Prologue

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Allongé sur un coin d’herbe fraiche, les yeux rivés sur les cieux sans nuages, Saül somnolait au soleil, tel un serpent sur une pierre chaude. D’ailleurs, pour lui, la ressemblance ne s’arrêtait pas là.

Ses iris verts marécageux, fendus par une pupille verticale, illustraient aussi bien son ascendance sur les serpents que les minuscules écailles fleurissant à la pointe de ses yeux. D’autres endroits de sa peau étaient déformés par cette marque du Diable, dissimulés sous ses vêtements de toile grossière.

Saül soupira bruyamment.

Enfant du malin, il était rejeté par ses paires depuis sa plus tendre enfance. Sans Galeran et sa troupe, il n’aurait jamais atteint ses vingt misérables printemps. Passés à être un monstre de foire, présenté comme le fils de Satan...

-A l’aide !

Le cri lui fendit les tympans. Il se concentra, tendu à l’idée d’un deuxième. Finalement, rien. Il avait dû rêver.

-Que Dieu me vienne en aide !

Nom de… Bondissant de son lit d’herbe, il se précipita vers la source du cri. Par chance, les marécages de Tarascon n’étaient pas très denses, aussi put-il se frayer un chemin jusqu’aux arbres en bordure d’une langue de terre ferme… pour se figer de stupeur.

Une bête énorme se dressait devant lui. Six pattes d’ours soutenaient le poids d’un corps de tortue au torse de bœuf, à queue de scorpion. Sa tête de lion pourvue d’oreilles de cheval étaient tournées vers une silhouett,e plaquée contre un arbre mort, rendu noirâtre par les humeurs du marré.

La Tarasque, créature mangeuse d’homme, était sur le point de se repaître de la plus belle femme qu’il lui ait été donné de voir. Grande, elle portait une chaste robe de bure fermée jusqu’au col. Sa chevelure blonde brillait telle de l’or, à l’égal de la croix chrétienne brandit devant elle. Des larmes roulaient sur ses joues, tant elle était terrorisée en invoquant le nom du Seigneur.

-Non mais je rêve !

Saül fronça les sourcils. Entre la Tarasque, et la magnifique damoiselle, il n’avait pas vu la femme, à l’écart.

Les poings sur les hanches, elle transpirait l’exaspération. Vêtue d’une robe noire sur une chemise blanche, elle avait laissé ses cheveux libres sur ses épaules. Saül crut un instant voir le Démon en personne. Ses mèches étaient d’un rouge sombre. Pas comme les rousses qu’il croisait lors de ses représentations, non. Du vrai rouge de diablesse, suffisamment sombre pour devenir noir dans les ombres.

-Tu voulais soumettre la Tarasque de cette façon, Marthe ?

La créature tourna sa gueule garnit de crocs vers la Diablesse, qui lui accorda à peine un regard.

-Je… Je… Le Seigneur le désire… C’est… Une créature du Malin…

-Mais bien sûr, soupira-t-elle, exaspérée. Enfin, au moins, tu me serviras tout de même d’alibi. Hé, la Tarasque !

Instinctivement, Saül se dissimula derrière l’un des arbres morts, le cœur battant. Cette donzelle hélait le monstre de Tarascon si aisément !?

-Que me veux-tu, gamine ? gronda la créature, d’une voix venu des Enfers.

-Je désire passer un marché avec toi.

Quoi ?

Saül zieuta cette femme à la chevelure de sang, mal à l’aise. Elle ne tremblait pas devant la Tarasque. Elle ne semblait pas même avoir peur.

-Un marché ?

-Exactement. Tu le sais, les villageois en ont assez de tes appétits. J’ai d’ailleurs entendu une bande de gamins se défier mutuellement, pour venir t’occire.

Les Affres d'une GrenouilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant