Chapitre 4 : Et la capuche chut

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Lui, installé à la table principale.

Saül n’aurait jamais cru à ce qui aurait, encore la veille, passé pour un honneur. Mais là… Cela tenait plus du supplice qu’autre chose.

Car La Pernelle se trouvait l’autre côté de Pavin, vêtue d’une longue robe rouge, aussi sombre que sa chevelure. Elle dardait de temps à autres un regard terrifiant sur lui, lui sommant clairement de faire la même chose qu’elle.

Soit se montrer aguicheur envers Pavin. Ou lui caresser le bras. Oh, pitié, non !

En fixant la Troupe devant lui, il se surprit à souhaiter se trouver encore dans le plafond, à attendre son entrée en scène. Si seulement il n’avait pas tenté de fuir… Cet homme ne serait pas en train de lui palper la cuisse en lui susurrant des mots d’amour à l’oreille !

-Saül, mon petit… Vous paraissez tendu.

Qu’il dégage sa main de lui, sinon il allait le cogner ! Fichu filtre d’amour… Ce ne pouvait pas être une relation platonique, hein ? Non, évidemment. Ce, ce…. Cet homme se trouvait excité par sa présence ! Quelle horreur !

Les bruits de mastications à son oreille menaçaient de le rendre fou, en plus de tout ces regards condescendant que lui adressaient les nobles. Attablés, ils chuchotaient en fixant le trio, entre deux bouchées de mets en sauce. Saül, lui, ne pouvait rien avaler.

Et dire qu’il se plaignait tantôt de subir les ardeurs d’Adeline, en train d’exécuter un numéro de souplesse au centre des tables en U. Pendant ce temps, les doigts gras de jus de poulet du Seigneur remontaient le long de sa jambe, le crispant de plus en plus.

-Il doit encore s’en vouloir, ronronna La Pernelle. Pour le coup qu’il vous a porté…

-Oh, encore ? gloussa Pavin, faisant tressauter son double menton. Mais ce n’est rien, mon petit… Peut-être devrais-je vous prouver à quel point cela m’importe peut…

Ses doigts remontèrent d’un coup, glaçant le sang de Saül, qui jaillit de son siège. Son cœur arrêtant de battre un instant, avant de reprendre à un rythme effréné lorsqu’il croisa le regard noir de La Pernelle. Il ne vit même pas celui de Pavin, blessé et inquiet à l'instar d'un amant.

-Je… Heu… Désolé…

Il partit presque en courant de la salle de réception. Il était au pas de course lorsqu’il jaillit à l’extérieur du château, le souffle court. Fuir… Oui, fuir était la meilleure solution !

Totalement paniqué, il prit son élan… Et s’arrêta net avant de heurter un homme, jaillit du néant. Levant la tête, il croisa deux iris d'un bleu glacial. La seconde suivante, une main saisissait sa gorge, un sourire cruel parmi les ombres du capuchon dissimulant le reste de son visage.

-Tu ferais vraiment une telle chose, Saül ?

Il émit un gargouillis incompréhensible.

-Je me prénomme Lazare. Un ami de La Pernelle. Je te recommande chaudement la compagnie du Seigneur de Pavin.

Lazare relâcha sa prise, permettant à sa proie de respirer. Ce qu’elle fit en haletant, non sans reculer prudemment.

-Belle construction, n’est-ce pas ? lança l’homme, doigt pointé vers la haute tour inachevée du château. Seuls les humains ont des telles idées. D’après eux, c’est ce qui les distingue des animaux.

Il contempla le ciel fendu par le monument, et son sourire carnassier revint.

-Mais cela ne les distinguent pas du gibier.

Les Affres d'une GrenouilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant