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Des regards évités, des complicités retenues, le savoir d'une intimité dissimulé à leurs esprits, Nótt et Loki se comportaient eux-mêmes comme s'ils ignoraient leurs actions. Dag était l'unique témoin de leur union impie, et il n'aurait pu dénoncer sa sœur céleste, trop loin des Mondes.

Chahutant autour de la table, n'ayant presque pas remarqué leur absence, ils fêtaient le combat prochain. Muets, aveugles, Loki et Nótt s'endeuillaient déjà de l'arrivée d'Hati.

Ils auraient pu hurler, rire, boire jusqu'au Ragnarök que Loki n'aurait pas bougé un seul muscle de son visage, paralysée dans une pensée gélatineuse.

- Allons, mon frère ! Aurais-tu peur d'un loup blanc ?! se moqua Thor, en tendant sa chope dans sa direction.

Loki ferma son poing sur sa table, agacé par ceux qui l'entouraient.

- Mais regarde ! Le jour ne s'en va pas, la nuit et à notre table, profite de cette interminable festivité !

- Il n'y a pas que la Nuit à notre table, reprit Loki, mais aussi ton insupportable immaturité. J'ai peur de devoir te l'avouer, tu fais beaucoup de bruit, tu dois certainement manquer de sommeil, vivement que Nótt retrouve sa place, comme tout le monde ici.

La concernée garda son allure détachée et distante, avec cet air insensible qui la transformait en statue prête à être idolâtrée. Il aurait continué, voyant ce regard d'abord interloquée de Thor et du reste de l'assemblée. Il ne se serait pas adressé à Thor, mais à Elle.

- « Et toi, traitresse, tu m'as laissé t'aimer et m'as forcé à me taire, rester interdit jusqu'à la nuit des temps, pour que tu gardes ta pureté et ton mystère ! Va, retourne chez toi, dans le néant et le chaos, s'il n'y a que lui que tu peux étreindre, fais-en une nécessité pour Yggdrasil, mais ne revient jamais sur Asgard, ne passe pas non plus pour la plonger dans les ténèbres ! Garde ta malédiction, et qu'elle achève ton cycle éternel ! » aurait-il craché avec hargne, serrant les dents, presque à sortir une langue fendue en deux, envenimée de paroles d'amertume et de colère. « Pourquoi avoir joué à cela, défier le reste de l'univers pour quelques secondes sur une terre ! Pourquoi avoir dit m'aimer pour ensuite me laisser ! »

Étaient-ce des larmes qui menaçaient alors Loki, ce dernier toujours assit, bouche fermée mais esprit ouvert. Et c'est comme si tous avaient entendu ces paroles imperceptibles, puisque personne ne répondit, attendant tous sur Thor pour lui répondre. Comme à l'usuel, personne n'osait se mêler de ces histoires de famille.

- Ne m'oblige pas à te priver de combat, mon frère, répondit Thor en le menaçant de cette déformation faciale qui lui avait fait perdre le sourire. Ta mauvaise humeur n'est pas invitée à notre table.

- Oh, pitié, que vas-tu faire, me lancer ton alcool trop fermenté ? Il est vrai qu'il a le goût de la mort ! lança-t-il avec cynisme.

- Va-t'en, ordonna Thor, qui tenta d'abord de tempérer la situation.

- Quoi, tu as peur de te fatiguer avant l'arrivée du Loup ? nargua Loki en se redressant de sa chaise, sans conscientiser son mouvement.

- Ne me cherche pas ! prévint Thor en imitant le geste.

Loki n'eut qu'à produire un léger mouvement de sa main pour faire tomber la chope de son frère et la renverser sur son pantalon et ses bottes.

- Très bien ! répondit Thor à la provocation en élevant la voix, la rendant plus grave et puissante.

Mjölnir en ses mains, il s'apprêta à l'abattre sur son frère, situé à quelques chaises en face de lui, ce fut Sif qui s'interposa enfin entre les deux.

- Arrête, Thor ! cria-t-elle en retenant son imposant bras. Loki ! à quoi tu joues !

Ce dernier se mit à rire sournoisement.

- Merci Sif, sans toi, Thor aurait dépassé le ridicule !

- Sors ! hurla-t-elle presque, profondément énervée.

Il ne fut pas nécessaire de le lui ordonner une nouvelle fois, que Loki quitta l'assemblée trainant sa fierté avec lui. Il laissa son regard couler sur Nótt qui n'avait pas bougé et n'avait aucunement réagit à cette altercation fraternelle. Et il eut soudainement envie de s'excuser pour toutes ces paroles qui lui avaient été adressées, comme s'il ne savait plus s'il les avait dites à vois haute ou à voix basse. Il s'arrêta pour la toiser.

- « Je t'aime ».

Fallen From AboveWhere stories live. Discover now