Chapitre 13 : La Duchesse-Surprise

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Les jours passaient, mornes et sombres. Alix et Guyot planaient dans leur cocon de bonheur, rêvant de leur futur mariage, débarrassés de l’immonde Mandragoule. Ils étaient si reconnaissants envers l’ange et La Pernelle, qu’ils en avaient accepté Saül, sans même rechigner.

Ou alors était-ce à cause du regard de Lazare.

Saül regarda par la fenêtre, son envie de liberté chevillée à son besoin de rester.

Voilà des jours qu’ils étaient ici, laissant les feuilles des arbres choir sur le sol, gelé. L’air fleurait la neige, menaçant de plus en plus le ciel de Mortemart. Ils avaient trouvé refuge dans le manoir, après avoir tué un dragon et exécuté le Seigneur de ce pays, de la plus atroce des façons.

Depuis, La Pernelle n’avait toujours pas ouvert les yeux.

La créature avait lacéré son bras et ses cuisses, même son ventre. Guyot avait fait au mieux pour la soigner. Toutefois, il n'y avait pas le moindre signe de rétablissement.

Il se tourna vers la porte close, un noeud dans la gorge. Personne ne pouvait entrer dans la pièce. Pourtant, il savait très bien que Lazare s’y trouvait, au chevet de sa Masque. Assit à même le sol, son épée contre lui, avec un regard de fauve blessé léchant ses plaies. Lui aussi avait été blessé dans l’affrontement. Mais pas un seul instant il n’avait songé à se faire soigner.

Car la seule chose importante à ses yeux, c’était La Pernelle, inerte dans son lit.

Comme si son monde se limitait en cette unique personne.

*

J’étais bien. Au chaud, roulée en boule devant le feu de la mère maquerelle. C’était mon jour de repos, aussi pouvais-je me délasser tranquillement dans ce lieu saint, loin des râles de plaisirs des filles de joies, qui formaient ma famille. Somnolente, je m’enroulai un peu plus dans ma couverture, en songeant au client devant arriver le lendemain. Y penser me glaça le sang, en dépit de la chaleur des flammes. C’était un habitué bien cruel, aimant à faire peur aux compagnes d’amour. Avec un cœur aussi froid que ses appétits étaient voraces.

Enfin… Un homme était un homme. J’étais née pour donner du plaisir, aussi m’acquittai-je de ma tâche sans rechigner. Après tout, ce n’était pas désagréable de voir tous les grands de la ville défiler dans mon lit, pour goûter à mes prouesses. En tout cas, la mère maquerelle aimait à me le dire, chaque fois qu’elle triplait mes rendez-vous du jour.

Le sexe n’était autre qu’une arme.

-… Elle…

Je relevai la tête, sourcils froncés.

-Per… Nelle…

Cette voix… Je la connaissais. Un sourire flotta sur mes lèvres. Oui, je la connaissais. C’était…

-Lazare ? gémis-je en entrouvrant les paupières, sur mon véritable présent.

Diantre, son timbre chaud avait traversé les couches de souvenirs ayant investi mon sommeil, pour me tirer jusqu’à la lueur des chandelles de la pièce. Où étais-je ?

-Mmh… Qu’est-ce que…

-Que les Dieux soient loués, l’entendis-je murmurer. Tu m’es revenu…

Non, je ne rêvais pas. Je me trouvais bel et bien allongée sur un lit, dans la tendre étreinte de Lazare, dont les lèvres embrassaient mon front. Son corps pressé contre le mien me réchauffait plus sûrement que la couverture au-dessus de nous. S’il n’y avait pas eu la barrière de nos vêtements, je me serais cru au paradis.

Les Affres d'une GrenouilleWhere stories live. Discover now