois », murmure Madame Lenoix en replaçant une mèche derrière son oreille. L'adolescente se raidit. « Tu es amoureuse, c'est ça ? » Le feu lui monte brusquement aux joues. Qu'est-ce que je lui dis ? Elle serre les dents. Non, il n'y a plus de retour en arrière possible... Elle inspire profondément, et plonge son regard dans le sien.

« Oui.

— Oh, je le savais ! s'exclame subitement l'autre avec entrain. Alors, c'est qui ? Tu as une touche ? Tu lui as avouée tes...

— C'est vous. »

Un silence. Long, très long. J'ai merdé. Sévère. Très sévère. Sa professeure la dévisage d'un air stupéfait. Puis, à la seconde même où Anna allait faire volte-face, elle éclate de rire.

« Alors ça, on me l'avait jamais faite ! » Un sentiment ignoble s'empare de la jeune fille. « Anna, ton humour déchire beaucoup plus que ce à quoi je m'attendais ! » Elle l'écarte. « C'était très bien placé. J'y ai cru, pendant quelques secondes... » Après tout, elle a une porte de sortie, aussi douloureuse soit-elle.

« Alors, c'est qui ?

— Ce n'est personne. »

Un petit sourire s'installe sur les lèvres rouges de la femme. Il y a quelque chose, dedans, mais Anna n'a pas la force d'analyser quoi que ce soit. Alors, elle attend une autre parole, un autre geste. Elles se regardent dans les yeux un moment.

« Tes notes n'ont baissé qu'en italien.

— C'est vrai.

— Il y a une raison derrière ?

— Je ne sais pas. »

Quelques secondes. « Je vois. Essaie de les remonter, hein ? Je n'aime pas vraiment ça », rigole-t-elle nerveusement. « A demain, Anna. » Elle hoche la tête, et part.

Plus les mètres les séparent, plus elle accélère. Ça lui fait mal. Elle veut partir le plus loin possible de Madame Lenoix. Elle ne sait même pas si elle veut la revoir, car son coffre se déchirerait un peu plus. Elle sera pourtant bien obligée de se confronter à elle de nouveau.

Mais elle fuit toujours, aussi éphémère son répit sera-t-il.

Lumière Rouge [GxG] [TERMINÉ]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora